Tous les achats d’armes ne sont pas des marchés publics de défense et sécurité
Dans un arrêt du 18 décembre 2019, le Conseil d’Etat a tranché une affaire relative aux conséquences de la qualification d’un marché de défense et de sécurité en cas de référé précontractuel. L’occasion de rappeler qu’un achat d’armes ne bénéficie pas automatiquement du régime dérogatoire des marchés de défense et de sécurité. Les polices municipales peuvent être concernées.
En l’espèce, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer du ministère de la Transition écologique et solidaire avait lancé une procédure pour la passation d’un accord-cadre mono-attributaire à bons de commandes portant sur la fourniture de pistolets. La veille de la date limite de remise des offres, la société Sunrock a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif (TA) de Cergy-Pontoise. Estimant que la rédaction des spécifications techniques l’empêchait de se porter utilement candidate, la société Sunrock a demandé au TA d’annuler la procédure en cours. Ce dernier ayant fait droit à cette demande, la ministre de la Transition écologique et solidaire a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.
Selon la ministre, le TA n’était pas compétent pour annuler la procédure. En effet, l’article L. 551-2 du code de justice administrative restreint les pouvoirs du juge du référé précontractuel qui, dans le cadre d’un marché de sécurité ou de défense, "ne peut pas annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat".
Dès lors, pour savoir si le TA était bien compétent pour annuler la procédure, le Conseil d’Etat a dû déterminer si le marché en litige était un marché public ordinaire ou bien un marché de défense et de sécurité. S’appuyant sur la directive européenne du 13 juillet 2009, les juges de cassation ont rappelé que les marchés de défense et de sécurité concernaient uniquement les fournitures militaires, également qualifiées de "matériel de guerre" ainsi que les "équipements sensibles", "nécessitant ou comportant des informations classifiées". Dans le marché en cause, les armes étaient destinées à équiper la police des mers, sans aucun but militaire. Le marché ne pouvait donc pas être considéré comme un marché de défense et de sécurité.
Dès lors, le TA était tout à fait compétent pour annuler la procédure en cause. Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi de la ministre.
Cette jurisprudence est également l’occasion de rappeler aux communes qui voudraient équiper leur police municipale que de tels achats d’armes ne permettent pas de bénéficier du régime dérogatoire applicable aux marchés de défense et de sécurité.
Référence : CE, 18 décembre 2019, 431696