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Finances locales - 13 milliards d'économies : le gouvernement opterait pour un scénario moins rude que prévu

13 milliards d'euros d'économies : l'objectif fixé aux collectivités par le gouvernement fait grincer des dents les élus locaux, alors que les modalités de son application n'ont pas été précisées. Or, selon les informations recueillies par Localtis, les hypothèses sur lesquelles travaillerait le gouvernement sont plutôt rassurantes : celui-ci aurait écarté un scénario noir (établir 2017 comme année de référence) et pris l'option de simplement freiner la croissance prévisionnelle des dépenses locales d'ici la fin du quinquennat. Une mission sera chargée de fixer les curseurs. Sur le chantier de l'organisation territoriale, les choses avancent aussi, avec un projet de consultation du Conseil d'Etat.

D'ici la fin du quinquennat, les collectivités territoriales devront réaliser 13 milliards d'euros d'économies et non 10 comme l'avait annoncé Emmanuel Macron lors de la campagne pour l'élection présidentielle. L'arbitrage qu'a dévoilé le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, peu après l'ouverture de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet, a abasourdi les élus locaux. Après la réduction des dotations de 11,5 milliards d'euros imposée aux collectivités entre 2014 et 2017, une baisse sèche de 13 milliards d'euros de la dépense publique locale d'ici 2022, par rapport à celle que les collectivités ont réalisée en 2017, nécessiterait selon eux de remettre en cause bon nombre de services publics locaux. "Sur la base des annonces gouvernementales, certains élus ont calculé sommairement le montant de l'effort par habitant qu'ils devraient mettre en œuvre dans leur collectivité et ont conclu que cela ne passerait pas", témoigne le responsable d'une association d'élus locaux. Alors, sans surprise, ces élus locaux inquiets pour les finances locales, "gèlent aujourd'hui les projets qu'ils comptaient lancer au cours de la seconde partie de leur mandat, tels que les projets de crèches", observe-t-il.

Dans le viseur, la hausse prévisionnelle des dépenses locales

Mais ce scénario noir ne devrait en réalité pas se réaliser : les hypothèses d'évolution de la dépense publique locale sur lesquelles le gouvernement travaille actuellement ne l'évoquent pas. Selon une source proche du dossier, l'exécutif fixerait en effet l'objectif de 13 milliards d'euros d'économies par rapport aux prévisions de dépenses de fonctionnement des collectivités locales estimées pour 2022. Des dépenses dont il évalue la croissance annuelle à 1,1% ou 1,2% par an, compte tenu notamment des avancements de grade et des promotions dont bénéficient les agents territoriaux et qui pèsent sur la masse salariale. A ce rythme, les dépenses totales des collectivités, qui s'élèveraient, en 2017, à 247 milliards d'euros, atteindraient en principe 275 milliards d'euros en 2022. L'ambition du gouvernement serait alors de fixer l'objectif des dépenses publiques locales à 262 milliards d'euros (c'est-à-dire 275-13) à cette date-là.
Le gouvernement a exposé ces hypothèses dans un document de travail élaboré par la direction du Budget, que Matignon a transmis aux associations d'élus locaux à la veille d'une réunion qui s'est déroulée le 28 août sous la houlette du cabinet du Premier ministre, en présence de représentants des ministères de l'Intérieur, de la Cohésion territoriale, ainsi que de l'Action et des Comptes publics et avec la participation d'experts des associations d'élus locaux.

Une mission bientôt sur pied

Le gouvernement semble avoir défini une orientation. Il devra encore préciser de nombreux points. Les objectifs de progression des dépenses de fonctionnement des collectivités locales doivent-ils tenir compte de l'inflation ? Prendra-t-on en compte les budgets annexes des collectivités ? Ne devra-t-on pas sanctuariser l'investissement comme le souhaitent les associations d'élus locaux ? Et en premier lieu, alors que Bercy et la Cour des comptes font état de statistiques différentes sur les dépenses publiques locales réalisées au cours des dernières années, quelles données retenir ? Toutes ces questions en apparence techniques sont également éminemment "politiques", comme l'affirme le responsable d'une association d'élus locaux.
Il appartiendra à une mission de fixer plus précisément les curseurs. Le gouvernement a demandé aux associations d'élus locaux de lui faire des propositions d'ici la fin de cette semaine sur les personnalités qu'elles souhaiteraient voir accomplir cette tâche. Après que, fin juin, le principe de la création de cette mission a été retenu, plusieurs noms avaient circulé, comme ceux de l'ancien président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, ou de l'ancienne ministre et rapporteure générale du Budget au Sénat, Nicole Bricq, qui est décédée le 6 août dernier. Le Premier ministre devrait signer la lettre de mission la semaine prochaine.

Un pacte financier en décembre

Outre la maîtrise des dépenses locales et l'objectif d'économies de 13 milliards d'euros, cette même mission devrait s'atteler à plusieurs autres gros dossiers : le scénario évoqué par le président de la République d'une suppression de la totalité de la taxe d'habitation, la refonte de la fiscalité locale qu'il a également envisagée et le financement des allocations individuelles de solidarité gérées par les départements (RSA, APA et PCH). Après la Conférence nationale des territoires, le gouvernement avait prévu que des commissions et groupes de travail distincts s'attellent à chacun de ces sujets. Mais les associations d'élus locaux ont souligné qu'il faudrait plutôt les aborder tous ensemble. Elles semblent avoir été entendues. "Le gouvernement se montre ainsi ouvert s'agissant de la définition de la méthode", observe le responsable d'une association.
La mission ne va probablement pas avancer au même rythme sur tous ces chantiers, mais définir des priorités en fonction de l'agenda. Sur la recomposition du paysage fiscal local liée en particulier à la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables, les échéances se situent en 2019. Il n'en est pas de même sur la baisse des dépenses locales de 13 milliards d'euros, puisque le gouvernement doit transmettre d'ici quinze jours au Conseil d'Etat une première mouture du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Sur les économies attendues des collectivités locales, la mission devra sans doute remettre ses conclusions d'ici la seconde réunion de la Conférence nationale des territoires prévue pour décembre prochain. Elle aura en effet à son ordre du jour la signature du pacte financier pluriannuel entre le gouvernement et les représentants des collectivités. Joint par Localtis, le cabinet du Premier ministre n'a pour l'heure pas confirmé ces informations.

Différenciation territoriale : le gouvernement devrait consulter le Conseil d'Etat
Mettre fin au jardin à la française, laisser les collectivités territoriales s'organiser librement si leur action s'en trouve plus efficace... le président de la République a longuement défendu ce cap lors de la Conférence nationale des territoires. Mais la différenciation se heurte au principe d'égalité de traitement. Dès lors, jusqu'où peut-on aller dans le développement au sein d'une même catégorie de collectivités d'une organisation et d'un exercice des compétences différents ? Cette question taraude le gouvernement. Pour avancer, il projette de consulter le Conseil d'Etat. La formulation de sa demande à l'institution dont la mission est notamment de le conseiller, était au menu d'une réunion qui a regroupé, le 29 août, les représentants des associations d'élus locaux et des ministères concernés, autour du cabinet du Premier ministre.
Les réunions faisant suite à la Conférence nationale des territoires vont donc bon train. Matignon en tiendra une troisième en principe le 7 septembre, cette fois sur la lutte contre les fractures territoriales et la conduite des transitions écologique et numérique. Selon une source proche du dossier, le rythme des échanges techniques entre l'exécutif et les associations d'élus locaux ne devrait pas faiblir par la suite, avec au moins une réunion par mois sur les thématiques financières et autant sur celle des structures locales.
T.B.