Territoires zéro chômeur : le comité scientifique confirme l'amélioration du parcours d'emploi et du bien-être des bénéficiaires
Selon l'évaluation finale du comité scientifique désigné par le ministère du Travail, l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée triple les chances d'être en CDI pour les personnes concernées et a un impact positif global sur leur vie (santé, relations sociales, etc.). Les "externalités territoriales" du projet n'apparaissent en revanche pas encore de façon nette. Le comité scientifique salue la capacité des entreprises à but d'emploi à s'adapter, mais alerte sur certaines difficultés dont l'essoufflement de certains comités locaux de l'emploi.
"En l'absence d'expérimentation seul un salarié sur trois serait en emploi durable." C'est l'une des conclusions du rapport final d'évaluation de l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) du comité scientifique institué par le ministère du Travail. Ce dernier l'a rendu public le 9 avril 2021, après le rapport intermédiaire de novembre 2019 (voir notre article du 26 novembre 2019). La publication de ce rapport intervient donc après le vote de la deuxième loi ayant autorisé le déploiement d'une seconde étape de l'expérimentation, avec un prolongement de cinq ans pour les dix premiers territoires et un démarrage dans au moins 50 nouveaux territoires (voir notre article du 1er décembre 2020).
Sans l'expérimentation, 56% des personnes auraient été en emploi et un tiers en CDI
L'évaluation qui vient d'être publiée a donc trait aux cinq dernières années. Après l'adoption de la première loi d'expérimentation en février 2016 puis la désignation des dix territoires autorisés à mettre en œuvre la démarche (voir nos articles de mars et novembre 2016), l'expérimentation avait pu officiellement démarrer. Avec plusieurs objectifs : embaucher en CDI et de façon "exhaustive" l'ensemble des "personnes privées durablement d'emploi" sur un territoire donné, proposer à ces personnes de travailler sur des activités utiles au territoire mais "non-concurrentes avec le tissu économique local" et, enfin, financer l'expérimentation en "activant les dépenses passives" liées à l'absence d'emploi (prestations sociales et coûts induits).
Cinq ans plus tard, le comité scientifique estime que les entreprises à but d'emploi (EBE) ont bien "contribué à améliorer la trajectoire en emploi, et plus largement le bien être, des bénéficiaires de l'expérimentation (santé, insertion sociale, confiance en soi, etc.)". Sur la base d'une analyse contrefactuelle – comparaison avec des territoires témoins -, il est ainsi établi que les salariés des EBE "n'auraient été que 55,9% à être en emploi et à peine plus d'un tiers en CDI, en l'absence de l'expérimentation". Tout en soulignant le rôle "probablement majeur" du CDI "dans cette dynamique d'amélioration" grâce au "sentiment de sécurité professionnelle et financière qu'il confère", le comité note que, "dans une logique d'efficience des dispositifs publics, cet effet positif sur l'emploi doit encore être comparé avec celui induit par d'autres dispositifs d'insertion professionnelle (contrats aidés, insertion par l'activité économique notamment)".
Pas d'effet significatif dans les perceptions des habitants des territoires concernés
À l'échelle du territoire, l'impact serait toutefois moins net. "Les externalités territoriales existent peut-être à un niveau très fin, mais apparaissent à ce stade trop limitées pour avoir un effet réellement significatif", conclut le comité. Ce dernier observe que les activités réalisées par les salariés des EBE étaient auparavant, sur certains territoires, "réservées à des titulaires de contrats aidés". Ailleurs, "une collaboration efficace" a pu être nouée avec les entreprises de l'insertion par l'activité économique (voir à ce sujet notre article de décembre 2019). Cependant, "aucun effet significatif ne semble ressortir dans les perceptions des résidents des territoires expérimentaux telles que recueillies dans l'enquête statistique".
Surtout, le comité scientifique déplore "l'affaiblissement du rôle des comités locaux de l'emploi sur certains territoires", susceptible de "fragiliser la légitimité et le développement des EBE dans leurs contextes locaux". "Un engagement financier des collectivités territoriales doit permettre d'assurer une implication de ces acteurs sur la durée", insiste-t-il.
Une "consolidation progressive" du modèle économique des entreprises à but d'emploi
Si le comité scientifique ne revient pas sur le pari de "l'activation des dépenses passives", il souligne des progrès des EBE, notamment en matière d'organisation et d'adaptation aux contraintes et au contexte auxquels elles font face. Le modèle économique de ces entreprises particulières "montre des signes de consolidation progressive et résiste à la crise sanitaire", salue-t-il. En revanche, le comité observe une difficile mise en œuvre du caractère de "non-concurrence" sur le terrain, "de plus en plus négocié directement par [l'EBE] au cas par cas avec ses partenaires locaux". Pour atteindre des objectifs apparemment difficilement conciliables – "donner du travail à toutes les personnes privées d'emploi, non concurrence, impératif de dégager des résultats financiers" -, les EBE sont contraintes d'ajuster tant bien mal le "modèle initial". Le comité scientifique estime que certaines évolutions sont positives - professionnalisation des équipes encadrantes et structuration du management – mais appelle à la vigilance sur la nécessité de continuer à recentrer les embauches vers les personnes les plus éloignées de l'emploi.