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Comité Balladur - Adrien Zeller : défense et illustration de la clause générale de compétence

Interrogé par Localtis, le président de la région Alsace revient sur ce qui représente pour lui un contresens absolu : la suppression de la clause générale de compétence telle que proposée par le rapport Balladur.

Localtis - Vous avez adressé début mars au président de la République une lettre dans laquelle, suite aux propositions du comité Balladur sur la réforme des collectivités, vous revenez sur la nécessité de préserver la clause générale de compétence pour les départements et les régions. Pourquoi cette initiative ?

Adrien Zeller - Je suis en effet très réservé sur la suppression de la clause générale de compétence proposée par le comité Balladur. Ne serait-ce que parce que j'ai vu le nombre d'initiatives prises par les régions qui, sans cette clause, n'auraient pu voir le jour. Des initiatives d'ailleurs souvent reprises, trois ou quatre ans plus tard, par l'Etat lui-même. S'agissant de la région Alsace, je pourrais citer plusieurs exemples. Tels que celui du Cancéropôle du Grand-Est, porté par cinq régions : ce n'est pas de l'économie, ce n'est même pas du transfert de technologie... c'est de la santé, de la recherche clinique. Or aucun texte ne prévoit que nous puissions intervenir dans ces domaines. De même, l'Alsace mène depuis plusieurs années une politique volontariste en faveur du développement des énergies renouvelables. Là encore, aucun texte français ne le prévoit, alors que cette action est reconnue au niveau européen. Et l'on retrouve le même cas de figure concernant la trame verte sur laquelle nous travaillons au titre de la biodiversité, une politique qui répond pourtant parfaitement aux enjeux du Grenelle de l'environnement et devrait être encouragée par le projet de loi Grenelle II.

 

Vous craignez donc qu'une suppression de la clause générale ne remette en cause la poursuite même de ces actions ?

En tout cas, en l'absence de clause générale de compétence, il faudrait modifier la loi à chaque fois que les régions prennent de nouvelles initiatives correspondant aux enjeux du moment ! Ce serait évidemment impossible, cela donnerait lieu à des débats parlementaires à n'en plus finir... Imaginez : les régions sont responsables des transports ferroviaires régionaux de voyageurs. Mais les gares relèvent théoriquement de la SNCF. Aurions-nous dû attendre des lois pour rénover et moderniser ces gares ? Et en matière d'éducation, si les régions ont bien une compétence pour les lycées, celle-ci n'inclut pas explicitement d'actions à dimension éducative ni même d'actions liées à la vie lycéenne. Que deviendrait alors par exemple l'aide de la région Alsace en faveur des échanges à vocation pédagogique des lycéens et des apprentis ? Et qu'en serait-il des actions que nous avons mises en place avec l'Education nationale en termes de sensibilisation à la tolérance, de prévention du racisme et de la violence, auxquelles nous avons consacré 120.000 euros ?

 

Vous écrivez dans votre lettre au chef de l'Etat que la clause générale de compétence "permet de régler d'innombrables problèmes et situations qui ne sont pas toujours perçus par le niveau central". Que proposez-vous ?

Je crains que la force d'initiative des collectivités ne se trouve largement limitée, que le couple liberté-responsabilité sur lequel repose l'action des collectivités ne soit remis en cause. Autrement dit, je suis bien pour une clarification, mais sans que l'on brime la liberté, sans que l'on porte atteinte au droit à l'initiative. On peut tout à fait envisager que la loi concoure de façon plus précise à la définition des compétences de chaque niveau de collectivité, en donnant tout son sens à la notion de chef de file pour certaines compétences et, pour d'autres, en obligeant la région et le département à s'entendre de façon contractuelle sur la répartition de leurs interventions respectives. Je suis en outre favorable, dans ce cadre, à un renforcement du rôle des chambres régionales des comptes, qui veilleraient à l'application des décisions prises en ce sens. Tel est l'esprit de notre "Contribution à la réforme des collectivités territoriales" [NDLR : voir document ci-contre]. Personnellement, il me semble encore plus essentiel pour les régions que pour les départements de conserver la clause générale de compétence, le département pouvant sans doute plus facilement voir ses fonctions définies par la loi. Mais pour la région, au moment où l'on nous dit par exemple qu'il faut soutenir la recherche... il serait absurde de perdre son temps à des contrôles tatillons. C'est une question de principe. Car n'oublions pas que la France a signé la Charte de l'autonomie locale ! Et en plus, je le redis, ce serait inapplicable. Prenez le cas de la culture. Si quiconque devait annoncer que la région ne serait plus à même d'intervenir en matière de culture ? Vous imaginez bien que ce serait totalement invendable en Alsace, où la culture est, de facto, régionale ! Cela nous ferait descendre dans la rue !

 

Quelle est selon vous l'intention du gouvernement maintenant ?

Face au rapport du comité Balladur, qui sur certains points semble avoir été conçu dans un cocon parfois éloigné des réalités, si quelques voix à l'UMP semblent prêtes à imposer les choses, il me semble que le gouvernement est sur une autre ligne, est en phase d'écoute. J'ai donc bon espoir que les élus soient entendus. En tout cas, les débats parlementaires à venir seront sans doute sportifs.

 

Propos recueillis par Claire Mallet

 

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