Agressions et vandalisme dans les déchèteries : faits divers ou fait social ?

S’ils ne sont pas nouveaux, les vols, dégradations et agressions d’agents de déchèteries semblent en recrudescence. Pour l’heure, le phénomène reste cantonné à l’échelle du fait divers, principalement évoqué par la presse quotidienne régionale, et ne fait pas l’objet d’un suivi particulier. Mais il pourrait fort bien s’inscrire dans le "baromètre des incivilités" naguère promis par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini.

"Les actes de harcèlement, d’agression et de vandalisme sur les déchèteries du territoire et des syndicats voisins sont de plus en plus fréquents, c’est inadmissible ! Nous allons saisir le préfet afin qu’il s’empare de cette problématique." Auteur de ce cri d’alarme lancé le 28 mai dernier à l’issue d’une journée de "harcèlement important et continu" des agents de la déchèterie de Saint-Magne-de-Castillon (Gironde), Christian Malandit-Sallaud, président de l’Union des syndicats de traitement des ordures ménagères (Ustom), est à bout. L’an passé, pas moins de 902 cas d’intrusion ont été recensés sur les six déchèteries girondines gérées par ce syndicat. "Généralement, les vols concernent les métaux, les électroménagers, les objets pouvant prétendre à une seconde vie qui étaient destinés à être mis en vente à la recyclerie", est-il relevé. 

Un phénomène national…

Un cas tout sauf unique, comme en témoigne la consultation de la presse quotidienne régionale, laquelle relaie régulièrement ce type de faits. Quelques jours avant l’agression de Saint-Magne-de-Castillon, le syndicat Semoctom avait ainsi lui aussi lancé un "appel à l’aide" après qu’un de ses agents de la déchèterie de Béguey (Gironde) a été poursuivi "par deux fourgons et huit personnes avec des barres de fer" ! "Incivilités, insultes, agressions : le ras-le-bol et la colère du personnel des déchèteries de Seine-et-Marne", pouvait-t-on encore lire dans Le Parisien pas plus tard que le 18 juin dernier. L’article évoque le préavis de grève illimitée déposé par l’Union fédérale des travailleurs du déchet (Uftad) pour les quatre déchèteries de Saint-Pierre-lès-Nemours, Château-Landon, La Chapelle-la-Reine et Chaintreaux. En cause, "le comportement de certains usagers, qui ne doutent de rien, insultent, voire agressent les gardiens des sites". "Les préjudices sont nombreux", souligne l’Ustom, égrenant les préjudices environnemental, économique (coût des réparations, auquel il faut ajouter le manque à gagner), moral (des agents) ou encore la dégradation du service public (fermetures temporaires). Les agents peuvent être notamment conduits à faire valoir leur droit de retrait. Voire à mettre en cause la responsabilité de leur employeur.

… en recrudescence ?

"Le phénomène n’est malheureusement pas nouveau", souligne-t-on à l’Association des maires de France. Et de préciser : "Ce sont surtout les pillages qui sont en hausse, lesquels, fort heureusement, n’impliquent pas une agression. Beaucoup se déroulent la nuit. Ils ne sont toutefois pas sans conséquence pour les agents, car les pilleurs ne prennent évidemment pas la peine de tout remettre en ordre avant leur départ ! À l’inverse, le tri leur facilite le travail".

La hausse du cours des métaux, le renforcement des consignes de tri (qui va de pair avec une augmentation des redevances) ou encore une certaine banalisation de la violence constatée depuis le covid sont autant d’éléments qui rendraient néanmoins le phénomène plus aigu. Il n’est pas toujours aisé de faire comprendre que ces déchets – la poubelle – ont une valeur pour la collectivité. Y compris à des personnes qui ont bien perçu l’intérêt que ces éléments pouvaient présenter pour elles-mêmes… "Ca reflète finalement ce qui se passe dans la société. La moindre remarque et ça peut finir en bagarre", expliquait l’an dernier à France Bleu Orléans Thierry Cousin, vice-président de la métropole d’Orléans, chargé de la gestion des déchets. Une situation qui a conduit ladite métropole à réagir : "Chaque comportement inapproprié, menace, atteinte physique ou verbale fait systématiquement l’objet d’un dépôt de plainte", prévenait le 7 juillet 2023 son président, Serge Grouard. Une métropole qui, en outre, a depuis mis en place un nouveau système d’accès à ses déchèteries avec reconnaissance des plaques d’immatriculation, "afin de mieux accueillir les usagers". 

Pas (encore) de suivi particulier

Pour l’heure, le phénomène n’est pas encore particulièrement suivi. Il n’est donc pas possible de l’objectiver. Contactée par Localtis, Intercommunalités de France avoue "n’avoir pas grand-chose à ce sujet". Également interrogée par Localtis, l’association Amorce indique de même "ne pas disposer de données chiffrées en la matière". Tout en précisant que "c’est un phénomène que nous n’ignorons pas et que nos adhérents nous remontent parfois". À ce rythme, il y a fort à parier que l’on verra prochainement poindre la demande d’un observatoire, à l’image de celui que l’Association des maires de France a mis en place pour les agressions visant les élus (voir notre article du 6 octobre 2020) ou de l’Observatoire national des violences envers les sapeurs-pompiers mis en œuvre par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Même si, malheureusement, les agents des déchèteries ne sont pas les seuls agents touchés par cette "montée des incivilités". Pour preuve, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a annoncé l’an passé la création d’un "baromètre des incivilités commun à l’ensemble des administrations de guichet" (voir notre article du 20 juillet 2023), lequel devait être publié "dès le premier semestre 2024". Plus récemment, le ministre a aussi lancé une formation pour protéger les agents publics face aux violences.

 

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