15% de surface en bio en 2022 : les régions dénoncent des "effets d'annonce"
En pleine concertation sur le plan Ambition bio 2022 - qui fixe un objectif de 15% de surface agricole en bio à horizon 2022 -, les régions s'interrogent sur les financements que l'Etat compte mettre sur la table.
Quelques semaines après le lancement de la concertation sur le plan Ambition Bio 2022, les régions dénoncent des "effets d’annonce". En lançant cette concertation le 5 avril, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, a confirmé l’objectif fixé par Emmanuel Macron le 18 février 2018 d'atteindre 15% de surface agricole utile en agriculture biologique ou en cours de conversion en 2022. Le ministère a alors annoncé la mobilisation d’1,1 milliard d’euros de crédits sur la période 2018-2022, "contre 0,7 milliard d’euros sur la période précédente (2013-2017), soit une augmentation de 62%". Alors que l’Etat a suspendu en 2018 ses aides au maintien (arguant qu’au-delà de la période de conversion, l’exploitation se devait d’être viable et concurrentielle), les régions se demandent, dans un communiqué du 26 avril, comment il compte financer son plan qui sera présenté lors du "printemps de la bio" la première quinzaine de juin. Selon elles, ces annonces "ne reposent sur aucune réalité financière" et entrent "en contradiction avec les arbitrages pris récemment".
Le plan Ambition bio 2022 poursuivra deux objectifs, avait indiqué le ministère, le 5 avril : outre les 15% de SAU, réserver 20% de produits bio en restauration collective. Trois leviers financiers seront actionnés pour y parvenir : "un renforcement des moyens consacrés aux aides à la conversion, avec 630 millions d'euros de fonds Feader (aides européennes du second pilier) et près de 200 millions d’euros de crédits d’Etat, auxquels s’ajouteront les autres financements publics" ; "un doublement du fonds de structuration Avenir bio géré par l’Agence bio", porté progressivement de 4 à 8 millions d’euros par an et une prolongation du crédit d’impôt bio revalorisé de 2.500 à 3.500 euros.
Grande inconnue
La grande inconnue tient aux 630 millions d’euros de crédits Feader qui sont gérés par les régions. Or celles-ci font valoir que ces crédits "sont en réalité déjà quasi intégralement mobilisés" en raison de la vague de conversions que le pays connaît actuellement. Ce que confirme la présidente de la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique) Stéphanie Pageot qui, le 5 avril, indiquait qu’il ne restait "aujourd’hui que 65 millions d’euros de fonds public, tous financeurs confondus, pour financer la bio jusqu’en 2020". La solution pourrait consister pour l’Etat à puiser une nouvelle fois dans l’escarcelle des aides du premier pilier de la Politique agricole commune (PAC) – les aides directes – pour abonder le Feader (second pilier) comme il l’a déjà fait l’an dernier. En effet, pour essuyer une ardoise laissée par le précédent gouvernement, le ministre de l’Agriculture avait procédé à une bascule de 626 millions d’euros du premier pilier vers le Feader, qui sert à financer les aides à la conversion et bien d’autres choses : les zones de montagne, l’installation de jeunes agriculteurs, le développement rural... 626 millions d’euros d’aides avaient ainsi été prélevées mais, sur le total, seulement 45 ont servi à soutenir les aides à la conversion, déplorent les régions…
Forte dynamique des conversions
Pour répondre à la dynamique actuelle des conversions, les régions ont-elles-mêmes procédé à des recalibrages dans leur enveloppe Feader. "Ainsi, depuis le début de la programmation cette augmentation (au profit des aides au bio) est de +70% de crédits Feader sur l’ensemble de l’Hexagone (de 365 millions d'euros à 615 millions d'euros de Feader)", précise l’association des Régions de France. Mais "cet effort inédit" risque de n’être pas suffisant pour aller au bout de la programmation actuelle et encore moins pour atteindre les objectifs du nouveau plan Ambition bio. "L’Etat doit donc lui aussi faire sa part du chemin, ce qui ne se traduit pour l’instant pas dans les textes de la loi de finances 2018", souligne l’association qui pointe également les coupes budgétaires subies par les Agences de l’eau qui sont pourtant des cofinanceurs importants. "La définition d’un Plan Ambition Bio national nécessite une coconstruction prenant en compte la réalité des territoires et permettant à chacun ensuite de prendre ses responsabilités. On ne peut pas adopter la même politique de soutien et la même trajectoire dans une région qui a déjà plus de 15% de sa surface en Bio et une autre qui plafonne à 2 ou 3%", fait par ailleurs valoir Jean Pierre Raynaud, président de la Commission Agriculture de Régions de France, cité dans le communiqué.
Selon les derniers chiffres de l’Agence bio, le nombres de producteurs bio a augmenté de 13,6% en 2017, à 36.664. Avec 1,77 hectares, ils occupent 6,5% de la surface agricole utile (y compris les surfaces en conversion). Mais avec d’importantes disparités territoriales.
L’Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine sont les trois premières régions en nombre de producteurs bio et elles poursuivent un rythme de progression proche de la moyenne nationale. Mais les plus fortes progressions (+20%) sont enregistrées dans les trois régions qui ont le moins d’exploitations en bio : les Hauts-de-France, l’Ile-de-France et la Corse. Encore s’agit-il de valeurs absolues et non de proportions.