Révision constitutionnelle : Gérard Larcher livre ses desiderata mais mise sur le dialogue
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a livré ce mercredi 24 janvier 40 propositions pour une révision constitutionnelle "utile", confirmant plusieurs points durs mais disant miser sur le "dialogue", notamment avec l'exécutif.
Lors de ses voeux devant l'Association des journalistes parlementaires (AJP), l'élu des Yvelines, qui a déclaré s'être entretenu "assez longuement"
avec Emmanuel Macron mardi, a prévenu qu'"une réforme qui ne se résumerait qu'à un 'artifice' politique sans lendemain, ou qui affaiblirait le Parlement, serait contraire à ses principes".
A ses yeux, il est possible d'être "plus proche des préoccupations de nos concitoyens sans céder à une vague d'antiparlementarisme ou de populisme".
En référence à deux mesures phares souhaitées par le président de la République mais constituant des lignes rouges au Sénat, à majorité de droite, il a ainsi martelé que "ni la réduction du nombre de parlementaires, ni l'interdiction du cumul dans le temps, ne résoudront la crise politique". Il considère notamment que la limitation du cumul des mandats des élus locaux dans le temps n’est "pas acceptable" en ce qu'elle "porte atteinte à la liberté de choix des électeurs".
Se posant en défenseur du "lien du parlementaire avec le territoire", le président de la Chambre Haute a jugé "indispensable" d'avoir "un député et un sénateur par département", sans nier "la notion de démographie". "Le département n'est pas la nostalgie d'une organisation post-révolutionnaire", a-t-il insisté.
Sur la révision constitutionnelle, "j'ai plutôt envie de faire fructifier le dialogue, mais il y a des points sur lesquels ma position est ferme", a-t-il résumé, glissant que "nous ne connaissons pas les positions du gouvernement" attendues dans les prochaines semaines.
"Rien ne me laisse croire, hormis des rumeurs, que le président de la République serait tenté d'utiliser une procédure" de référendum, a-t-il ajouté.
Sur l'introduction éventuelle d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés, Gérard Larcher a considéré qu'"elle ne peut être que minoritaire", refusant le niveau souhaité par son homologue de l'Assemblée, François de Rugy.
"25 à 30%, c'est trop, mais je ne vais pas vous dévoiler mes batteries" sur le niveau précis d'un éventuel compromis, a-t-il ajouté.
Le président du Sénat a également rejeté toute inscription du mode de scrutin dans la Constitution, jugeant que cela reviendrait à "se priver d'un outil" en cas de crise.
Sur la réforme du travail parlementaire, que la majorité souhaite accélérer, il a estimé que "c'est tout au long de la chaîne de fabrication de loi qu'il faut trouver des marges de progressions", mais sans "sacrifier la loi à la célérité" ni affecter le bicamérisme.
Il a ainsi refusé qu'en cas d'échec des députés et sénateurs à s'accorder sur un texte de compromis en commission mixte paritaire, le gouvernement donne la main directement à l'Assemblée.
Convaincu que l'exécutif est aussi "responsable du désordre législatif", il a par exemple défendu un délai limite pour le dépôt des amendements du gouvernement ou un temps de parole encadré dans l'hémicycle. Le corpus de propositions présenté par le président du Sénat comprend en outre un volet intitulé "assurer la représentation équilibrée des territoires lors des élections locales", dans lequel il est proposé : d'’introduire la notion de territoire dans la Constitution', de "permettre un écart de représentation par rapport à la population moyenne de la collectivité concernée de 30% (et non plus 20%) ; de "maintenir la possibilité de déroger à ce seuil pour des motifs d’intérêt général". Le terrain financier est également abordé. Il s'agirait d'introduire dans la Constitution la nécessité d'une compensation financière y compris lors de l'extension ou de la modification des conditions d'exercice d'une compétence (et pas uniquement lors du transfert d'une compétence). Mais aussi de renforcer "les garanties d'autonomie financière et fiscale des collectivités".
Les propositions du Sénat
Les principales propositions du groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle.
Élections
- Pouvoir débattre du nombre de sièges de parlementaires à supprimer qui "n'est pas la condition d'un meilleur fonctionnement démocratique".
- Maintien de l'équilibre actuel entre la part des députés (62%) et celle des sénateurs (38%) dans le nombre total de parlementaires.
- Prévoir l'élection d'au moins un député et un sénateur par département.
- Garantir la stabilité des modes de scrutin de chaque assemblée en les déterminant dans la loi organique.
Collectivités locales
- introduire la notion de territoire dans la Constitution.
- Permettre un écart de représentation par rapport à la population moyenne de la collectivité concernée de 30% (et non plus de 20%).
- Renforcer dans la Constitution les garanties d'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales.
Travail parlementaire
- Inscrire dans la Constitution le principe selon lequel la loi et le règlement doivent répondre à l'exigence de nécessité des normes.
- Encadrer davantage le recours aux ordonnances.
- Renforcer les exigences relatives au contenu des études d'impact et étendre leur champ d'application.
- Encadrer la procédure accélérée en permettant notamment à la Conférence des présidents de chaque assemblée de s'y opposer.
- Maintien, en cas d'échec d'une commission mixte paritaire, d'une nouvelle lecture dans chaque assemblée.
- Soumettre les amendements du gouvernement à un délai limite, comme c'est le cas pour les parlementaires.
- Encadrer le temps de parole du gouvernement dans l'hémicycle.
- Obliger le gouvernement à mieux planifier l'organisation de ses travaux au Parlement en l'obligeant de présenter deux fois par an son programme de travail.
- Donner plus de souplesse au Parlement dans la détermination de son ordre du jour.
- Doter le Parlement d'instruments lui permettant de contraindre le gouvernement à prendre les mesures d'application des lois.
- Étendre les moyens de contrôle et d'évaluation des commissions en leur reconnaissant des pouvoirs permanents d'investigation sur pièces et sur place.
Conseil constitutionnel
- Fin de la présence des anciens présidents de la République.
Conseil supérieur de la magistrature
- Entériner la réforme du Conseil supérieur de la magistrature adoptée par le Parlement en avril 2016. Cette réforme garantit l'indépendance statutaire des magistrats du Parquet en prévoyant qu'ils sont nommés sur avis conforme du CSM.
Cour de justice de la République
- Supprimer la Cour de justice de la République et le privilège de juridiction dont bénéficient les membres du gouvernement pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.
Composition du gouvernement
- Fixer un nombre maximum de membres du gouvernement qui pourrait être limité à 20.
- Garantir la parité au sein du gouvernement.
- Étendre aux membres du gouvernement les incompatibilités électives applicables aux députés et aux sénateurs.