"Un Premier ministre des territoires" devant les sénateurs
Après l'Assemblée nationale mercredi, c'est devant le Sénat que Jean Castex s'est livré ce 16 juillet à l'exercice de la déclaration de politique générale. En axant naturellement plus que jamais son propos sur les territoires. Sur le terrain de la décentralisation, l'agenda sera chargé jusqu'à la fin du mois de juillet.
Au lendemain de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée (voir notre article), Jean Castex a renouvelé l'exercice devant le Sénat ce jeudi 16 juillet en forme, cette fois encore, d'ode aux "territoires". "Devant la chambre des territoires, je me revendique comme un Premier ministre des territoires et de la vie quotidienne", a-t-il d'emblée déclaré.
Le nouveau Premier ministre a pour l'essentiel repris, certes parfois en des termes un peu différents, les grandes lignes de ses propos de la veille, notamment sur les axes du plan de relance qui sera présenté fin août ou début septembre. Mais a aussi apporté une série de précisions nouvelles. Sur le port du masque tout d'abord, en annonçant que le décret le rendant obligatoire entrera finalement "en vigueur la semaine prochaine" (voir notre article de ce jour). Mais aussi sur les sujets les plus directement liés aux collectivités.
"Fixer un cadre juridique au niveau national n'est pas suffisant ; nous devons nous impliquer dans la mise en oeuvre des politiques publiques, les adapter à la vie des gens, dans les régions, les départements, les cantons, les communes, les quartiers. Pour cela, il faut faire confiance aux territoires qui détiennent la solution au rebond collectif. Nous devons libérer les territoires et nous appuyer sur eux !", a-t-il clamé.
Jean Castex a rappelé avoir d'ores et déjà "rencontré l'ensemble des associations de collectivités", avec le souci de "régler les problèmes liés à l'impact de la crise sur leurs finances"… mais aussi "celui des impôts de production qu'il faudra alléger pour reconquérir notre souveraineté économique", a-t-il prévenu, comme il l'avait fait à l'Assemblée, sachant que Bruno Le Maire s'est exprimé sur le sujet ce même 16 juillet. On sait désormais que le plan de relance prévoira une baisse de 20 milliards d'euros des impôts de production, en deux temps (voir notre article de ce jour).
"Les collectivités doivent pouvoir investir"… mais doivent le faire "en cohérence avec l'État, car nos concitoyens ne nous pardonneraient ni dispersion, ni divisions stériles", a prévenu le chef du gouvernement. Ainsi, si "le plan de relance soutiendra les interventions des collectivités", ce sera bien "dans leur champ de compétences", et sur les axes fléchés par le gouvernement. Les futurs contrats de plan Etat-région ont été mentionnés, rebaptisés au passage "contrats de plan et de territoire", auxquels Jean Castex entend "redonner du sens et de la chair".
CNT et projet de loi expérimentations d'ici fin juillet
Sur la décentralisation, il a salué les récentes propositions du Sénat (voir notre article), assurant que celles-ci feront l'objet d'un "examen attentif" et a fait savoir que Jacqueline Gourault reprenait le fil des concertations sur le projet de loi 3D avec les associations d'élus entamées en janvier dernier. Avec, en point d'orgue, une Conférence nationale des territoires d'ici la fin du mois. Au sujet de cette CNT, interrogée sur Public Sénat, Jacqueline Gourault a indiqué que le gouvernement réfléchissait avec les associations d'élus pour essayer de "trouver la formule la plus efficace possible", se souvenant que "les grands messes" expérimentées au début du quinquennat avaient fini par être boycottées… "On cherche une méthode nouvelle pour que chacun y trouve son compte", a assuré la ministre.
Il a par ailleurs rappelé que le projet de loi organique facilitant les expérimentations était dans les tuyaux, y voyant un premier pas vers "le droit à la différenciation". Le texte "sera présenté dès la fin du mois" en conseil des ministres. Le projet de loi 3D viendra dans un second temps.
Il est aussi revenu sur sa vision en matière d'organisation territoriale de l'Etat. "L'État s'est trop éloigné, on a favorisé l'État régional, par souci d'économie. Mais quand les régions sont devenues immenses, cette intention louable s'est retournée contre la proximité et l'efficacité", a-t-il jugé, rappelant son annonce de la veille : toutes les créations d'emploi seront dédiées à l'échelon départemental, au détriment des administrations centrales.
Enfin, il a proposé que certains dispositifs de dérogations et de simplification administrative introduits par ordonnances le temps de la crise sanitaire soient pérennisés, citant l'exemple de la commande publique et évoquant "d'autres dispositifs" qui compliquent et retardent souvent les projets locaux.
Des routes régionales ?
Sur le volet aménagement du territoire, insistant sur sa volonté de "rééquilibrer les territoires", le Premier ministre a annoncé que les territoires ruraux doivent avant tout être "revitalisés par l'économie". "Le service public suivra". Car "si les services publics y ont fermé, c'est que la population a diminué, car l'activité et l'emploi se concentrent dans les très grandes agglomérations". CQFD. Et Jean Castex d'évoquer, comme à l'Assemblée, l'importance des réseaux : très haut débit (notamment pour le télétravail et la télémédecine), lignes ferroviaires, "peut-être réinvestir dans les routes"…
A ce sujet, il a lancé une "piste de réflexion" à mettre au débat dans le cadre de la décentralisation : "Doit-on conserver des routes nationales que l'État a bien du mal à entretenir ? Doit-on pour autant renvoyer cette responsabilité aux départements ? N'est-il pas temps de conforter les régions dans leur rôle de responsables de toutes les mobilités, en envisageant des routes structurantes d'intérêt régional ?"
Il a par ailleurs mentionné la poursuite du programme Action Cœur de ville et mis l'accent sur le déploiement du programme Petites Villes de demain "pour 1.000 villes supplémentaires sur le territoire".
Enfin, sur le terrain de la santé, au-delà du Ségur de la santé (voir notre article), le chef du gouvernement a jugé nécessaire d'"améliorer le fonctionnement quotidien des structures en donnant davantage de souplesse, en permettant de déroger à certains cadres nationaux sur des sujets de gouvernance interne, en décloisonnant ville et hôpital et en permettant aux collectivités d'être davantage partie prenante tant au niveau des agences régionales de santé que des établissements". "Régions, départements, intercommunalités doivent, s'ils le souhaitent, pouvoir s'associer aux investissements, cela doit se faire sur la base de contrats territoriaux conclus avec l'État et les structures de soins, et en contrepartie d'une participation accrue des élus à la gouvernance", a-t-il poursuivi.
On saura aussi qu'il prévoit la tenue d'une Conférence nationale du handicap, considérant que les personnes handicapées ont fait partie des personnes "les plus affectées par la crise". La dernière Conférence s'était tenue en février dernier (voir notre article).