Agriculture : les syndicats mettent la pression sur le futur gouvernement

Parmi les sujets sensibles qui attendent le futur gouvernement figure l'agriculture, en proie à de graves difficultés (intempéries, maladies…) mais toujours en attente de véritables mesures structurelles depuis que le projet de loi d'orientation agricole a été suspendu avec la dissolution. Lors de leur conférence de rentrée, jeudi 29 août, Jeunes agriculteurs et la FNSEA ont présenté leur propre texte.

A peine sortie d'une profonde crise, l'agriculture est confrontée à de nombreuses déconvenues. La pluviométrie exceptionnelle enregistrée depuis l'automne 2023 affecte fortement les récoltes (blé, viticulture…). En soutien, l'Etat a décidé d'accorder des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés non bâties. "Cette procédure s’appuiera sur l’expertise préalable des directions départementales des territoires (DDT) afin d’établir localement le périmètre des parcelles touchées et les taux de perte définitifs, qui permettront ensuite à la Direction générale des Finances publiques de procéder aux dégrèvements d’office, sans démarche individuelle des redevables", a indiqué Bercy cette semaine.

Des promesses dans les limbes

A ces conditions climatiques sont venus s'ajouter plusieurs foyers de fièvre catarrhale ovine (FCO), aussi appelée "maladie de la langue bleue", et de grippe aviaire durant l'été. Le ministre démissionnaire Marc Fesneau s'est rendu dans un élevage ovin de Flagy, en Saône-et-Loire, ce vendredi, pour rencontrer éleveurs, élus et syndicats et faire le point. L'Etat va commander plusieurs millions de vaccins supplémentaires et les mettre gratuitement à disposition des éleveurs, a-t-il annoncé, comme le réclamaient les syndicats. Mais ces derniers attendent aussi des aides à la trésorerie. Pour apaiser le mouvement de colère du début de l'année, le gouvernement avait annoncé plus d'un milliard d'euros de mesures, allant des aides d'urgence aux prêts garantis. Gabriel Attal s'était notamment engagé fin avril à ce que Bpifrance débloque une enveloppe d’au moins 100 millions d'euros pour accorder des prêts de trésorerie pouvant aller jusqu’à 75.000 euros et qu'elle garantisse des prêts de banques commerciales allant jusqu’à 200.000 euros pour les exploitations en grande difficulté. Depuis, ces promesses sont dans les limbes, dénoncent les syndicats. "De trop nombreuses mesures promises ne sont pas en place - l’aide à la trésorerie via la Banque publique d’investissement n’a pas vu le jour alors même que les besoins sont majeurs et que la situation devient maintenant critique pour de nombreuses exploitations suite aux récoltes catastrophiques", ont alerté la FNSEA et Jeunes agriculteurs, qui tenaient leur conférence de rentrée, jeudi 29 août.

Huit mois après le début de la crise, ils attendent plus que des mesures conjoncturelles. Pour les deux syndicats majoritaires, "le statut quo a assez duré". "Toutes les mesures structurelles, de nature à redonner une ambition de production à l’agriculture française, ont été brutalement suspendues et rien n’indique que le nouveau gouvernement reprenne les engagements à son compte", rappellent-ils, dans un communiqué.

Un projet de loi en 38 articles

Plusieurs projets de loi ont en effet été suspendus avec la dissolution. C'est le cas du projet de loi d'orientation agricole qui était censé répondre avant tout au défi démographique qui s'approche à grands pas (50% des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite dans les dix ans). Voté par l'Assemblée  le 28 mai, malgré une forte opposition (voir notre article du 29 mai), il a été déposé sur le bureau du Sénat. Mais rien ne permet d'assurer que le futur gouvernement l'inscrive à l'ordre du jour. Alors les deux syndicats ont profité de l'été pour écrire leur propre projet de loi baptisé "Entreprendre en agriculture". "L’agriculture aujourd’hui a besoin d’autre chose que d’expédier les affaires courantes, elle a besoin de décisions", a commenté le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, prévenant : "L’absence de réponse amène aussi à la colère."
Ce texte en 38 articles vise à répondre à la fois aux enjeux de productivité, de revenus, de souveraineté et de renouvellement des générations. On y retrouve l'essentiel des mesures qui figuraient dans l'ancien projet de loi gouvernemental, fruit d'une longue concertation et amendé dans le contexte de crise : l'inscription de la reconnaissance de l'intérêt général majeur de l'agriculture, la création de contrats d'avenir, d'un guichet France services agriculture sur l'installation et la transmission, d'un bachelor en agriculture… Les deux syndicats proposent aussi un produit d'épargne en agriculture et des mesures fiscales attrayantes. Et ils y ajoutent un volet sur la fixation des prix. 

Foncier agricole

Alors qu'une proposition de loi écologiste votée par l'Assemblée début avril prévoyant d'instaurer un "prix minimal d’achat des produits agricoles" - elle aussi bloquée par la dissolution - et que le gouvernement souhaitait travailler sur son propre texte, les syndicats proposent d’intégrer obligatoirement dans les contrats des indicateurs interprofessionnels de coûts de production, avec une date butoir pour la signature des contrats fixée au 1er décembre, date d'ouverture des négociations commerciales entre industriels et distribution. Ils envisagent aussi un renforcement des sanctions, notamment en conditionnant les aides publiques reçues par les établissements proposant une restauration collective, à la télédéclaration de leurs approvisionnements sur la plateforme Ma Cantine. "Fin août 2024, seulement un peu plus de 39.000 cantines sont répertoriées, soit 49% du total", font-ils savoir. 
Reprenant l'objectif de 400.000 exploitations (et 500.000 exploitants), le texte muscle la partie "foncier agricole", parent pauvre du projet gouvernemental (voir notre article du 31 mai), en renforçant le pouvoir de contrôle des Safer et en augmentant la mobilisation de fonds publics sur le portage du foncier, en lien avec les collectivités volontaires et la Caisse des Dépôts. 

 

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