Adaptation au changement climatique : "La France n'est pas encore prête", pour les experts du Haut Conseil pour le climat

"La France n'est pas encore prête" face au changement climatique, malgré le plan d'adaptation que vient de présenter le gouvernement, a estimé ce 13 mars le Haut Conseil pour le climat (HCC), suggérant d'en renforcer le financement ou la valeur juridique.

Trois jours après la présentation par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc3), l’avis rendu sur ce document par le Haut Conseil pour le climat(Lien sortant, nouvelle fenêtre) (HCC) ce 13 mars fait l’effet d’une douche froide. Le HCC voit dans la publication du Pnacc3 une "première étape importante pour mieux protéger la population" mais rappelle aussitôt que "les aléas climatiques induits par le réchauffement s’intensifient plus rapidement que les moyens mis en œuvre pour en limiter les impacts" et souligne "un décalage entre les mesures prises pour faire face aux impacts du changement climatique et les besoins d’adaptation". 

"Même si le Pnacc3 constitue une étape importante pour y parvenir, la France n’est pas encore prête à faire face aux impacts du changement climatique", assène Jean-François Soussana, président de cet organisme indépendant regroupant scientifiques et experts, qui s’est autosaisi pour rendre cet avis. "La mise à l’échelle des politiques d’adaptation (…) demeure un enjeu important. La mise en œuvre du Pnacc3 et les futures planifications doivent être renforcées pour pouvoir impulser une politique d’adaptation à la hauteur des enjeux", poursuit Jean-François Soussana.

24 recommandations pour préparer "le passage à l'échelle"

Le HCC formule dans son avis 24 recommandations "pour permettre une opérationnalisation plus complète du Pnacc3 et la préparation du passage à l’échelle des prochaines politiques d’adaptation". Alors qu’il juge les financements actuels "très insuffisants", il conseille d’abord de "doter le Pnacc3 d’un plan de financement complet (État/collectivités/privé) prévoyant un renforcement des financements de l’adaptation sur la base d’un cadre incitatif et réglementaire" et de "mettre en place un suivi transparent des crédits alloués à chaque mesure". Il faudra aussi selon lui "redéfinir le rôle et les équilibres de l'assurance publique et privée comme outil de prévention et de résilience, afin de faire face à l’augmentation des dommages".

Valeur juridique à renforcer

Le HCC pointe également la faible valeur juridique du plan et réclame qu'il soit inscrit au niveau législatif et réglementaire, "dans le code de l'environnement et dans les dispositions relatives à la prévention et à la gestion des risques naturels sensibles au climat" - (par exemple dans les plans de prévention des risques et les plans de prévention des risques d’inondations) et "dans l’ensemble des documents territoriaux". Toujours au chapitre juridique, le HCC juge nécessaire de développer le cadre réglementaire "afin de conditionner à la mise en œuvre de normes et d’actions d’adaptation au changement climatique, l’obtention d’autorisations réglementaires et d’aides publiques pour les projets dans les domaines sensibles à l’évolution du climat".

Gouvernance à clarifier

En termes de gouvernance, il recommande de "clarifier la répartition des rôles et des actions à mettre en œuvre entre l’État, les collectivités territoriales, les entreprises, les établissements publics, les citoyens dans le cadre du Pnacc3 et en particulier le rôle fédérateur de l’État pour impulser l’adaptation chez les autres acteurs". Il recommande aussi d’"organiser des COP régionales sur l’adaptation au changement climatique". "Annoncées à l’automne 2024", leur mise en œuvre "n’a pas été actée", relève-t-il. "Ces COP régionales permettraient de caractériser les expositions, les vulnérabilités et les besoins spécifiques d’adaptation des territoires, de clarifier la répartition des actions d’adaptation à mettre en œuvre entre les différents échelons territoriaux et ainsi de renforcer les capacités d’adaptation des territoires", détaille-t-il.

Entre autres recommandations pour intégrer l’adaptation dans les politiques sectorielles, il appelle à "renforcer l’ambition" pour la biodiversité, les écosystèmes et les ressources naturelles, et à "veiller à réduire les effets antagonistes pour la biodiversité". Il préconise également d’évaluer et de renforcer la contribution à l’adaptation des politiques agricoles, des politiques de zéro artificialisation nette et des politiques de protection de la nature.

Connaissances scientifiques à mobiliser

Il juge aussi indispensable de mobiliser les connaissances scientifiques pour renforcer les politiques d’adaptation. Il recommande ainsi de "conduire une évaluation scientifique nationale des risques, des expositions et des vulnérabilités au changement climatique, à une maille territoriale et en consultant les acteurs des territoires", d’ "identifier des priorités d’adaptation correspondant à des territoires particulièrement à risque du fait du changement climatique à court et long terme, en prenant en compte des enjeux sécuritaires, sanitaires, sociaux, des conséquences pour l’emploi, et des effets en termes d’aménagement du territoire" et de "développer et porter à connaissance des collectivités territoriales les options et les outils d’adaptation en les déclinant selon les spécificités des territoires et des secteurs d’activité".

 

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