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80 km/h : Édouard Philippe prêt à donner des marges de manoeuvre aux présidents de département

Le Premier ministre a indiqué ce 16 mai sur franceinfo qu'il était prêt à soutenir un amendement à la LOM prévoyant que la règle de principe des 80km/h demeurerait au niveau national mais que les présidents de conseil départemental auraient le pouvoir de relever la vitesse maximale sur certains tronçons, quitte à en assumer les conséquences en matière de sécurité routière.

Édouard Philippe a ouvert la voie ce jeudi 16 mai à un assouplissement par l'Assemblée nationale de la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires, cette mesure impopulaire dont il a été l'initiateur et considérée comme ayant fait partie des détonateurs de la crise des gilets jaunes.

La règle de principe demeurerait au niveau national, mais les présidents de conseils départementaux auraient le pouvoir de relever la vitesse maximale sur certains tronçons, quitte à en assumer les conséquences en matière de sécurité routière. C'est le compromis que dessine un amendement porté par le groupe LREM dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités à l'Assemblée. Et que le gouvernement est prêt à soutenir, a dit Édouard Philippe. "Si les présidents de conseils départementaux souhaitent prendre leurs responsabilités, je n'y vois aucun inconvénient", a déclaré le Premier ministre sur franceinfo. En fixant toutefois une condition : que ce pouvoir des présidents de départements soit "systématiquement assorti de mesures" garantissant "le plus haut niveau de sécurité routière possible".

De quoi clore un débat épidermique ? Les 80 km/h, considérés comme efficaces par la plupart des experts de la sécurité routière, sont dénoncés comme le symbole des villes déconnectées de la vie quotidienne des campagnes. Selon les sondages réalisés ces derniers mois, près de huit Français sur dix sont favorables à l'abandon ou du moins à l'assouplissement de la mesure. Dès le début du Grand Débat national, mi-janvier, Emmanuel Macron avait ouvert la porte à des aménagements, disant devant des maires normands vouloir "quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent".

Fort des bons résultats de la Sécurité routière en 2018 (189 morts de moins qu'en 2017), Édouard Philippe défend lui toujours une mesure dont il se dit "fier" et qu'il ne regrette pas. "En général, quand je prends une décision je l'assume", a-t-il réaffirmé jeudi. Lors de l'examen du projet de loi Mobilités, le Sénat avait déjà voté fin mars la liberté pour les présidents de conseils départementaux, mais aussi les préfets, la liberté de déroger aux 80 km/h, par exemple en remontant à l'ancienne limitation à 90.

Victoire pour les uns, inquiétude pour les autres

En laissant la seule responsabilité aux présidents de conseil départemental, la majorité mise aussi sur le fait que peu d'entre eux oseront franchir le pas, trop soucieux de ne pas assumer les accidents. "Je prends le pari qu'au premier mort, on descendra tous à 80 km/h", juge le chef de file des députés MoDem, Patrick Mignola.

François Sauvadet, président de la Côte-d'Or et président du groupe Droite, Centre et Indépendants de l'Assemblée des départements de France, s'est pour sa part félicité dans un communiqué de cet "assouplissement", assurant avoir "maintes fois rappelé" au Premier ministre "que les présidents de département, qui gèrent au quotidien les routes départementales, connaissent parfaitement leur réseau". "Je gère près de 5.800 kilomètres de routes départementales et je prends régulièrement des centaines d'arrêtés pour limiter la vitesse, parfois très en-deçà des 80 km/h, pour l'adapter au réseau et aux conditions de circulation", explique l'élu. Qui compte maintenant "travailler à un audit du réseau routier départemental, de façon à pouvoir faire du cas par cas et adapter la vitesse à la typologie des routes". Et qui prévoit "qu'environ 90% du réseau pourront repasser à 90 km/h".

"Enfin la majorité présidentielle nous écoute : Édouard Philippe contraint au désaveu", s'est de même réjoui le sénateur Les Indépendants de la Vienne Alain Fouché, qui estime que les responsables locaux "connaissent mieux que quiconque le réseau routier".

Interrogé par Public Sénat, Michel Raison (LR – Haute-Saône), l'un des co-rapporteurs du groupe de travail sénatorial sur la sécurité routière, qui avait défendu l'amendement adopté au Sénat (lire notre article du 27 mars), a en revanche pointé les différences entre les deux dispositifs. Alors que l'amendement sénatorial prévoyait de confier la décision du relèvement de la vitesse aux élus pour les départementales et aux préfets pour les nationales après avis de la commission départementale de la sécurité routière, l'amendement prévu à l'Assemblée exclurait les routes nationales. "Le Premier ministre va expliquer aux présidents de départements, en les culpabilisant, que s’il y a un accident, ce sera de leur faute", a regretté Michel Raison, parlant d'un "contournement machiavélique de ce que l’on a voté au Sénat".

L'association 40 millions d'automobilistes, grande adversaire des 80 km/h, a salué jeudi un "recul" d'Édouard Philippe, "et une victoire pour nous et la sécurité des routes". "On revient à la même situation qu'avant, quand les présidents de conseils départementaux fixaient la vitesse au cas par cas, à 70 ou 90 km/h. Sauf qu'on a ajouté ce 80 km/h stupide. Ça va être un énorme micmac et un imbroglio pour tout le monde", a affirmé à l'AFP son délégué général, Pierre Chasseray.

Les partisans de la limitation, eux, ont affiché leur inquiétude. Pour Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, "nous allons payer le prix du sang de la pseudo-responsabilité des élus qui préfèrent leur mandat à la sécurité des citoyens". Selon la responsable associative, Emmanuel Macron a "lâché" son Premier ministre "depuis des mois" sur la question. Le chef de l'État "se laisse le temps de voir les effets de sa réforme de l'ISF mais ne va pas au bout des deux ans d'expérimentation des 80km/h", a-t-elle fustigé.

Dès l'annonce de la mesure début 2018, Édouard Philippe s'était engagé à en tirer un bilan mi-2020 et à l'annuler si elle s'avérait inefficace.