Alain Di Crescenzo : dans cette période d'instabilité, les CCI sont "le dernier kilomètre des entreprises"

L'endettement et l'instabilité politique pèsent sur le moral des TPE et PME. C'est le message principal du président de CCI France, lors de ses vœux, le 16 janvier 2025. Face aux défaillances qui se multiplient, les CCI n'entendent pas ménager leurs efforts, qui restent conditionnés au maintien de leurs ressources.

La situation économique des TPE et PME est "sans appel", a alerté Alain Di Crescenzo, président de CCI France, lors de ses vœux à la presse, le 16 janvier 2025. "L'indicateur d'optimisme n'est pas bon, a-t-il signalé, avec 68 points, après un pic en avril 2018 à hauteur de 142 points et un minimum durant la crise covid à 42". 59% des patrons voient les perspectives de leur entreprise de manière positive (contre 83% en avril 2018), de l'économie française, et 11% seulement voient de manière positive l'avenir de l'économie française (20% pour l'économie mondiale, contre 70% en février 2018). Les raisons sont doubles : d'un côté le ralentissement de l'activité, avec un taux d'endettement des entreprises hérité du Covid parmi les plus élevés au monde, et de l'autre, l'instabilité politique. "Le flou est très impactant, a assuré le président de CCI France, 16% subissent déjà des impacts négatifs et dans ce cas, elles mettent le pied sur le frein !" Les secteurs les plus en souffrance sont le commerce, le bâtiment et l'immobilier, l'hôtellerie-restauration et l'automobile, "qui vit une crise terrible avec la mutation vers les véhicules électriques", a insisté Alain Di Crescenzo. Et les conséquences sont déjà là, avec 66.422 défaillances en 2024 et 266.000 emplois menacés (voir notre article du 8 janvier 2025), un ralentissement de l'investissement (43% des TPE-PME ont investi en 2024 contre 55% en moyenne entre 2001 et 2023), une croissance en berne (+0,9% en 2024, une prévision de +1,1% en 2025), et une hausse du chômage (7,4% en 2024, une prévision de 7,6% en 2025).

Des foncières commerciales mises en place

"On n'a jamais eu autant de demandes de la part des entreprises, sur le plan technique mais aussi psychologique !", a signalé le président de CCI France, qui estime que dans ce marasme, les CCI sont "le dernier kilomètre des entreprises".

Et malgré les diminutions de budget au fil des années (de 1,3 milliard d'euros en 2013 à 525 millions en 2022) et une transformation d'ampleur (de 25.000 collaborateurs à 14.000), les CCI continuent ce travail d'accueil et de conseil des entrepreneurs : 483.000 porteurs de projets reçus en 2024, 515.000 personnes formées, 575 équipements gérés. Le tout avec des retours plutôt bons : le taux de satisfaction moyen des entreprises est de 8,3 sur 10, en hausse de 2 points et celui des collectivités, un nouvel item de l'enquête OpinionWay annuelle, s'établit à 8,4 sur 10.

Parmi les axes particulièrement développés pour soutenir les entreprises en difficulté, en matière de commerce notamment, CCI France met l'accent sur la création des foncières de redynamisation commerciale en partenariat avec la Banque des Territoires et les collectivités. "Il y a déjà des initiatives sur certains territoires, pour lutter contre la vacance et donner la possibilité à des commerces de s'implanter", a détaillé le président de CCI France, qui souhaite aussi aider les commerces à se saisir du e-commerce et de l'intelligence artificielle (objectif : sensibiliser 20.000 entreprises à l'IA en 2025). 

La tête de réseau des CCI veut aussi contribuer à la transformation des zones d'activité, via un inventaire du foncier disponible (rendu obligatoire pour les EPCI par la loi Climat et Résilience de 2021). "L'initiative vient de la CCI de Bretagne, qui analyse les locaux disponibles ou les parkings non utilisés, ce foncier permettant d'installer des entreprises rapidement", a détaillé Alain Di Crescenzo. Une expérimentation est ainsi en cours pour optimiser les zones d'activité à l'échelle de quatre EPCI bretons (Dinan Agglomération, Rennes Métropole, la communauté de communes Pays de Landivisiau et Auray Quiberon). En Bretagne, on compte 1.587 zones d'activités, accueillant 30 à 40% de l'emploi régional, représentant des gisements de renouvellement urbain et d'optimisation foncière. A noter que, via son offre @zaé, la Banque des Territoires a réalisé un inventaire des zones d'activités de plus de 40% des EPCI de Bretagne (25 réalisés pour une cinquantaine d'EPCI) entre 2023 et 2024 (voir notre article du 17 avril 2023).

Vers 18 accélérateurs de relocalisation

Concernant les entreprises industrielles, CCI France estime qu'il faut davantage promouvoir le Made in France et généraliser les "accélérateurs de relocalisation", sorte de parcours d'accompagnement des entreprises mis en place par les chambres pour faciliter les projets de relocalisation. Actuellement treize accélérateurs de ce type ont été mis en place pour tenter de relocaliser les achats, voire la production des entreprises accompagnées. Il devrait y en avoir 18 prochainement. Ils sont conçus en partenariat avec les collectivités. 

Des actions jugées efficaces par le président de CCI France, qui nécessitent toutefois d'arrêter les baisses de budget des chambres. Si le Premier ministre a demandé dans son discours de politique générale le 14 janvier de rationaliser les 1.000 agences, organes ou opérateurs exerçant l'action publique, Alain Di Crescenzo se dit raisonnablement optimiste pour les CCI. Après une baisse de 70% de leur budget depuis 2013, il est prévu que la taxe pour frais de chambre qui les finance reste stable à 525 millions d'euros, en contrepartie d'un retour à l'Etat de 100 millions d'euros sur quatre ans, 40 versés en 2024, 20 en 2025, 2026 et 2027, comme le prévoyait un amendement au projet de loi de finances préparé avec CCI France et adopté fin 2024. Des prélèvements qui sont ciblés sur les chambres les plus riches.

 

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