Ursula Von der Leyen dévoile sa "boussole pour la compétitivité"
Quelques mois après l'alerte lancée par Mario Draghi sur le décrochage économique de l'Union européenne, Ursula Von der Leyen a dévoilé le contenu de sa "Boussole pour la compétitivité" ce mercredi 29 janvier. Un catalogue de textes visant à arrimer l'Europe au train de l'innovation mondiale, dans un contexte de fortes rivalités avec les Etats-Unis et la Chine.
Souhaitons à la "Boussole pour la compétitivité" d'Ursula Von der Leyen un sort plus enviable que celui de la "Stratégie de Lisbonne" qui prévoyait de faire de l’Union européenne "l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010"… avec les résultats que l'on sait. Au plus fort de la rivalité des Brics et des Etats-Unis, la présidente de la Commission qui veut faire de la compétitivité le mantra de son nouveau mandat, en s'appuyant sur les recommandations des rapports Letta et Draghi, a donc présenté sa stratégie, mercredi 29 janvier, accompagnée du vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle, Stéphane Séjourné. "Au cours des 20 à 25 dernières années, notre modèle commercial s'est essentiellement appuyé sur une main-d'œuvre bon marché en provenance de Chine, une énergie présumée bon marché en provenance de Russie (…). Ces jours sont révolus. Et on voit qu'aujourd'hui l'Europe continue d'être à la traîne derrière les Etats-Unis et la Chine en matière de croissance de la productivité", a déploré celle qui est aux commandes de la Commission depuis plus de cinq ans.
Intelligence artificielle
Cette boussole reprend les 3 grands axes du rapport Draghi qui avait pointé le décrochage économique de l'UE - innovation, décarbonation et sécurité des approvisionnements – et liste un catalogue d'initiatives qui seront prises dès les prochains jours pour certaines. Visant à combler le retard avec la Chine et les Etats-Unis – qui ont pris une longueur d'avance dans ce domaine de l'intelligence artificielle -, le premier axe se traduira par une initiative sur les "giga-fabriques d'IA", une "stratégie pour l'application de l'IA", des plans d'action sur les matériaux avancés, la technologie quantique, la biotechnologie, la robotique et la technologie spatiale. Ou encore une "stratégie spécifique de l'UE pour les start-ups". Fin 2025-début 2026, la Commission proposera un "28e régime juridique", c'est-à-dire un régime unique pour toutes les sociétés innovantes européennes. "Plus qu'un formulaire à remplir au lieu de 27", a salué Stéphane Séjourné.
Pour ce qui est de la décarbonation, la boussole s'inscrit dans le prolongement du Pacte vert tout en tenant compte de la question impérieuse du prix de l'énergie. "Je veux être très claire, l'Union européenne maintient le cap des objectifs du Pacte vert, sans aucun doute. C'est une force unique", a insisté la présidente de la Commission après avoir essuyé de nombreuses critiques ces derniers jours (voir nos articles du 20 janvier et du 27 janvier).
Décarbonation de l'industrie
Alors que les Etats-Unis ont annoncé leur retrait de l'accord de Paris sur le climat et que les industriels européens font déjà face à des coûts énergétiques très supérieurs à ceux de leurs concurrents, la Commission présentera "dans quelques semaines" un "plan d'action pour une énergie abordable" pour faire baisser les prix. Annoncé fin novembre, le "Pacte pour une industrie propre" préparé par Stéphane Séjourné est lui aussi très attendu. Il devrait être présenté le 26 février. Il s'accompagnera d'un acte législatif visant à accélérer la décarbonation de l'industrie et de plans d'actions sectoriels (acier, métaux et produits chimiques).
Pour ce qui est de la sécurité des approvisionnements et de la réduction des dépendances, la Commission compte avant tout sur la relance des accords de partenariats. Elle évoque également le "réexamen des règles relatives aux marchés publics" afin d'introduire une "préférence européenne" pour les secteurs et technologies critiques.
Ces trois piliers sont complétés par "cinq catalyseurs horizontaux pour la compétitivité" : simplification, réduction des obstacles au marché unique, financement de la compétitivité, promotion des compétences et des emplois de qualité et meilleure coordination des politiques au niveau européen et au niveau national. "Nous allons livrer un effort de simplification sans précédent", a assuré Ursula Von der Leyen annonçant pour le "mois prochain" une première proposition dite "omnibus" censée répondre au "signal clair" envoyé par les milieux d'affaires sur la "complexité" et la bureaucratie. Le texte allègera les règles sur trois sujets de crispation : la directive sur le devoir de vigilance (CS3D), la directive sur le reporting de durabilité (CSRD) et la taxonomie verte. La boussole se donne pour objectif de "réduire d'au moins 25% la charge administrative qui pèse sur les entreprises et d'au moins 35% celle qui pèse sur les PME".
Fonds pour la compétitivité
Parallèlement, la Commission compte mettre en place une "stratégie horizontale pour le marché unique" pour lever tous les obstacles intra-européens. Elle présentera une "union européenne de l'épargne et des investissements" et proposera une initiative visant à bâtir une "union des compétences". Enfin dernier point, elle dévoilera un "outil de coordination de la compétitivité" pour aider les Etats membres à conjuguer leurs efforts sur des enjeux prioritaires et recenser les projets transfrontaliers d'intérêt européen. Au cours du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034, un fonds pour la compétitivité sera créé, est venu confirmer Stéphane Séjourné. Ce fonds est censé regrouper plusieurs fonds et programmes existants (Horizon Europe, Fonds pour l'innovation, EU4Health...).
A présent, Ursula Von de Leyen doit lancer ce jeudi le "dialogue stratégique" pour l'avenir de la filière automobile en proie à des difficultés. "Nous l'accompagnerons dans sa profonde transition. Et nous veillerons à ce que l'avenir de l'automobile reste solidement ancré en Europe", a-t-elle déclaré.