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Aires protégées : le Sénat propose de conforter et de diversifier leur financement

La sénatrice Christine Lavarde, rapporteure des crédits de la mission "Écologie, développement et mobilité durables", a publié ce 29 septembre son rapport sur le financement des aires protégées. Alors que la stratégie nationale pour 2030 fixe des objectifs de protection de 30% du territoire national et des espaces maritimes, elle estime que les moyens alloués aux structures gestionnaires d'aires protégées suivent un rythme bien plus lent que les annonces de création ou d'extension d'aires. Le financement, aujourd'hui éclaté entre l'État, de nombreux opérateurs, les collectivités locales et les fonds européens devrait selon la sénatrice être conforté et diversifié, notamment en mettant en place une fiscalité d'incitation à la protection de la biodiversité et en faisant participer les usagers aux fins économiques de ces espaces. 

La stratégie nationale pour les aires protégées (Snap) publiée en janvier dernier fixe des objectifs ambitieux à l'horizon 2030, avec 30% du territoire national et des espaces maritimes sous protection, dont 10% sous protection forte. Mais pour la sénatrice Christine Lavarde (LR, Hauts-de-Seine), rapporteure des crédits de la mission "Écologie, développement et mobilité durables", qui a présenté ce 29 septembre devant la commission des finances les conclusions de son contrôle budgétaire sur le financement des aires protégées, les moyens alloués aux structures gestionnaires "suivent un rythme bien plus lent que les annonces de création ou d'extension d'aires".

Financement morcelé 

De plus, le financement des aires protégées, éclaté entre l’État, de nombreux opérateurs, les collectivités locales et les fonds européens, apparaît extrêmement morcelé", relève la sénatrice. Au total, les crédits alloués aux aires protégées en 2021 par l'État et ses opérateurs (agences de l'eau, Office national des forêts, Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres) sont compris entre 230 et 250 millions environ. Les collectivités locales participent elles aussi activement au financement des aires protégées, mais leur contribution reste très difficile à chiffrer, souligne Christine Lavarde. "Les départements exercent une politique en matière d’'espaces naturels sensibles', financée par une part de la taxe d’aménagement, assise sur les autorisations d’urbanisme pour compenser l’artificialisation des sols, dont les recettes représentaient en 2015 434 millions d’euros" mais "seulement 271 millions d’euros étaient toutefois affectés à la politique ENS", relève la rapporteure.  En tant que "cheffes de file" en matière de biodiversité, les régions participent également au financement des parcs naturels régionaux, des réserves naturelles régionales, ou encore de sites du Conservatoire du littoral. Mais contrairement aux départements, elles ne bénéficient pas de ressource spécifique pour le financement de la biodiversité et donc des aires protégées, note la sénatrice qui rappelle qu'elles sont également gestionnaires des fonds européens, qui restent les principaux financeurs de la politique "Natura 2000".
Les modes de financement actuels sont variables selon les outils de protection, observe encore la sénatrice, qui constate "une dynamique importante de recherche de financement sur projet". Les parcs nationaux restent majoritairement financés par l'Office français de la biodiversité (OFB) et des subventions de l'État (88% de leurs ressources au total) tandis que les réserves ont engagé une démarche de recherche de financements sur projet plus importante, compte tenu d'un gel de leurs dotations jusqu'en 2021, constate-t-elle. Les outils contractuels mobilisent principalement les financements des collectivités locales. Pour les parcs naturels régionaux (PNR), les recettes issues de cotisations statutaires représentent les deux tiers des recettes de fonctionnement, ce qui les rend très sensibles à la contrainte budgétaire des collectivités, constate la sénatrice.

Poids important des dépenses de personnel

Autre particularité : les structures gestionnaires d’aires protégées font face à un poids important des dépenses de personnel dans leur budget. "Par exemple le budget global des 11 parcs nationaux s’établit à 80 millions d’euros en 2020, en progression de 15% depuis 2016, à un rythme sensiblement identique à celui de l’augmentation de la ressource principale, mais la masse salariale représente un poids important dans le total des dépenses (68 % en 2020) et croissant (+12 % par rapport à 2016), ce qui au regard de la relative stabilité de la ressource budgétaire principale finançant le fonctionnement, limite la capacité des parcs à financer d’autres types de dépenses", souligne le rapport. Les dépenses de personnel représentent en moyenne 85% des dépenses des réserves naturelles, et pour les PNR, dont les budgets s’élèvent à 183 millions d’euros en 2017, les charges de personnel représentent 65% des dépenses de fonctionnement, soit 1,63 million d’euros par parc. "Pourtant, l’extension du réseau des aires protégées (augmentation du nombre de parcs nationaux, de réserves naturelles, …) n’est pas allée de pair avec une augmentation des emplois pour les structures gestionnaires", constate la rapporteure qui note aussi que la plupart des structures ont indiqué "être confrontées de manière récurrente aux tensions de trésorerie résultant d’importants délais de recouvrement des crédits issus de programmes européens". En outre, ajoute-t-elle, "les parcs nationaux présentent des capacités d’autofinancement réduites et des niveaux bas de trésorerie, ce qui les rend vulnérables face aux catastrophes susceptibles d’affecter leurs équipements (exemple de la tempête Alex dans le Mercantour) et limite leur réactivité pour porter des projets au nom des collectivités adhérentes".

Une stratégie bâtie sans évaluation préalable des besoins des gestionnaires

"Si le contrôle a permis d’étudier l’évolution des moyens alloués aux structures gestionnaires et de leur budget depuis quelques années, il est particulièrement regrettable que le gouvernement n’ait pas procédé à une évaluation des besoins des structures avant la publication de la nouvelle stratégie pour les aires protégées (SNAP) pour 2030, pointe le rapport. Pourtant, cette stratégie rehausse les objectifs de la France en matière de protection de son territoire, ce qui implique inévitablement l’extension ou la création d’outils de protection forte, et partant, des moyens nouveaux ou additionnels aux moyens existants pour les structures gestionnaires."
"Alors même que les structures connaissent déjà des difficultés pour exercer leurs missions de protection, exacerbées dans un contexte de surfréquentation concernant de plus en plus d’aires protégées, ces objectifs ont été définis sans évaluation préalable des besoins financiers, en fonctionnement ou en investissement, et des ressources humaines qui devraient les accompagner, poursuit la sénatrice. Afin de permettre aux structures gestionnaires d’aires protégées de remplir leurs missions de protection, il est désormais indispensable de les doter de moyens humains et financiers adaptés, compte tenu des objectifs fixés par la Snap et des évolutions récentes des usages d’espaces naturels – qu’il s’agisse du développement récent de tourisme 'vert', ou du développement plus constant des activités et sports de nature au sein d’espaces naturels."

Protection de la biodiversité : pour une fiscalité incitative

Pour améliorer les conditions de financement concourant à la mise en œuvre de la stratégie, Christine Lavarde formule neuf recommandations, regroupées en trois axes. Elle propose ainsi de donner plus de visibilité aux structures gestionnaires d’aires protégées sur leurs financements. Cela passe notamment par la mise en place de contrats d'objectifs et de performance pluriannuels avec l'État et les opérateurs  pour que les structures gestionnaires d'aires protégées appuient leur développement sur une programmation financière sécurisée et par l'organisation régulière de conférences de financeurs à l'échelle nationale mais également au niveau territorial, par exemple à l'échelon régional, "afin de mieux mobiliser et articuler les financements locaux, nationaux et européens disponibles", souligne le rapport.  
Le deuxième grand axe de recommandations consiste à "optimiser les ressources existantes" et à mettre en place une fiscalité d’incitation à la protection de la biodiversité. Les recettes et dépenses liées aux espaces naturels sensibles pourraient être isolées au sein d'un budget annexe aux comptes des collectivités concernées "afin de valoriser leur action en faveur de la biodiversité et des espaces naturels", avance la rapporteure. Elle préconise également de modifier les critères d'éligibilité des communes couvertes par un site Natura 2000 à la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et d'"augmenter en conséquence le montant de crédits alloués à la dotation afin de mieux compenser les contraintes financières liées à cet outil".
"Il faut désormais tendre vers une fiscalité d’incitation à la protection de la biodiversité, insiste le rapport : la non-compensation progressive par l’État de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les sites Natura 2000 a été fortement pénalisante pour les petites communes allant même jusqu’à remettre en cause leurs engagements vis-à-vis de l’animation du réseau Natura 2000." "Les critères restrictifs d’éligibilité à la 'dotation biodiversité' ont pu exclure de nombreuses collectivités pourtant engagées en faveur de la protection de zones naturelle, ajoute la sénatrice qui salue le "recalibrage bienvenu" proposé dans le projet de loi de finances pour 2022.

Diversification des ressources

Enfin, un troisième volet de propositions vise à diversifier les ressources des structures gestionnaires d’aires protégées, en engageant un développement ciblé du mécénat et en mettant en place une contribution au financement de ces espaces due par les organisateurs d’activités économiques. "Les aires protégées sont en effet devenues aujourd’hui le support d’activités économiques, qu’elles soient sportives ou culturelles, qui représentent une pression supplémentaire sur les aires protégées et génèrent davantage de coûts d’entretien", justifie la sénatrice. Mais, prévient-elle, "une telle contribution n’aurait pas vocation à s’appliquer aux familles ou personnes membres de fédérations de randonnées, pédestre ou cycliste, utilisant ces espaces à titre gratuit, ni aux structures associatives, qui proposent par exemple des sorties découvertes au sein d’espaces protégés, et ne poursuivent pas de but lucratif".

 

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