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Commerce - Travail le dimanche : ce qu'il faut retenir du passage à l'Assemblée

Les députés doivent voter ce mardi le projet de loi Macron, après les vifs échanges de ce week-end sur le volet concernant le travail le dimanche. Ils ont notamment introduit une nouvelle procédure de "concertation locale" à l'échelle du Scot pour permettre d'évaluer chaque année l'impact de la loi sur l'équilibre commercial. Quant aux nouvelles zones touristiques internationales, leur délimitation relèvera du gouvernement, sur simple avis du maire.

L'Assemblée nationale est appelée à voter, ce mardi 17 février, l'ensemble du projet de loi Macron, après trois semaines de débats. Les députés ont en effet achevé l'examen du texte désormais baptisé "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", dimanche matin, après s'être penchés, samedi, sur l'un des sujets les plus sensibles : le travail le dimanche. Ils ont ainsi adopté l'article 80 sur les "dimanches du maire" : le nombre possible d'ouvertures dominicales des commerces passe de cinq à douze par an. Jusqu'à cinq dimanches, la décision relève exclusivement du maire mais nécessitera l'"avis conforme" de l'intercommunalité au-delà. La liste doit être arrêtée le 31 décembre pour l'année suivante. Pour rappel, en commission spéciale, les députés avaient assoupli la mesure en rendant facultatifs les douze dimanches, alors que les cinq premiers dimanches étaient obligatoires dans le texte initial. Les salariés seront obligatoirement payés doubles et devront être volontaires.
Les députés ont également ouvert la possibilité pour les mairies d'ouvrir les bibliothèques municipales ces dimanches travaillés. Ils devront soumettre la question au conseil municipal ou, le cas échéant, à l'intercommunalité, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi. La question de l'ouverture des crèches a aussi été évoquée lors des débats, sachant que le travail le dimanche va poser des problèmes de garde.

Zones de dérogation géographiques

Le projet de loi vise aussi à remettre à plat les "dérogations sur fondement géographique", sources de confusions depuis la loi Mallié de 2009. Désormais, il sera possible de travailler 52 dimanches par an dans quatre types de zones : les zones commerciales (succédant aux 41 Puce de la loi Mallié), les zones touristiques (aménagées par rapport aux 620 zones actuelles), les zones touristiques internationales (ZTI) et douze grandes gares touristiques : les six gares parisiennes (Saint-Lazare, gare du Nord, gare de l'Est, Montparnasse, gare de Lyon et Austerlitz), la gare Avignon TGV, la gare de Lyon Part Dieu, la gare de Marseille Saint-Charles, la gare de Bordeaux Saint-Jean, la gare de Montpellier Saint-Roch et la gare de Nice Ville.
A l'inverse des dimanches du maire, pour chacune de ces zones, les compensations seront décidées par accord de branche, d'entreprise ou territorial. Les députés ont rejeté un amendement de la communiste Jacqueline Fraysse (Hauts-de-Seine) qui visait à imposer un plancher équivalent au double de la rémunération. Ces accords devront notamment prévoir des compensations pour la garde d'enfants.
Tout travail le dimanche, qu'il s'agisse du dimanche du maire ou des zones dérogatoires, reposera sur le volontariat (comme c'est déjà le cas pour les Puce). L'employeur devra en outre prévoir "toute mesure nécessaire" pour permettre au salarié d'aller voter les jours de scrutins.

Délimitations des zones

Les zones touristiques et commerciales, marquées par une forte affluence de touristes ou une offre commerciale importante, seront délimitées par le maire ou, après consultation du maire, par le président de l'intercommunalité, si le périmètre de la zone dépasse le territoire communal. L'élu transmet ensuite sa demande, accompagnée d'une étude d'impact, au préfet qui arrête la délimitation de la zone (ou sa modification) dans un délai de six mois.
A noter que les députés ont étendu les zones commerciales aux zones transfrontalières, afin de contrecarrer la concurrence des villes situées de l'autre côté de la frontière où les consommateurs se rendent le dimanche.
Les zones touristiques internationales, elles, seront délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et non "avis conforme" (voir encadré ci-dessous). Les députés ont précisé la définition de ces zones : il s'agit des zones marquées par un "rayonnement international", par "l'affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France" et par "l'importance de leurs achats". Sont concernés certains quartiers de Paris, de Nice, Cannes et Deauville. Les députés ont adopté un amendement prévoyant que le gouvernement remette au Parlement, dans un délai de trois ans, un bilan économique et social de ces ZTI.
Par ailleurs, le travail en soirée (de 21h à 24h) sera autorisé dans les ZTI et dans les 12 gares touristiques, moyennant doublement de salaire et, là encore, sur la base du volontariat. Parmi les autres compensations prévues : la mise en place d'un moyen de transport pris en charge par l'employeur, la prise en charge de la garde d'enfants…

Concertation locale

A noter enfin que les députés ont introduit une procédure de "concertation locale" qui prévoit que, chaque année, dans le périmètre du Scot, le préfet réunira les maires et présidents d'intercommunalité, les associations de commerçants et les partenaires sociaux pour faire le bilan de l'impact du travail le dimanche sur "les équilibres en termes de flux commerciaux et de répartition des commerces de détail sur les territoires". La question de l'impact de ces mesures sur le commerce de proximité a occupé une large partie des débats. Les députés ont d'ailleurs adopté un amendement obligeant les grandes surfaces ouvrant le dimanche matin à majorer de 30% la rémunération de leur salarié. Une mesure censée protéger le petit commerce.
"Les maires des communes rurales déploient en ce moment une énergie et des sommes considérables, à l'échelle de leur commune, pour faire vivre ou créer, avec l'aide de l'Etat, des épiceries, souvent multiservices. L'extension des zones commerciales le dimanche ne va pas dans le sens de l'égalité des chances économiques dans les territoires ruraux", a fait valoir la socialiste Suzanne Tallard (Charente-Maritime). Le sujet a fait voler en éclat le clivage politique traditionnel, le porte-voix des députés UMP Jean-Frédéric Poisson (Yvelines) a ainsi reçu à plusieurs reprises le soutien de Jacqueline Fraysse. Décrié par les "frondeurs" du PS, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a affirmé qu'il "ne cherchait pas des compromis politiques pour rallier des voix". Mais la pique la plus venimeuse est venu de l'UDI Francis Vercamer (Nord), rappelant ces propos tenus par François Hollande 17 avril 2012 à Lille : "Le combat de 2012, c'est de préserver le repos dominical, c'est-à-dire de permettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine à leur famille, au sport, à la culture, à la liberté : j'y veillerai."

Michel Tendil

Zones touristiques internationales : le gouvernement décidera seul
Dans une ambiance parfois tendue, l'Assemblée nationale a finalement adopté, le 14 février, les dispositions de la loi Macron relatives à la création de "zones touristiques internationales" (ZTI) et à la possibilité d'ouverture des commerces douze dimanches par an au lieu de cinq.
Dans les ZTI, les commerces pourront ouvrir tous les dimanches, mais aussi le soir jusqu'à minuit. Contrairement au souhait des frondeurs - mais aussi d'Anne Hidalgo, la maire de Paris -, il appartiendra au gouvernement seul de délimiter ces zones touristiques internationales. Le gouvernement a en effet écarté les amendements qui prévoyaient une création de ces zones sur avis conforme du maire concerné. Emmanuel Macron a donné, en séance, quelques précisions sur ces futures zones. Il devrait s'agir, pour l'essentiel, des Champs-Elysées et de l'avenue Montaigne, de la place Vendôme, d'une partie de la rue Saint-Honoré, d'une partie du quartier Saint-Germain ou encore du boulevard Haussmann. Une concertation devrait s'ouvrir sur une possible extension à d'autres quartiers comme Montmartre ou les Halles. En province, devraient être concernés certains quartiers de Nice, Cannes et Deauville. Anne Hidalgo a aussitôt réagi, en évoquant un "empiètement de l'Etat sur le pouvoir des exécutifs locaux" et un "recul démocratique, à rebours de l'histoire décentralisatrice entamée il y a plus de trente ans".
Jean-Noël Escudié / PCA

 

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