Un projet de ratification boucle la réécriture du code de la construction
Si l’objet est bel et bien de mettre un point final au chantier de réécriture des règles de construction en ratifiant leur recodification par ordonnance, c’est un projet de loi enrichi de plusieurs dispositions nouvelles qui a été présenté en conseil des ministres, ce 22 juillet. Le texte signe en particulier le retour en piste du "carnet d’information du logement", ainsi rebaptisé après une série d’occasions manquées.
Lors du conseil des ministres, ce 22 juillet, le ministère de la Transition écologique, dont les prérogatives ont été élargies au logement suite au dernier remaniement, a présenté un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation (CCH). Un sérieux dégraissage qui a notamment conduit à réduire d’un quart le livre Ier de la partie législative du CCH, dont l’architecture a complètement été repensée, de façon à asseoir le changement de paradigme (c’est-à-dire le passage d’une logique de moyens à une logique de résultat) insufflé par la loi Essoc de 2018 (relative à un Etat au service d'une société de confiance) pour libérer l’innovation technique et architecturale dans les projets de construction. Ce vaste chantier permet de pérenniser dans le droit commun le fameux "permis d’expérimenter", prévu par une première une ordonnance (n° 2018-937 du 30 octobre 2018 et son décret n°2019-184 du 11 mars 2019) qui n’est quant à elle que transitoire, pour autoriser les maîtres d’ouvrage à déroger à certaines règles constructives dans tous les champs techniques (performance énergétique, accessibilité, etc.), sous réserve d'apporter des "solutions d'effet équivalent" (SEE) attestées par une tierce partie.
Et les décrets d’application - attendus en 2020 et 2021 - devraient eux aussi engendrer un vaste remaniement des 400 articles compris dans la partie réglementaire. En effet, la partie législative du livre Ier du CCH ne doit entrer en vigueur que lorsque sa partie réglementaire sera également recodifiée par un décret en Conseil d'Etat qui synchronisera cette date, et "au plus tard le 1er juillet 2021". Il est également prévu qu’à cette occasion la première ordonnance sera abrogée. Le dépôt du projet de loi de ratification est dans les clous, puisqu'il a bénéficié d’une rallonge de délai (jusqu'au 31 août 2020) en raison de la crise sanitaire.
Vers la ratification et au-delà
L’ordonnance en elle-même ne fait pas l’objet de modifications par ce projet de loi de ratification. Ce qui n’est pas le cas de son annexe - qui a vocation à remplacer le livre Ier du code de la construction - qui comporte en revanche de nombreux ajustements, notamment en raison de la promulgation dans l’intervalle de véhicules normatifs venus modifier les dispositions actuelles du livre Ier. Le projet de ratification (articles 11, 17, 19 et 20) introduit ainsi dans l’annexe certaines dispositions de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) et de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (LEC), à l’exemple de celle qui impose la réalisation d’un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus des travaux de construction et de rénovation des bâtiments. Autre précision de calendrier, la mise en place d’un indicateur sur la ressource en eau (systèmes de réduction de la consommation d’eau et de récupération des eaux de pluies) n’interviendra qu’ "à partir de 2023".
D'autres dispositions sont entièrement nouvelles. Les articles 4, 7 et 14 sont destinés à donner une base législative commune aux dispositions réglementaires encadrant les registres de sécurité des bâtiments. Un dossier relatif à la solution d'effet équivalent y sera, le cas échéant, intégré. Le texte introduit également un nouvel article L. 112-10-2 qui oblige les maîtres d’ouvrage à conserver tous les documents relatifs aux SEE pendant une période de 10 ans. Son article 3 supprime quant à lui l’obligation d’apporter la preuve d’une solution d’effet équivalent avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme, qui constitue selon l’étude d’impact "une contrainte pour les acteurs concernés", autrement dit un frein à l'innovation, sachant que "bon nombre de champs techniques ne sont pas encore explorés à ce stade : éclairage, ventilation, réseaux…".
Retour du carnet d’information du logement
Le projet de loi (article 12) comporte enfin la création du "carnet d’information du logement" (CIL), véritable "mémoire" des caractéristiques du logement et des travaux passés "dont la connaissance est indispensable à l’évaluation de la performance énergétique et à la programmation d’opérations de rénovation efficaces sur le bâti et les systèmes énergétiques (équipements de chauffage, pilotage des consommations énergétiques, ventilation, etc.)", relève le ministère. Il succède au "carnet numérique d'information, de suivi et d'entretien du logement", après les rendez-vous manqués de la loi de Transition énergétique de 2015, puis de la loi Elan de 2018. Ce dernier "ne verra en réalité jamais le jour", comme le rappelle le Conseil d’Etat, "puisqu’une forte présomption d’inconstitutionnalité pèse sur lui, mise en évidence à l’occasion de l’examen des dispositions réglementaires envisagées pour son application".
Le gouvernement a donc revu sa copie pour proposer un dispositif "exempt des graves défauts ainsi relevés". L’objectif d’intérêt général qu’il poursuit est clairement affirmé et porte exclusivement sur l’amélioration de la performance énergétique des logements, "sans créer aucune exception entre les différentes catégories de logement qui pourrait méconnaître le principe d’égalité", remarque le Conseil d’Etat. Il sera établi "à partir de 2022" par le propriétaire à l’issue de la construction du logement ou de travaux de rénovation ayant une incidence significative sur sa performance énergétique. Son contenu est en outre précisément défini par le projet de loi "de sorte que l’obligation de transmission de ce carnet en cas de mutation ne devrait pas gêner les transactions". Par ailleurs, "l’obligation pour le propriétaire de recourir à un service en ligne sécurisé géré par un tiers pour regrouper et gérer les informations a disparu", se félicite le Conseil d’Etat, "et il est loisible au propriétaire d’établir le carnet sous la forme qu’il souhaite" (notamment dématérialisée), les éléments nécessaires à son alimentation lui étant transmis par les professionnels de la construction intervenant sur le logement.