Un cartable de rentrée bien rempli pour les acteurs de l'éducation
La rentrée scolaire va être l'occasion pour les acteurs de l'éducation de mettre ou remettre sur le métier des travaux concernant tous les sujets. Recrutement, AESH et inclusion, bâti, cantine, numérique éducatif et éducation prioritaire : collectivités et ministère vont devoir travailler main dans la main dès septembre.
Une rentrée scolaire de tout repos, cela n'a sans doute jamais existé. Mais l'échéance de septembre 2022 risque de battre des records en termes de sujets à traiter pour les acteurs de l'éducation. Deux ans et demi de crise sanitaire ont mis en lumière des difficultés touchant à des problèmes conjoncturels, comme la communication entre l'État et les collectivités ou la question de l'équipement et de l'aménagement des écoles. Mais les sujets les plus brûlants sont, paradoxalement, des sujets de longue haleine : carences de recrutement, accueil des élèves handicapés, évolution des usages numériques, etc.
Recrutement : faire face à une crise des vocations
Les difficultés de recrutement ne sont pas nouvelles mais semblent s'être amplifiées depuis la crise sanitaire qui a pu entraîner chez certains enseignants une remise en cause des choix de carrière. "La prochaine rentrée intervient dans un contexte délicat de recrutement des professeurs en raison d'une baisse d'attractivité structurelle de certains concours", a reconnu Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale, devant le Sénat le 27 juillet 2022, avant d'ajouter que son ministère avait mis en place des mesures pour assurer "les meilleures conditions de rentrée possibles" par le biais de recrutements sur listes complémentaires, de concours supplémentaires et de recrutements d'enseignants contractuels "qui ne se font pas du tout en quelques instants", a précisé le ministre, par allusion au recours de quelques académies à des "job datings", ou recrutements éclair, à l'issue d'un entretien d'une trentaine de minutes. Il a également affirmé qu'une cellule de rentrée serait active dès le 22 août dans chaque rectorat "pour prévenir et résoudre les dernières difficultés". Mais pour un travail de fond, c'est surtout la concertation à venir avec les enseignants pour évoquer la revalorisation salariale ou repenser les évolutions de carrière qui sera déterminante.
Animateurs périscolaires et AESH : un casse-tête pour les collectivités
La situation des enseignants pourrait être mise en parallèle avec celle des animateurs d'activités périscolaires, et souvent pour les mêmes raisons : niveau de rémunération insuffisant et évolution de carrière floue. Ici, ce sont les besoins en animateurs qui ne sont pas toujours couverts, à la fois pour les temps d’accueil périscolaire du matin et du soir et durant la pause méridienne. Au point que des Assises de l'animation, clôturées le 22 février, ont débouché sur un plan de vingt-cinq mesures et doté de 64 millions d'euros. Ce plan prévoit notamment de faciliter l'accès des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) aux métiers de l’animation périscolaire.
Ce recrutement annoncé d'AESH pour de nouvelles missions intervient alors que le statut de ces derniers constitue un véritable casse-tête. Les 120.000 AESH qui prennent en charge quelque 410.000 enfants sont le plus souvent tiraillés entre deux employeurs – l'État et la collectivité – avec tous les désagréments que cela suppose depuis que le Conseil d'État a décidé que la charge financière sur le temps périscolaire devait reposer exclusivement sur les collectivités. Dès lors, les 4.000 AESH supplémentaires que le ministère annonce pour la rentrée prochaine feront inévitablement peser une nouvelle charge financière sur les collectivités, a fortiori en raison de la volonté de permettre à ceux qui le souhaitent d’aller vers un temps de travail plein. Sur ce thème, "un travail sera mené, en lien avec les collectivités territoriales", a annoncé le ministère de l'Éducation nationale.
Bâti et alimentation : quand la hausse de coûts pèsent
Autres sujets de long terme, ancré dans des réformes sociales de fond : l'adaptation au changement climatique – qui a un impact sur le bâti scolaire – et immédiatement voisine, la question de l'alimentation dans les cantines. Comme si les changements nécessaires ne suffisaient pas, est venue s'agréger une crise économique aux causes diverses et aux conséquences bien concrètes : la hausse des prix – quand ce n'est pas la pénurie – des matériaux de construction pour le bâti, le renchérissement des produits agricoles, et particulièrement des produits de qualité, en ce qui concerne la cantine.
Plus globalement, la question du bâti scolaire a connu un petit bond en avant avec l'accompagnement désormais assumé par le ministère de l'Éducation nationale des collectivités, seules compétentes en la matière. Si une aide à la réflexion et à la décision est désormais disponible, notamment pour les plus petites communes, reste à trouver des moyens financiers pour cet investissement qui représente chaque année plus de 8 milliards d'euros pour les collectivités.
Contrats locaux d'accompagnement : douze nouvelles académies concernées
Autres réformes de fond : la refonte de l'éducation prioritaire et le développement d'expérimentations en tous genres pour sortir des impasses dans lesquelles l'école française est plongée depuis des décennies : la baisse de niveau à l'échelle internationale et l'incapacité à résorber les inégalités sociales. L'idée prédominante ces dernières années est de décloisonner les zones prioritaires, tant sur le plan géographique – en incluant certains territoires ruraux ou des écoles orphelines aux dispositifs accompagnés – que sur le plan institutionnel, en faisant appel à l'écosystème éducatif dans son entier pour accompagner les jeunes à construire leur avenir. Si ce dernier aspect des politiques éducatives a connu une accélération depuis trois ans avec les cités éducatives, l'éducation prioritaire proprement dite est en pleine mue. Les premières évaluations des contrats locaux d'accompagnement (CLA) ont convaincu leurs promoteurs d'élargir l'expérimentation à douze nouvelles académies à la rentrée 2022. À terme, ils devraient remplacer les actuels réseaux d'éducation prioritaire (REP).
Numérique éducatif : former les enseignants et équiper les écoles
Parmi les chantiers lancés depuis de longues années dans l'éducation, on remarque la volonté toujours plus grande de développer le numérique éducatif. Sans savoir trouvé la recette idéale. L'équation, qui prend en compte les besoins en matériel et en programmes ainsi que la formation des enseignants, n'étant toujours pas résolue. Alors que l'année qui vient de s'achever a vu le déploiement du dispositif "territoires numériques éducatifs" (TNE) à dix nouveaux départements et que 1.150 enseignants concernés se verront doter dès la rentrée de 69 nouvelles solutions pédagogiques, lauréates d’un marché public de 25 millions d’euros financé par France 2030, un rapport portant sur ces mêmes TNE récemment mis en ligne et portant sur les deux départements démonstrateurs (Aisne et Val-d’Oise) met en évidence les sentiments "ambivalents" de la communauté éducative sur le sujet : s'il existe "une forte adhésion aux principes fondateurs du programme", elle cohabite avec "une désillusion quant à sa mise en œuvre". Ce rapport fait notamment apparaître des soucis matériels que les collectivités vont être amenées à résoudre : "Plus de 40% des enseignants signalent ainsi un manque d’équipement et plus de 30% soulignent que le matériel déjà installé est souvent obsolète. Il est donc indispensable d’équiper massivement les écoles."
Inclusion scolaire : un effort continu
Quant au dossier de l'inclusion scolaire, il avance. D'un côté, la dernière réunion du Comité national de suivi de l’école inclusive (CNSEI), le 25 juillet, a pu constater que plus de 430.000 élèves en situation de handicap seront accueillis dans les établissements scolaires à la rentrée 2022, un nombre multiplié par trois en moins de quinze ans. D'un autre côté, toujours en septembre prochain, 303 nouveaux dispositifs d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), qui permettent la scolarisation dans le premier et le second degrés d'un petit groupe d'élèves présentant des troubles compatibles, seront créés pour atteindre un total de 10.272. Pour poursuivre cette politique, le ministère de l'Éducation nationale compte notamment "permettre aux acteurs de chaque territoire de trouver une réponse pour que les différents dispositifs répondent à chaque besoin particulier".
Et comme si tous ces dossiers ne suffisaient pas, on suivra également avec attention, dès octobre, les résultats de la deuxième vague de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour l'innovation dans la forme scolaire. Lancé dans le cadre du PIA 4/France 2030 et doté d'un budget total de 250 millions d'euros, cet AMI a déjà permis à plusieurs collectivités de faire valoir leurs projets.