Saint-Denis de la Réunion met en place 44 comités d’actions citoyennes (97)

« C’est parce que nous avions mené des expériences positives de projets coconstruits avec les habitants lors de notre premier mandat, que nous avons souhaité nous engager plus résolument dans la participation citoyenne, explique Brigitte Adame, 2e adjointe à la mairie de Saint-Denis, chargée de la coordination des comités d’actions citoyennes (CAC), de l’éducation populaire et de la vie associative. « lors de ces expériences, les habitants avaient proposé un skate park et un parc de street workout & parkour à Champ Fleuri, et un centre social coconstruit dans un quartier prioritaire. Ce sont des projets qui leur ressemblent, dont ils sont fiers, et qui ne sont pas dégradés. »

Capitaliser sur la solidarité spontanée

Forte de cette expérience, la nouvelle équipe municipale élue en 2020 a cherché à développer des projets impulsés par les habitants à travers la création de Comités d’actions citoyennes. « C’est aussi parce qu’à l’époque du Covid, nous avons vu naître ici et là des initiatives d’habitants en pied d’immeuble, notamment des jardins où ils cultivaient des fleurs, mais aussi des plantes médicinales, des aubergines, des piments et des fruits locaux. Cela montrait un besoin de reprendre contact avec la terre et de retrouver du lien social, de réfléchir ensemble et surtout de partager. » A Saint-Denis de la Réunion, la notion de solidarité n’est pas un vain mot. En 2021 un violent incendie détruit un immeuble et fait cinq victimes. « Les gens ont démontré une solidarité extraordinaire, spontanée et immédiate », se souvient l’élue.

Mais comment stimuler et surtout organiser des actions de ce type dans une ville aussi vaste que Saint-Denis ? Avec ses 153 000 habitants, dispersés dans vingt quartiers, dont certains sont peuplés de 15 000 à 20 000 habitants, il est difficile pour la municipalité de mettre en place un tel élan collectif. « Un des fils conducteurs de Madame Ericka Bareigts, la maire de Saint-Denis, est l’hyper proximité. La ville de Saint-Denis est découpée en 20 quartiers, qui bénéficient chacun d’un élu et d’une mairie annexe, avec un responsable mairie et des équipes de territoire.  Son équipe de mandat est composée de 44 élus, dont les 20 élus de quartier et des élus thématiques, avec la volonté que chaque élu soit présent sur le terrain auprès des habitants. C’est ainsi que chacun des 44 élus siège dans un conseil d’école parmi les 44 groupes scolaires du chef-lieu. D’où le découpage en 44 comités d’action citoyenne, qui permet de travailler à l’échelle de micros quartiers, en prenant en compte tous les acteurs du périmètre, à commencer par le groupe scolaire. Chaque élu est facilitateur dans la mise en place d’un CAC. »

Culture, cadre de vie, et solidarité

Les quatre premiers CAC ont été expérimentés fin 2020. De l’expérimentation est ressortie un échéancier pour la mise en place d’un CAC, en commençant par une étape de préfiguration en interne, puis une étape de communication de proximité, suivie de la constitution du CAC et enfin la mise en œuvre de la première action. L’expérimentation s’est terminée par une évaluation. Le test s’étant révélé concluant, une délibération en conseil municipal a créé officiellement les 44 CAC, qui sont dotés chacun d’un budget annuel de 7 000 €. Les comités ont commencé à se monter progressivement : 10 fin 2021, 16 début 2022, encore 13 fin 2022. L’objectif pour la mairie étant de finaliser l’ensemble d’ici la fin 2023. Et de surmonter la première difficulté qui consiste à identifier des candidats et de faire connaître le projet, et surtout le sens du projet. Trois thématiques fortes sont mises en avant : la culture, le cadre de vie, et la solidarité. A noter que Saint-Denis a été lauréate 1* (une étoile sur 3) en 2021 des trophées de la participation et de la concertation du think tank Décider Ensemble.

La communication de proximité est réalisée, à pied, par les responsables des quartiers qui vont à la rencontre des acteurs locaux, des volontaires et de ceux qui sont déjà actifs dans des associations : « Il faut trouver des personnes qui ont le sens de l’intérêt général et qui sont prêtes à s’investir bénévolement. L’esprit d'équipe doit primer sur les velléités individuelles », renchérit Agnès Haméon, directrice de la promotion citoyenne et des CAC à la commune de Saint-Denis. Les candidats sont souvent des personnes retraitées, on note également la présence d’un grand nombre de personnes âgées de plus de 40 ans, mais aussi des représentants des écoles (directeur, parent d’élève). Des entreprises ou des employés qui travaillent dans le quartier sont également venus rejoindre les CAC.

Souplesse et bienveillance

Agnès Haméon le reconnaît : « il faut se réinventer, travailler avec le numérique, avec WhatsApp, et être très présent. » Une des règles proposées est de ne pas demander aux volontaires d’engagement dans le temps long, d’ouvrir au turn over. Il s’agit de laisser la possibilité à d’autres de s’engager, afin que les participants ne s’épuisent pas sur le long terme. « Parfois, après avoir mené un projet les gens s’en vont, et d’autres arrivent. »

La direction de la promotion citoyenne et des comités d'action citoyenne compte 6 chargés de projets, qui animent chacun 7 à 8 CAC. Ils travaillent en collaboration étroite avec d’autres dispositifs, tels que le Budget Participatif, ou encore les Conseils Citoyens.

Des actions qui ressemblent aux habitants

39 actions ont été réalisées par les membres des CAC au cours de l’année 2022. La nature des propositions est aussi diverse que le sont les quartiers et la population de Saint-Denis : fêtes, projections de films, journées bien-être et ateliers, jardinage et ateliers pour les enfants… Par exemple, le quartier de la Montagne 15e est très éloigné du centre-ville, c’est un village haut perché accessible par une route en lacets ; ici une grande fête a rassemblé les agriculteurs locaux venus vendre miel, fruits et légumes, des artisans et des artistes qui sont venus jouer de la musique et chanter. Les habitants des quartiers d’Eudoxie Nonge et Domenjod ont souhaité valoriser leur histoire, depuis les années quatre-vingt à l’époque des cases en tôle organisées autour de cours, aux immeubles en béton d’aujourd’hui. Dans le centre-ville, c’est une grande chasse au trésor qui a été organisée. « Aujourd’hui, certains groupes ont encore besoin de la mairie pour faire ensemble, mais notre objectif est que des citoyens soient bientôt capables de faire des choses seuls », souhaite l’élue. Pour y parvenir, il reste néanmoins du chemin à parcourir : « Il faut que les gens apprennent à partager le temps de parole, à se taire pour écouter, dans la bienveillance. Certains, y compris des élus, ont tendance à monopoliser le temps de parole. Nous faisons de la formation pour cela, car nous sommes des humains qui vivons des émotions, et il est important de considérer chaque individu dans sa diversité, ce qui n’est pas toujours facile. Il faut que chaque citoyen puisse s’exprimer sans être sans cesse interrompu, afin que chacun trouve sa place ».