Transports : le Sénat vote des restrictions au droit de grève

Le Sénat a adopté une proposition de loi du centriste Hervé Marseille "visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève". Si elle visait initialement surtout les périodes de vacances ou de grands événements, plusieurs dispositions concernent désormais aussi "la continuité des services publics pour les mobilités du quotidien", avec de nouvelles possibilités pour les autorités organisatrices.

Vacances scolaires, jours fériés mais aussi heures de pointe pour les transports du quotidien... contre l'avis du gouvernement, le Sénat a adopté mardi 9 avril une proposition de loi visant à limiter les grèves dans les transports pendant certaines périodes, suscitant un débat très abrasif à quelques mois des Jeux olympiques.

Mesures nécessaires pour "assurer la continuité du service", ou "attaques délibérées contre le droit de grève" ? Les clivages ont été ravivés entre la gauche, farouchement opposée au texte, et la majorité sénatoriale de la droite et du centre, parvenue sans surprise à le faire adopter par 211 voix contre 112.

"Trop, c'est trop. Nos concitoyens n'en peuvent plus", a lancé le chef des sénateurs centristes Hervé Marseille, auteur de cette proposition de loi déposée en février, alors qu'au moins 150.000 voyageurs avaient vu leur départ en vacances perturbé par une mobilisation des contrôleurs de la SNCF. "Face aux excès", il faut "rétablir un équilibre entre droit de grève et continuité du service", a-t-il ajouté.

Le texte du patron de l'UDI octroie au gouvernement un quota de 30 jours par an durant lesquels les "personnels des services publics de transports" - excepté le secteur aérien - seraient privés de leur droit de grève, avec une limite de 7 jours d'affilée par période d'interdiction. Ces jours sanctuarisés ne concerneraient que certaines périodes : vacances scolaires, jours fériés, élections et référendums ainsi que des événements "d'importance majeure", comme les JO.

Mais suite à des amendements adoptés en commission, la portée de la proposition de loi a été sensiblement élargie au-delà des journées de grands départs et d'événements pour y inclure explicitement "la continuité des services publics pour les mobilités du quotidien". "Les usagers empruntant chaque jour les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail, et a fortiori ceux qui ne peuvent pas télétravailler, sont en effet ceux qui pâtissent le plus des conséquences des grèves", s'était justifié Philippe Tabarot dans son rapport établi pour la commission de l'aménagement du territoire.

Un nouvel article précise ainsi que "le niveau minimal de service, qui doit être défini par l'autorité organisatrice de transports en application de l'article L. 1222-3 du code des transports, et qui doit correspondre à la couverture des besoins essentiels de la population, prend notamment en compte les heures de pointe".

Le texte prévoit aussi désormais d'allonger le délai de déclaration des grévistes de 48 à 72 heures, les sénateurs ayant là encore estimé que "le droit actuel n'assure pas une protection adéquate des mobilités du quotidien, et notamment des trajets domicile-travail". Il ouvre en outre la possibilité aux autorités organisatrices d'enjoindre aux entreprises de transport de "réquisitionner les personnels indispensables pour assurer le niveau minimal de service lorsqu'il n'est pas observé trois jours de suite".

La proposition de loi inclut également un dispositif de caducité de certains préavis non suivis d'effet, pour lutter contre les "préavis dormants" qui courent parfois pendant plusieurs mois. Autre mesure votée : celle qui impose aux salariés souhaitant faire la grève de rejoindre le mouvement dès le début de leur service et non en cours de journée. Une manière de lutter contre les "grèves de 59 minutes", moins coûteuses pour le salarié mais sources selon la droite d'une grande désorganisation.

Le ministre des Transports, Patrice Vergriete, s'est opposé au texte, questionnant sa conformité avec la Constitution et refusant de "monter les Français les uns contre les autres, ceux qui ont les moyens de partir en vacances contre ceux qui se lèvent tous les matins pour aller au travail". Cette position risque de compliquer les chances d'une inscription du texte à l'Assemblée nationale à court terme. Certains membres de la majorité présidentielle ont néanmoins voté pour.

L'ensemble de la gauche s'est opposée en bloc à ce texte, sans succès. "À trois mois des JO, c'est une provocation qui risque de mettre le feu aux poudres dans un contexte de grave crise sociale", s'est inquiétée la communiste Marie-Claude Varaillas.

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis