Loi organique relative aux lois de finances - Un nouvel outil de maîtrise des dépenses des collectivités ?

La Lolf va-t-elle trouver sa place auprès des collectivités territoriales ? Pourquoi pas, si son utilisation favorise de nouvelles règles de transparence comptable, répondent les gestionnaires locaux. Sûrement pas, si sa vocation est d'établir un nouveau palmarès entre les bons et les mauvaise élèves, rajoutent ces spécialistes. Points de vue croisés.

"L'Etat nous dit : j'ai fait une réforme fantastique, vous devez, vous, collectivités locales, vous en inspirer. Mais je ne suis pas certain que l'Etat ait à nous apprendre autant qu'il croit !" Par ses propos énergiques, introduction à un séminaire consacré à "la Lolf et les collectivités territoriales", qui se tenait le 22 juin au Sénat, le sénateur Paul Girod résume un sentiment partagé. Les gestionnaires de terrain ont depuis des années lancé de nouveaux outils d'analyse, d'évaluation et de contrôle des données budgétaires.

Avec la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), depuis un an seulement, la politique de l'Etat n'est plus définie en fonction des moyens, mais suivant des objectifs et des résultats (voir les archives de Localtis). Au-delà d'une nouvelle présentation des documents budgétaires, la réforme ouvre de nouvelles règles du jeu en matière de management et d'organisation. Les responsables des programmes ont une plus grande liberté. En contrepartie, est mise en place une méthode d'évaluation détaillée par des indicateurs de performance.

 

Premières critiques sur le bureau du Médiateur de la République

En 2005, la Lolf passe pour une révolution : parlementaires et membres du gouvernement se félicitent alors de cette réforme. Le Médiateur de la République a ouvert, sur cette première année d'application, le catalogue des dysfonctionnements et les exemples s'additionnent. Pour Bernard Dreyfus, délégué auprès du Médiateur de la République, "si les principes de la Lolf sont de bons principes, je mets en doute leur application". Pour autant, il n'est pas question pour les collectivités territoriales de ne pas s'y intéresser.  "Je me demande, s'interroge Luc Alain Vervisch, président de l'Association finances-gestion-évaluation des collectivités territoriales (Afigese), interpellant les experts locaux présents au colloque du palais du Luxembourg, si vous êtes venus ici par désir ou par crainte !"


L'Etat est-il mieux géré que les collectivités ?

"Cette réforme qui vise à présenter les budgets par mission et par programme s'inspire d'une réalité locale : un certain nombre de collectivités territoriales présentent déjà leur budget par fonction", rajoute Luc Alain Vervisch. Le président de l'Afigese a insisté en rappelant que des collectivités comme le conseil général des Bouches-du-Rhône ou celui du Vaucluse ont mis en place leur propre dispositif d'évaluation.
Il reste un chantier où les collectivités doivent s'inspirer de l'Etat : la certification des comptes ou "l'image fidèle" comme l'a qualifié Luc Alain Vervisch. "Nous avons encore des efforts à faire en matière de transparence du passif." Cet avis est partagé par Nicolas Hesse, directeur des finances du conseil régional de la Bourgogne. "Si nous devons nous inquiéter sur une transposition des indicateurs de performance, en revanche la transposition de la qualité comptable serait intéressante. L'Etat a pris une longueur d'avance en matière comptable avec une intégration systématique du contrôle interne comptable et l'atténuation du principe de la séparation entre l'ordonnateur et le comptable." 

 

 

Les indicateurs de performance ne peuvent pas être partagés

 

Alors que le premier conseil d'orientation des finances publiques, qui s'est tenu le 20 juin, s'est soldé par l'annonce d'une mission chargée de réfléchir à de nouveaux outils d'évaluation et de maîtrise de la dépense locale, les intervenants de la journée d'études du 22 juin ont tous exprimé leur inquiétude : le risque serait une normalisation de l'évaluation. "L'Etat veut nous imposer des indicateurs de performance communs pour pouvoir nous comparer, puis ensuite nous affecter les ressources en fonction des résultats", a proclamé Olivier Landel, délégué général de l'Association des communautés de France (Acuf). "Nous avons proposé que le règlement budgétaire et financier soit voté par chaque collectivité et validé par une autorité de contrôle de l'Etat. Il deviendrait ensuite opposable à tout nouveau contrôle", tient à préciser le président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF), Philippe Laurent.

Au-delà de cette polémique sur l'utilisation ou non de la Lolf, la question de la maîtrise de la dépense publique gardera en 2007 de son acuité. Elle devrait dès l'automne 2006, avec la prochaine réunion du conseil d'orientation des finances publiques, reprendre du "poil de la bête".

 

Clémence Villedieu

 

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