Territoires d'industrie : les premières initiatives d'écologie industrielle passées au crible
L'ADCF a analysé dans une note publiée en décembre 2019 les 80 premières fiches actions portées par les intercommunalités du programme Territoires d'industrie consacrées à l'écologie industrielle et territoriale. Au programme : des actions pour accompagner les industriels dans le développement de solutions innovantes, les aider à optimiser leur flux de matériaux et de déchets, et activer la commande publique.
Après les friches commerciales, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) s'intéresse aux démarches d'écologie industrielle et territoriale. Dans une note publiée en décembre 2019, elle analyse les 80 premières fiches actions sur le sujet portées par les intercommunalités du programme Territoires d'industrie. Car la transition écologique constitue une des cinq thématiques du dispositif, avec le recrutement, l'attractivité, l'innovation, la simplification des démarches administratives. Les intercommunalités jouent aussi un rôle central : elles animent localement le dispositif, en binôme avec un industriel, tandis que les régions pilotent l'ensemble.
"Les collectivités locales ont une responsabilité majeure dans la résilience des territoires face aux changements environnementaux, signale la note, 15% des émissions de gaz à effet de serre sont directement issues des décisions prises par les collectivités territoriales." Et cela en matière de bâtiment, d'éclairage public, de flotte de véhicules, mais aussi d'aménagement, d'urbanisme, de transports, de déchets, ou d'énergie… Le chiffre monte à 50% si on intègre les effets indirects de leurs orientations en matière d'habitat, d'aménagement et de transport. Les actions des collectivités auprès des entreprises à travers la commande publique, de mise en place de projets de mutualisation et d'optimisation de ressources et de flux, et d'accompagnement de leurs démarches (financier, réglementaire, technique) peuvent aussi payer. Des leviers importants que les intercommunalités du programme Territoires d'industrie tentent d'activer.
"Franchir un cap technique"
"Il s'agit de franchir un cap technique, explique Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF, et les initiatives des intercommunalités sont nombreuses : elles accompagnent les industriels dans le développement de solutions innovantes, moins consommatrices d'énergie et produisant moins de CO2, avec par exemple la production et le stockage d'un hydrogène vert, elles les aident à optimiser leur flux de matériaux et de déchets, à favoriser une économie circulaire… Dans ces démarches, les industriels ont besoin d'un tiers de confiance, des jeux gagnants-gagnants peuvent se mettre en place grâce à l'intervention des collectivités." Sans compter que les intercommunalités ont récupéré les compétences en matière d'eau et assainissement, qui sont au cœur des actions d'écologie industrielle, avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) de 2015 (même si depuis le 1er janvier, les modalités de ce transfert ont subi quelques aménagements avec la loi Engagement et proximité).
Parmi les initiatives identifiées : le fonds de garantie que la métropole Aix-Marseille-Provence souhaite mettre en place pour les investissements lourds liés au déploiement des filières décarbonées, le projet éco-énergétique du pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Pays Thur Doller (Haut-Rhin) visant à créer un pilote industriel de méthanisation pour valoriser l'hydrogène résiduel, ou encore le soutien à la création d'une filière industrielle de Bio intrants, par la communauté urbaine du Grand Reims, pour associer développement des modèles d'agriculture durable et soutien aux industries locales de la bio économie. Ce projet (Innobioeco2 – Triangle marnais) est réalisé dans le cadre de l'appel à projet Territoires d'Innovation. Il prévoit l'identification et le financement d'actions visant à transformer le secteur agricole local dans cette perspective, à partir d'un capital total de 20 millions d'euros. La démarche doit aboutir au développement d'une ferme pilote (démonstrateur Terralab) pour l'agriculture multifonctionnelle et la production de carbone renouvelable.
Plusieurs programmes, une seule stratégie ?
Autre exemple, mené par plusieurs collectivités (Grand Annecy, Métropole de Nice Côte d'Azur et communauté de communes de la Haute-Bigorre) : la mise en place de plans de mobilité partagée entreprise-employeurs à l'échelle des différents bassins de vie. La communauté de communes de la Haute-Bigorre a quant à elle prévu la création d'une plateforme numérique et digitale de mobilité permettant de référencer toutes les offres et initiatives de mobilité partagée possibles (transport collectif urbain, offre ferroviaire, modes doux, covoiturage, autostop participatif…).
D'autres collectivités, comme la communauté de communes du Grand Charolais, décident de soutenir les filières bois (construction en bois, bâtiments durables, matériaux biosourcés, filière sèche) ou d'utiliser la commande publique. La communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées installe ainsi sur ses bâtiments publics 500 mètres de panneaux photovoltaïques à partir de matière organique en partenariat avec une entreprise française, ARMOR. Une ligne de production expérimentale qui doit permettre de favoriser des travaux de recherche et développement.
La note pose aussi la question de la mise en cohérence des différents programmes à disposition des collectivités. "De nombreuses intercommunalités croisent les programmes Territoires d'industrie et les Contrats de transition écologique (CTE) dans une même stratégie de soutien de croissance verte", indique le document, citant l'exemple de la communauté de communes du Grand Dôle qui articule ces deux contrats autour d'un même projet de développement centré sur l'économie circulaire et l'énergie hydrogène. Un rapprochement des différentes contractualisations permettant l'émergence de stratégies transversales de développement bas carbone, ensuite mises en œuvre par des structures et des périmètres de gouvernance locale souples.
Retour sur les Territoires d'industrie : bientôt une évaluation
Un an après le lancement des Territoires d'industrie, une évaluation devrait être menée par Bpifrance. Mais d'ores et déjà, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) met en avant les effets positifs du dispositif : un effet de reconnaissance des initiatives prises dans les territoires et la mise en avant d'une cartographie des spécificités de ces territoires et de leur savoir-faire.
A l'heure actuelle, 146 territoires sont labellisés, vers lesquels plus de 1,3 milliard d'euros doivent être prioritairement orientés. Et toutes les régions ont signé leur contrat de territoire d'industrie, même celles, à l'image de la Bretagne, qui n'étaient pas initialement partantes. "Les territoires apprennent à se connaître, cela crée aussi des rapprochements entre industriels et élus locaux", précise Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF. Mais le programme mobilise-t-il des moyens financiers nouveaux que les territoires n'auraient pas eus autrement ? La question reste encore sans réponse. "Il va falloir aussi voir si de nouvelles actions ont été déclenchées, estime le responsable de l'ADCF, car il ne faut pas décevoir et que le dispositif se réduise à une labellisation médiatique."