RSA conditionnel : des départements candidats mais pas à "n’importe quel prix"

Lors d’une table-ronde consacrée à la réforme France Travail, organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) le 25 novembre, le président de la Somme, département candidat à l’expérimentation du RSA conditionnel, a expliqué ses motivations.

D’accord pour expérimenter le RSA conditionnel mais pas dans n’importe quel cadre : c’est en substance ce qu’a déclaré Stéphane Haussoulier, président (DVD) du conseil départemental de la Somme, lors d’une table-ronde organisée le 25 novembre 2022 par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, cette expérimentation, prévue pour une durée de douze mois, s’inscrit dans le cadre du chantier de France Travail, qui vise à réorganiser le service public de l’emploi et doit se déployer à partir de début 2023. Si l’exécutif n’a pas encore dévoilé la liste des 10 départements retenus, 43 se sont portés candidats pour cette expérimentation qui doit démarrer le 1er janvier 2023 et qui consiste à conditionner le versement du revenu de solidarité active en contrepartie de la réalisation d’une activité de 15 à 20 heures par semaine au profit d'entreprises, de collectivités ou pour de la formation.

Le volontariat, "point de blocage"

"Je ne suis pas candidat à n’importe quel prix", a donc prévenu Stéphane Haussoulier, expliquant qu’il ne voyait pas l’intérêt que cette expérimentation se fasse sur la base du volontariat des allocataires, comme cela est prévu par le ministère du Travail, jugeant que cette question représentait "un point de blocage" pour lui. "Je l’ai dit au ministre et à Thibaut Guilluy [haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, chargé de la mission de préfiguration de France Travail, ndlr]", a poursuivi l’élu, indiquant avoir échangé sur ce sujet avec d’autres présidents de départements, qui seraient sur la même ligne : "Le gouvernement peut avoir son idée et nous la nôtre. Le dialogue ce n’est pas accepter un diktat d’expérimentation auquel nous ne croyons pas. Nous avons prévu avec les départements candidats à l’expérimentation de ne pas y aller en ordre dispersé."

Autre point soulevé par le président du département de la Somme : la question du financement. S’il s’est dit "agréablement surpris" par l’ampleur des moyens que l’État envisage de mettre sur la table pour cette expérimentation, il sera nécessaire que ceux-ci soient pérennisés en cas de généralisation : "l’expérimentation n’a d’intérêt que si demain on est capable de dupliquer ce qui aura été fait dans la Somme, le Doubs ou l’Ardèche".

Distinguer gouvernance stratégique et coordination opérationnelle

Alors que la mission de préfiguration de France Travail se poursuit jusqu’au 15 décembre, cette table-ronde a également été l’occasion de savoir comment les différents acteurs étaient associés à cette réforme dont les contours restent encore assez flous, notamment en matière de gouvernance. "Il faut distinguer la gouvernance stratégique, politique, et la coordination opérationnelle, a souligné Hélène Ibanez, ancienne conseillère Pôle emploi et actuelle secrétaire générale de la CFDT Protection sociale Travail Emploi. C’est particulièrement vrai s’agissant de Pôle emploi qui à notre sens ne doit pas être partie prenante de la gouvernance. C’est un opérateur d’État qui doit être dans le système de coordination opérationnelle que nous envisageons plutôt sur le modèle du SPIE [service public de l’insertion et de l’emploi] qui permet aux différentes structures de se mettre autour de la table, de se poser et de faire un point d’étape régulier sur la façon dont on oriente le bénéficiaire".

Sur la partie gouvernance stratégique et politique, alors que les régions souhaiteraient coordonner l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi, Stéphane Haussoulier a estimé que "tous ceux qui mobilisent des moyens importants doivent être à la table des discussions", qu’il s’agisse des régions mais aussi des départements. "Nous sommes d’accord, mais il faut maintenir une gouvernance et une politique nationale sur les questions d’emploi, a pour sa part signalé Hélène Ibanez. S’agissant de la formation des demandeurs d’emploi, il y aurait effectivement probablement intérêt à repenser une gouvernance politique en régions mais à laquelle les partenaires sociaux doivent être partie prenante."

La représentante de la CFDT a également fait part du besoin, dans le cadre de la coordination opérationnelle, de créer une culture commune entre les professionnels du service public de l’emploi. "Généralement là où cela se passe bien, c’est quand les conseillers Pôle emploi, des missions locales, etc. se connaissent, échangent, créent des synergies." Autre nécessité selon elle : revaloriser et créer des vraies certifications des professionnels de l’accompagnement. Hélène Ibanez a par ailleurs évoqué les "craintes très présentes chez les professionnels de l’accompagnement" vis-à-vis de la réforme France Travail, véhiculant une "vision très libérale non pas du travail mais du chômage". "Il y a une vraie hétérogénéité des publics accompagnés, on ne peut pas créer un modèle", a-t-elle ajouté, pointant que les difficultés de recrutement étaient plus complexes que ce qu’il ne paraît.