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Adaptation au changement climatique : un député porté par une vague de projets "Litto 21"

Dans son rapport remis le 28 novembre à Élisabeth Borne, le député (LREM, Vendée) Stéphane Buchou, à la tête du comité national de suivi pour la gestion intégrée du trait de côte, liste quinze recommandations pour aider les collectivités littorales à concrétiser leurs projets d’adaptation. Pour "dépasser l’angoisse devant l’inexorable recul des rivages" et répondre aux problèmes "auxquels elles se sont courageusement attaquées", il jette les bases d’un dispositif qui verrait émerger des projets "Litto 21" établis par les intercommunalités littorales.

Un rapport de plus sur l'adaptation au changement climatique du trait de côte ? "C'est plus que cela. Il marque un passage décisif du stade de la réflexion à l'action et bénéficie à l'approche des municipales et du lancement prochain d’un important appel à partenaires pour des opérations démonstratrices d'un calendrier politique favorable", répond la mission confiée au député de la Vendée Stéphane Buchou, dont le rapport a été remis ce 28 novembre à Élisabeth Borne. C'est le Premier ministre qui lui en a confié les rênes en avril dernier, non pour revenir sur des conclusions déjà émises à l'issue de divers travaux - de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte dès 2012 jusqu'au rapport d'inspecteurs généraux sur la recomposition spatiale de ces territoires remis au printemps dernier - mais bien pour "repenser l’élaboration des politiques publiques" face à ce phénomène loin d'être nouveau et déjà fort documenté. 

Fruit de six mois de travail, de rencontres avec une centaine d'élus locaux et acteurs des services de l’État, et de visites dans la quasi-totalité des régions littorales de métropole et d’outre-mer, ce rapport montre grâce un recours original à des cartes anciennes que ce trait de côte a toujours été en mouvement, sur les côtes océanes, normandes mais aussi jusqu'en Méditerranée. "Une relative amnésie vis-à-vis de ce phénomène et l’illusion technologique des Trente Glorieuses, ont un temps fait penser que l’Homme pouvait stabiliser la côte", relève-t-il, avant de poursuivre sur le constat d'une forte prise de conscience par ces collectivités de l’inéluctabilité du phénomène et, "très souvent de la pertinence du projet global de territoire comme réponse durable, au-delà de la nécessaire défense des personnes et des biens".

Une dynamique certes inventive mais précaire

Ces collectivités n'en restent pas moins en attente d’outils "adaptés aux problèmes". Et sont parfois "en désarroi" devant l’absence de solutions juridiques, pratiques, réglementaires et financières. Préférant le terme de "dynamique littorale" à celui d’érosion côtière - anxiogène et peu propice au passage à l’action –, la mission estime que les prochains maires auront devant eux "une période de six années pour enclencher une dynamique de projet, comme réponse collective, partagée et à la bonne échelle, au problème rencontré, ainsi transformé en opportunité de mieux vivre".

Elle salue l’inventivité des territoires face au phénomène et veut faire sortir les tentatives de résilience et de recomposition spatiale d'une "marginalité qui, aujourd'hui, les rend précaires". Ces tentatives, la mission les considère en effet comme "la meilleure réponse face à cette dynamique littorale". Elle présente ainsi une dizaine de cas concrets dont certains, délicats à mener, impliquant des habitations. Retenons le cas de Le Prêcheur (Martinique), une commune prise en tenaille entre les coulées de boues volcaniques et l’érosion côtière. Elle a amorcé sa recomposition spatiale en associant ses habitants au projet de relocalisation d'une école et de développement d'habitats sur les hauteurs. En Guadeloupe, Saint-Anne, dont le bourg-centre est en zone basse, va aussi traduire dans son PLU une recomposition de l'urbanisation qui nécessitera de mobiliser du foncier sur les hauteurs et de déplacer une école. Des opérations menées par la communauté d’agglomération du Pays basque de recomposition de l’espace côtier (renaturation, suppression d'enrochements, réimplantation de campings, réflexions sur les mobilités et l'accès au site) sont aussi détaillées. "Malheureusement ces stratégies et divers projets présentés manquent d’une base légale qui en fasse des réponses spécifiques au phénomène érosif", pointe la mission.

Légaliser les projets Litto 21

Pour donner une assise juridique à cette dynamique littorale et l’inscrire dans le code de l’urbanisme, elle recommande d'y insérer la définition de projets d’aménagement inédits - qu’elle propose d’appeler "Litto 21" - comportant une dimension de programmation, de droit des sols mais aussi financière et de stratégie foncière. Ces projets "Litto 21" devront avoir pour socles une inscription claire dans une perspective de recomposition spatiale, une prise en compte des enjeux environnementaux, une concertation formalisée, etc. L'échelle pertinente pour cadrer ces projets serait l'intercommunalité. Leur validation, opérée après enquête publique et avis de l’autorité environnementale sur le projet, devrait revenir à l’État (préfet de région), après avis du comité national de l’aménagement littoral. C'est-à-dire l'actuel comité national de suivi et de gestion intégrée du trait de côte, dont la dénomination et les missions seraient donc revues (il se chargerait par ailleurs d’affecter aux projets validés une ressource fiscale).

Une fois positionnés juridiquement et dotés d’un statut, ces projets devraient être mis en compatibilité avec les Sage, les Papi, etc. De telles démarches nécessitant "une ingénierie hors de portée de la plupart des intercommunalités", le rapport recommande que les maîtrises d’ouvrage locales puissent bénéficier d’un "soutien renforcé significatif pendant la durée des opérations". Et pour que ces projets ne se traduisent pas par "un effet ville-fantôme", ce rapport conseille un recours à des conventions littorales d’occupation "fondées sur la dissociation de la nue-propriété, acquise par la collectivité, et de l’usufruit des biens, laissé aux habitants ou aux acteurs économiques actuels". Par ailleurs, "ces conventions autoriseraient, le cas échéant, une extension réversible des constructions". 

La mission préconise, pour finir, de renforcer l’organisation de la connaissance de cette dynamique littorale en s'appuyant sur un réseau d'observatoires dénommés ODyL 21. Leur mode de gestion relèverait d'un "conventionnel souple entre la communauté scientifique (établissements publics comme le BRGM et labos universitaires), les collectivités et services de l’État". Ces ODyL 21 auraient notamment pour vocation de diffuser les résultats de ces travaux aux collectivités, aux habitants et à tous les acteurs concernés.