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Social - Aide sociale à l'enfance : hausse du nombre de signalements

Le nombre d'enfants en danger signalés par les départements a augmenté de 7% en 2004, relève l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas), dans une enquête qui détaille les facteurs de danger, les difficultés des acteurs départementaux et les améliorations qui semblent s'imposer.

En 2004, 95.000 enfants ont fait l'objet d'un signalement par les conseils généraux, ce qui représente une augmentation de 7% (6.000 enfants) par rapport à 2003, indique l'enquête annuelle sur la protection de l'enfance réalisée auprès des départements par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas).
Parmi ces enfants en danger, le nombre d'enfants maltraités (enfants "victimes d'abus sexuels, de violences physiques ou psychologiques, de négligences lourdes") est passé de 18.000 à 19.000, la hausse la plus forte étant celle des violences physiques. "Selon les explications qualitatives données par les départements, cette évolution traduit une progression de la violence dans les relations sociales", note l'Odas.
Les autres enfants en danger ayant fait l'objet d'un signalement sont les 76.000 "enfants en risque". L'Odas définit cette situation en ces termes : "L'enfant n'est pas maltraité mais vit dans un contexte familial particulièrement dégradé qui menace son développement sur le plan éducatif et/ou matériel." C'est là que l'augmentation est la plus forte (5.000 enfants de plus en un an).
L'analyse des facteurs de danger fait apparaître que les "carences éducatives des parents" sont prépondérantes : ce facteur concerne la moitié des enfants signalés. Viennent ensuite les conflits de couple et séparation (30% des signalements) puis "les problèmes psycho-pathologiques des parents" (13%).


"Crise de confiance" de la protection administrative

"Contrairement à une idée plus ou moins répandue, la précarité économique ne constitue que très minoritairement un facteur de danger", relève l'Odas. Le chômage et les difficultés financières ne sont en effet mentionnés que dans 13% des cas, devant le cadre de vie et l'habitat (8%), et l'errance et la marginalité (4%). Le rapport insiste en revanche sur "l'isolement social, bien souvent à l'origine de la dégradation du comportement des familles", surtout dans le cas des familles monoparentales.
"La protection de l'enfance était déjà sous les feux de l'actualité et les rapports se succèdent pour demander une réforme. Avec les résultats de [cette] enquête, cette préoccupation devrait encore s'amplifier", indique l'Odas en introduction à son rapport. Dans son analyse de l'éventail des réponses apportées par les départements, l'Observatoire reconnaît effectivement un certain nombre de difficultés et de dysfonctionnements appelant des améliorations sensibles de ce champ.
Constatant que "près de six dossiers d'enfant signalé sur dix continuent à être transmis à la justice" et que ce taux de judiciarisation est en augmentation (alors même que l'on préconise depuis longtemps un renforcement de la protection administrative par rapport au judiciaire...), l'Odas parle d'une "crise de confiance" de la protection administrative.


Baisse de la part des placements

L'enquête évoque ainsi le "désarroi croissante des travailleurs sociaux" confrontés à des situations de plus en plus complexes et à des parents qui refusent le travail avec le service de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Face à cette situation, une réforme législative et une redéfinition des missions du travail social seraient inévitables.
S'agissant du cloisonnement entre les services départementaux et les autres acteurs de la protection de l'enfance, relevé par de nombreux rapports (dont celui de l'Observatoire national de l'enfance en danger publié en septembre dernier ? voir ci-contre "Protection de l'enfance : nouveau plaidoyer pour une réforme"), l'Odas estime que le problème a tendance à s'atténuer. Ainsi par exemple, les trois quarts des départements ont réalisé leur schéma de l'enfance en collaboration avec leurs partenaires judiciaires ainsi que d'autres partenaires tels que l'Education nationale. De même, "la justice multiplie aujourd'hui les demandes d'informations et même d'évaluation auprès des services d'ASE, ce qui peut être considéré comme le signe d'une confiance renforcée". En revanche, seul un département sur deux déclare être tenu informé des suites données aux signalements transmis à la justice.
On comptait au total 268.000 enfants pris en charge en 2004, dont 136.000 enfants placés et 131.000 enfants faisant l'objet d'une mesure en milieu ouvert. Au cours des vingt dernières années, le placement a fortement baissé tandis que les mesures à domicile ont progressé. En outre, depuis 1989, "le placement familial se substitue lentement au placement en établissement". L'Odas estime d'ailleurs qu'il serait utile de mener une véritable évaluation des différents modes de prise en charge, professionnels et élus ne disposant guère aujourd'hui de repères dans leur choix.


"Repérer les situations de risque le plus tôt possible"

Si tous les départements insistent sur l'importance de la prévention, "cette notion peut recouvrir des réalités très différentes", constate le rapport. En tout cas, les efforts des départements sont indéniables. Un département sur deux a regroupé les services ASE et PMI au sein d'une même direction pour mieux coordonner les interventions. Huit départements sur dix considèrent le recours aux techniciennes de l'intervention sociale et familiale comme un outil majeur de prévention. De multiples actions de soutien à la parentalité ont été mises en place (lieux d'accueil parents-enfants, groupes de parole, médiation familiale?). Enfin, les départements continuent leur travail de territorialisation de l'action sociale et 86% d'entre eux ont notamment fait coïncider les territoires d'intervention de l'ASE avec ceux du service social polyvalent.
Selon l'Odas, les progrès attendus en matière de protection de l'enfance passent par la capacité des acteurs à "s'adapter aux nouvelles formes de la violence sociale". Et commencent évidemment, avant même la question de la prise en charge, par celle du repérage ? ou comment "repérer les situations de risque le plus tôt possible". Cela passe notamment par des liens plus étroits avec les établissements scolaires, par une "nouvelle distribution des tâches entres agents administratifs et professionnels du social" (pour que les travailleurs sociaux puissent "réinvestir le terrain, en travaillant au cœur des quartiers") et, une fois encore, par une meilleure "coopération opérationnelle" entre justice et conseils généraux.
Enfin, l'Odas estime que dans la mesure où les départements assurent déjà l'essentiel du financement et de l'exécution des mesures d'assistance éducative, "il semble logique d'encourager les expérimentations leur confiant la pleine responsabilité de ce domaine". En sachant que le ministre délégué à la Famille, Philippe Bas, qui envisage un projet de loi pour réformer la protection de l'enfance, est a priori favorable au renforcement du rôle du conseil général en matière de protection de l'enfance.


Claire Mallet

 

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