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Une proposition de loi, soutenue par le gouvernement, pour régulariser in extremis 4.000 praticiens diplômés hors UE

Julien Borowczyk, député (LREM) de la Loire - et médecin - a déposé le 7 novembre 2018 une proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors de l'Union européenne. Dès le lendemain, le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte, ce qui est très inhabituel pour une proposition de loi. Et l'examen de cette dernière est d'ores et déjà inscrit à la séance publique du 4 décembre. Cette précipitation s'explique par le risque imminent d'un vide juridique, qui pourrait sérieusement perturber le fonctionnement des établissements de soins et, tout particulièrement, des petits hôpitaux.

Le risque d'une interdiction d'exercer au 1er janvier 2019

En effet, environ 4.000 praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) risquaient de se trouver en situation illégale le 1er janvier 2019 et donc sous le coup d'une interdiction d'exercer l'essentiel de leurs missions. Or, comme l'explique l'exposé des motifs de la proposition de loi, il s'agit "de ne pas fragiliser brutalement la continuité de fonctionnement de certains établissements, qui dépend dans certains territoires en partie de ces praticiens". Dans ces conditions, et en attendant que la transformation prévue par la stratégie Santé du gouvernement "soit pleinement effective et que la nouvelle organisation des soins se mette en place, il est essentiel de sécuriser l'exercice de chacun des acteurs intervenant dans les établissements de santé".
La proposition de loi se compose donc d'un article unique, reportant au 31 décembre 2020 l'échéance au-delà de laquelle les praticiens concernés ne pourront plus exercer sous statut de médecins associés, s'ils n'ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances de la procédure d'autorisation d'exercice prévues par le Code de la santé publique (article L.4111-2).
Selon l'auteur de la proposition de loi "ce délai de deux ans devrait permettre de construire un dispositif pérenne et de proposer des mesures destinées à améliorer l'intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne dans le système de santé que nous voulons pour l'avenir".

Deux ans pour trouver une solution

La  proposition de loi devrait ainsi sécuriser environ 1.000 praticiens formés hors de l'UE et arrivés avant août 2010, mais qui n'ont pu passer le concours permettant leur régularisation, et 3.000 autres praticiens arrivés après 2010, mais qui n'ont pas réussi le concours, particulièrement sélectif. Elle constitue un soulagement pour les médecins concernés et pour les hôpitaux qui les emploient. 
Mais la mesure ne satisfait cependant pas le syndicat national des Padhue (SNPadhue), qui a organisé le 15 novembre, avec le soutien de la Confédération des praticiens des hôpitaux et d'autres organisations, une manifestation devant le ministère des Solidarités et de la Santé, où une délégation a finalement été reçue. 
Réuni le 17 novembre, le conseil d'administration du syndicat a "décidé de privilégier les négociations au vu de la volonté affichée de débloquer la situation. Nous attendons de prendre connaissance de ces mesures". Une grève des urgences n'est toutefois pas exclue "si aucun changement conséquent n'est proposé avant les fêtes de fin d'année".
Après son adoption prévisible en séance publique à l'Assemblée, le 4 décembre, la proposition de loi devra ensuite trouver un créneau au Sénat - et être adoptée dans les mêmes termes - avant la fin de l'année. Alors que le problème est connu depuis des années, on peut s'étonner du caractère précipité de cette proposition de loi, qui aurait pu trouver sa place dans le PLFSS pour 2019. Il peut s'agir d'un oubli, mais aussi de la crainte d'une censure de la mesure par le Conseil constitutionnel, qui semble avoir une conception de plus en plus extensive des cavaliers législatifs, comme on vient encore de le voir avec le projet de loi Elan (voir notre article ci-dessous du 16 novembre 2018).