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Sport - Un lifting pour l'organisation des manifestations sportives sur la voie publique

Avec la publication au Journal officiel du 8 mai de l'arrêté du 3 mai 2012, la réforme de l'organisation des manifestations sportives sur les voies publiques ou ouvertes à la circulation publique ne comportant pas la participation de véhicules à moteur est désormais achevée. Cet arrêté complète en effet un décret du 5 mars qui avait posé les bases de la nouvelle réglementation.
L'organisation des manifestations sportives sur la voie publique, datant pour l'essentiel de 1955, a fait l'objet de changements profonds depuis plus d'un an. Des changements qui ont mis à jour les craintes des organisateurs de courses à pied, à vélo, à roller ou encore à cheval. Ainsi, l'augmentation des frais de mise à disposition des forces de l'ordre sur les épreuves cyclistes a été actée début 2011. Dans le même temps, les signaleurs de course voyaient leur autorité renforcée, précisément pour limiter un recours coûteux aux forces de l'ordre (lire ci-contre nos articles des 11 février et 19 avril 2011).
Mais ce dont le mouvement sportif - et notamment les fédérations – avait le plus peur était le bouleversement envisagé des règles d'organisation des manifestations sportives. Car en cherchant, d'une part à simplifier les règles en vigueur, d'autre part à se conformer à la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur, le ministère de l'Intérieur s'apprêtait à démunir les fédérations de toute autorité dans ce domaine. Antérieurement en effet, seule une association ayant au moins six ans d'existence et affiliée à une fédération délégataire pouvait être autorisée à organiser une manifestation sportive sur la voie publique (une dérogation exceptionnelle en faveur des associations non affiliées étant toutefois prévue). De surplus, toute manifestation envisagée devait être obligatoirement inscrite au calendrier de la fédération concernée.

Fin de monopole pour les associations

Dans les discussions sur les nouveaux textes auxquelles elles ont participé, les fédérations – principalement de cyclisme et d'athlétisme – se sont d'abord inquiétées de l'abandon de l'inscription obligatoire des manifestations sportives sur la voie publique au calendrier fédéral, inquiétude relayée par une question parlementaire du député Michel Ménard en mars 2011 (voir référence plus bas). Cet abandon est effectivement consacré par l'article 3 du décret du 5 mars 2012, qui stipule que "les manifestations sportives qui constituent des épreuves, courses ou compétitions comportant un chronométrage et qui se déroulent en totalité ou en partie sur une voie publique ou ouverte à la circulation publique sont soumises à autorisation [préfectorale]" et que cette autorisation "peut être délivrée à toute personne physique ou morale". La référence à une "association" disparaît donc, tout comme celle au calendrier fédéral. Toujours aux termes de l'article 3 du décret, l'organisateur d'une manifestation sportive n'a donc plus qu'une seule obligation vis-à-vis d'une fédération sportive délégataire : recueillir son avis motivé au regard des règles techniques et de sécurité. Un avis réputé rendu dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande par la fédération.
Si une fédération délégataire ne peut donc plus faire obstacle à l'organisation d'une manifestation sportive sur la voie publique, son pouvoir normatif en matière de règles techniques et de sécurité est toutefois consacré. C'est là l'avancée dont peuvent se prévaloir les fédérations dans le nouveau dispositif. Le décret du 5 mars 2012 dispose en effet que "dans les disciplines pour lesquelles elles ont obtenu délégation, les fédérations délégataires édictent les règles techniques et de sécurité applicables aux manifestations mentionnées à l'article R.331-6 [du Code du sport]. Le règlement particulier des manifestations soumises à autorisation ou déclaration respecte ces règles techniques et de sécurité".

Pouvoir normatif renforcé pour les fédérations

Anticipant ces changements, Chantal Jouanno, alors ministre des Sports, les avait commentés dans une réponse ministérielle en mai 2011. Selon elle, l'ancien processus d'inscription obligatoire plaçait "les fédérations organisatrices d'événements dans une position de juge et partie, inadaptée au regard du droit de la concurrence", alors que les nouvelles dispositions "n'impactent pas le pouvoir des fédérations sportives en tant que délégataires de service public" : "Les fédérations restent prescriptrices des règles de sécurité qui s'imposent à tout organisateur, mais il n'est plus nécessaire que leurs règlements soient agréés par une autorité ministérielle". Ce qui a été retiré d'une main – le truchement d'une association affiliée et le contrôle des compétitions via l'inscription au calendrier fédéral – a donc été rendu de l'autre – un pouvoir normatif en matière de sécurité renforcé.
L'autre nouveauté du décret du 5 mars touche les manifestations sportives non compétitives et réside dans la mise en place de seuils de participants en deçà desquels l'obligation de déclaration ne s'applique plus. Désormais, seuls les rassemblements non compétitifs prévoyant la circulation groupée de plus de 75 piétons (y compris à roller), 50 cycles ou 25 chevaux doivent faire l'objet d'une déclaration en préfecture.
Enfin, le décret comporte des dispositions de nature pénale destinées à améliorer le respect de la réglementation relative à l'organisation des manifestations sportives sur la voie publique. Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux manifestations sportives se déroulant plus de trois mois après la date de publication du décret du 5 mars 2012, soit à compter du 8 juin 2012.

Jean Damien Lesay

Références : décret n° 2012-312 du 5 mars 2012 relatif aux manifestations sportives sur les voies publiques ou ouvertes à la circulation publique, JO du 7 mars 2012 ; arrêté du 3 mai 2012 relatif aux manifestations sportives sur les voies publiques ou ouvertes à la circulation publique, JO du 8 mai 2012 ; question parlementaire n°103293 de Michel Ménard (député de Loire-Atlantique) du 22 mars 2011, réponse ministérielle publiée au JO AN du 24 mai 2011.