Transmission d'entreprises : un risque de "dévitalisation" de certains territoires
Avec environ 60.000 transmissions d'entreprises chaque année, certains territoires risquent de se dévitaliser faute de repreneurs, alertent deux sénateurs dans une proposition de loi qui vise à toiletter les dispositifs existants. Le sujet sera prochainement au menu du projet de loi Pacte.
L'âge moyen des dirigeants d’entreprise pose un véritable problème pour l’avenir économique de certains territoires. En effet, 20% des dirigeants de PME sont âgés de plus de 60 ans et plus de 60% des dirigeants d'ETI ont au moins 55 ans. "Une période délicate s'ouvre donc pour l'économie française, puisque le risque sous-jacent est celui de la dévitalisation de certains territoires, touchés par des fermetures, des délocalisations et des pertes d'emplois indirects", alertent deux sénateurs dans une proposition de loi présentée le 14 mars, Claude Nougein (LR, Corrèze) et Michel Vaspart (LR, Côte d’Armor). A quelques semaines de la présentation du projet de loi Pacte qui comportera une série de mesures sur la transmission, les deux sénateurs - auteurs d’un rapport rédigé l’an dernier - s’invitent dans le débat. Dans leur rapport ils pointaient clairement l’enjeu : "Ces entreprises ne trouvent pas toujours repreneurs et lorsqu’elles en trouvent ceux-ci peuvent être tentés d’opérer des économies d’échelle en opérant des fusions voire de réduire la masse salariale en délocalisant."
Environ 60.000 transmissions par an
Pour les sénateurs, il faut commencer par doter les pouvoirs publics de données fiables sur l’ampleur du phénomène qui n’est plus officiellement comptabilisé depuis 2006. On estime à environ 60.000 transmissions par an, indiquaient-ils dans leur rapport, mais "sans aucune précision". La proposition de loi charge ainsi l’Insee de recenser à nouveau toutes les cessions et les cessations, en lien avec l’évolution de l’emploi dans les territoires.
Les sénateurs veulent aussi "dynamiser le financement de la transmission", notamment de la transmission familiale. Ils entendent ainsi moderniser le "pacte Dutreil", un dispositif "efficace" qui permet de diminuer de 75% les droits de succession dans une entreprise familiale, en contrepartie les successeurs doivent s’engager à maintenir les titres pendant une durée totale de six ans et conserver la direction de l’entreprise pendant trois ans. Ceci afin d’assurer la stabilité de l’entreprise pendant la période délicate de la passation. Les sénateurs proposent de faire passer le taux d'exonération à 90%, en contrepartie d'un allongement de la durée d’engagement à huit ans (un taux de 100% exposerait à un risque d'inconstitutionnalité, considèrent-ils). Mais dans le même temps, ils souhaitent assouplir le maintien des titres. "Cette contrainte est très forte car elle conduit à 'geler' l'organigramme des groupes pendant toute la durée des engagements, alors qu'il est essentiel qu'ils puissent évoluer pour tenir compte de leur environnement économique", expliquent-ils.
Le texte élargit par ailleurs aux PME et ETI l'échelonnement de l'impôt sur les plus-values de cession aujourd’hui réservé aux entreprises de moins de 10 salariés. Seul un seuil de 10 millions de chiffre d'affaires serait alors pris en compte.
Les sénateurs veulent aussi revenir sur l’une des dispositions de la loi Hamon qui obligeait les dirigeants d’une entreprise à informer les salariés de leurs projets de cession pour envisager une reprise interne. "Les très nombreuses critiques de ce dispositif ont souligné le caractère inopérant de cette obligation d'information préalable des salariés en cas de cession, notamment en raison d'un délai à la fois trop court pour permettre aux salariés de s'organiser et suffisamment long pour fragiliser l'entreprise qui devient ainsi vulnérable aux yeux des clients et des fournisseurs."
Référence : proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise, présentée par Claude Nougein et Michel Vaspart.