Retraites : des perspectives financières "préoccupantes", selon la Cour des comptes
L'institution a rendu public, le 20 février, le très attendu rapport sur "le système de retraites". Elle anticipe une nette dégradation du déficit à partir de 2030. Et juge que le redressement de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers constitue "l’un des principaux enjeux de rééquilibrage financier".
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© @Courdescomptes
C’est la première étape de la "remise en chantier" que le Premier ministre a annoncée lors de sa déclaration de politique générale. Ce 20 février, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici a remis à François Bayrou le rapport que ce dernier avait commandé sur "la situation financière et les perspectives du système de retraites".
Le diagnostic financier établi par la Rue Cambon est "préoccupant", a résumé Pierre Moscovici. Le déficit atteindrait 6,6 milliards d'euros en 2025, se "stabiliserait" jusqu'en 2030 environ, puis se dégraderait de manière "nette, rapide, croissante", passant à environ 15 milliards à horizon 2035 et 30 milliards en 2045, "malgré la réforme de 2023", retrace le rapport. La réforme qui a décalé l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, aura "un effet positif" d'environ 10 milliards d'euros à l'horizon 2030, mais de plus en plus limité ensuite, en raison du vieillissement de la population.
Les situations financières des différents régimes de retraite sont "hétérogènes", constate la Cour. Elle aborde en particulier celle de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, la CNRACL. Celle-ci se trouve "d’ores et déjà dans une situation critique", avec un déficit de 2,5 milliards d'euros en 2023. "Cette évolution tient principalement à la dégradation rapide du ratio entre le nombre de cotisants et celui des retraités", explique-t-elle. En pointant aussi, comme le font les élus locaux, le rôle dans la constitution du déficit actuel, qu'ont pu jouer les contributions financières demandées à la CNRACL en faveur des autres régimes de retraite (au total une centaine de milliards d’euros depuis 1974, en euros constants 2023). La hausse du taux de cotisation des employeurs territoriaux à la caisse (+1 point en 2024 et +12 points entre 2025 et 2028) devrait "permettre de ralentir la progression du déficit mais pas de le résorber", indique la Cour. Elle conclut que la CNRACL constitue "à court terme, l’un des principaux enjeux de rééquilibrage financier des régimes de retraite obligatoires".
Les magistrats analysent par ailleurs les effets possibles de plusieurs "leviers" (âge d’ouverture des droits, durée d’assurance requise, taux de cotisation, indexation des pensions) sans pour autant préconiser aucune "réforme globale", ni déterminer les choix "à privilégier".
S'appuyant sur les conclusions du rapport, Pierre Moscovici a rejeté "les analyses" appelant à rapprocher les taux de cotisations des régimes du privé et du public, les deux n'étant "pas comparables".
Ces travaux de la Cour donnent le coup d'envoi à trois mois de difficiles négociations entre syndicats et patronat pour retoucher la dernière réforme des retraites "sans totem ni tabou", mais "sans dégrader" l'équilibre financier du système, selon les termes de l'exécutif.