Agences de l'État : les représentants des élus locaux opposés au grand soir

Pour l'une de ses premières auditions, la commission d'enquête sénatoriale sur "les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État" avait décidé, le 4 mars, de rencontrer des représentants des associations d'élus locaux. Ces derniers ont appelé à une chasse - raisonnée - aux "doublons" et souhaité un pilotage local, par les préfets, de la galaxie des agences.

Les 1.169 agences et opérateurs de l'État que dénombre le secrétariat général du gouvernement, ne sont peut-être pas tous "utiles" et "efficaces" et ce foisonnement occasionne des "doublons", estime-t-on à Régions de France. Auditionné le 4 mars par la commission d'enquête que le Sénat, à l'initiative du groupe Les Républicains, a constituée début février sur le "millefeuille des services de l'État", le représentant de l'association, Laurent Dejoie, vice-président des Pays de la Loire chargé des finances et des ressources humaines, a appelé à une réorganisation.

Dans le domaine de l'orientation par exemple, les élus régionaux ont le sentiment que l'Onisep est un organisme potentiellement superflu, puisque "ses interventions se chevauchent avec celles des régions". Ils en concluent que les compétences de l'établissement public relevant du ministère de l'Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche "devraient être transférées en quasi-totalité" aux régions. Et que celles-ci devraient à cette occasion devenir "le responsable en matière d'orientation". 

Régions de France pointe également des "chevauchements" entre les missions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et les régions, de même qu'entre ces dernières et France Agrimer, établissement public administratif dédié au soutien aux filières agricoles. L'association appelle donc à une meilleure "articulation" entre les missions exercées par ces agences et celles des régions.

Missions de l'Ademe convoitées

Par ailleurs, les collectivités régionales voudraient s'affranchir de l'Agence de services et de paiement (ASP) pour le versement du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Elles voudraient ainsi devenir "leur propre autorité de paiement", comme c'est déjà le cas pour le Fonds européen de développement régional (Feder) et le Fonds social européen (FSE).

Les présidents de régions lorgnent également certaines missions de l'Ademe, l'Agence de la transition écologique, en particulier la gestion des fonds "chaleur" - qui vise à soutenir les projets de production ou de distribution de chaleur renouvelable - et "économie circulaire". Ils veulent donc aller au-delà de la simple délégation de gestion de ces fonds, que la loi "3DS" du 21 févier 2022 a ouverte.

Régions de France a arrêté là ses requêtes, l'objectif ne devant pas être de "supprimer pour supprimer un maximum de structures".

Le président de la commission d'enquête, le communiste Pierre Barros, n'a probablement pas été insensible à ces observations, puisque, comme il l'a rappelé, les sénateurs s'intéressent entre autres aux "éventuels doublons en matière de compétences" dans la sphère des agences et opérateurs.

Agences hors de contrôle ?

Les élus régionaux comptent sur l'aide des sénateurs, car les discussions avec les agences ne suffisent pas à faire bouger les lignes, loin de là. Le dialogue avec elles "est en moyenne extrêmement compliqué en général", a déploré Laurent Dejoie, en dénonçant l’absence de "volonté manifeste et spontanée [de leur part] de collaborer soit pour se répartir des tâches, soit pour avancer un peu plus vite".

"Il y a probablement à optimiser en supprimant un certain nombre de doublons ou de structures qui pourraient fonctionner mieux", a abondé Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France. L'idée étant ainsi de réduire les "coûts de fonctionnement" des agences, qu'il faut selon lui bien distinguer des "coûts d'intervention". Mais, le président de Quimperlé communauté s'est aussi fait l'avocat des agences. Pour cause : "Attention à ce qu'au travers d'un toilettage, voire plus, (…) les collectivités et intercommunalités ne perdent pas des moyens d'action", notamment des financements dans le domaine de la transition écologique, a-t-il alerté. Une certaine prudence dont Véronique Pouzadoux, maire de Gannat et représentante de l'Association des maires de France (AMF) a également fait preuve. "Notre président [David Lisnard] dit qu'il faudrait supprimer les deux tiers des agences. Moi, je n'ai pas ce savoir pour dire s'il faut supprimer [autant de structures], a-t-elle déclaré. En faisant aussi remarquer que "les agences qui auront du sens pour moi, n'en auront pas forcément pour les autres". Pour autant, l'élue s'est interrogée sur l'effectivité du contrôle des agences par le gouvernement et le Parlement. Ces derniers fixent-ils toujours les objectifs de cette myriade de structures ? Les agences ne sont-elles pas devenues autonomes vis-à-vis du pouvoir ? 

"L'État doit parler d'une seule voix"

"Les agences sont éloignées du monde rural, et des communes proprement dites, puisque souvent leur action passe par les intercommunalités. Nos élus en bénéficient indirectement, mais ne savent pas toujours vraiment à quoi servent ces agences", a regretté Isabelle Dugelet, maire de La Gresle. "On aurait besoin de plus de proximité avec un certain nombre [d'entre elles]", a-t-elle constaté. La représentante de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) a revendiqué la présence d'élus ruraux au sein des conseils d'administration des Agences régionales de santé (ARS), aux côtés des élus des collectivités plus grandes.

De son côté, le représentant de France urbaine a mis en avant le "point de vue plutôt très positif" des élus des grandes villes et de leurs intercommunalités. "Le modèle des agences n'est en soi ni un bon, ni un mauvais modèle", a-t-il exposé, en faisant l'éloge de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), une structure à la mission bien définie, aux "financements importants" et à la "vision pluriannuelle". La répartition des missions des différentes agences lui paraît "claire", même si des "systèmes un peu redondants" peuvent exister. France urbaine ne plaide pas pour le statu quo pour autant, puisqu'elle revendique notamment "des délégations de crédits en matière de rénovation énergétique au bloc communal".

Au-delà de leurs relatives divergences, les élus locaux s'accordent sur la nécessité que le préfet devienne un "interlocuteur unique" des services de l'État et des agences auprès des élus locaux. Leur travail quotidien deviendrait plus simple avec une telle réforme. Pour le financement d'un projet de maison de santé, une collectivité peut percevoir la dotation d'équipement des territoires (dont l'instruction relève de la préfecture), mais simultanément elle peut ne pas bénéficier de fonds de l'ARS, alors que "c'est une même politique d'État, avec les mêmes objectifs", a illustré Véronique Pouzadoux. Et lorsque la maison de santé est inaugurée, "on fait parler le préfet et l'ARS, ce sont deux paroles d'État qui sont différentes", a poursuivi la maire de Gannat, en considérant cette situation comme "assez ubuesque".

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis