Reporter les élections ? Le Conseil scientifique ne se prononce pas
Le Conseil scientifique a rendu lundi son avis sur la tenue des élections départementales et régionales en juin... sans, au final, se prononcer sur un éventuel report de ce double scrutin. L'avis liste les risques, formule des recommandations... mais laisse l'exécutif trancher.
Le Conseil scientifique a renvoyé la balle au gouvernement pour qu'il prenne la décision "éminemment politique" de repousser ou non les élections régionales et départementales prévues en juin, dans un avis très mitigé sur les questions sanitaires. À moins de trois mois de ce scrutin, qui a déjà été repoussé de mars à juin, cet avis était très attendu par les élus locaux, mais aussi par le Premier ministre, qui avait promis de se conformer à ses recommandations.
Dans son avis diffusé lundi 29 mars après-midi, le Conseil prend soin de rappeler qu'il ne s'attache qu'aux "considérations strictement sanitaires", laissant donc les "autorités publiques" prendre "les décisions qui leur incombent" et qui sont "éminemment politiques". Il précise aussi ne pas prendre "en compte des éléments plus généraux, par exemple relatifs à l'importance des élections pour la vie démocratique, aux effets de l'abstention, à la sincérité des scrutins, à la constitutionnalité des options envisagées ni aux calendriers électoraux, y compris présidentiels".
Dans cet avis de 16 pages avec ses annexes, le Conseil scientifique pèse le pour et le contre de la tenue des élections à la mi-juin, en identifiant "cinq types de risques". D'abord ceux pesant sur "les candidats, les équipes de campagne" mais aussi les personnes qu'ils rencontrent. "La gestion de ce risque est la plus délicate", souligne le Conseil. Puis, les risques "auxquels s'exposent les électeurs en allant voter", ainsi que ceux liés à la contamination des personnes "participant aux opérations de vote et en particulier lors du dépouillement". Il évoque aussi les dangers de l'utilisation des locaux, "notamment scolaires", et ceux in fine liés à "une reprise de l'épidémie suivant les élections sous forme de clusters ou d'une petite vague".
Des candidats et membres des bureaux de vote vaccinés ?
D'un côté, le Conseil scientifique argue que les risques "sont désormais accrus en raison de la forte contagiosité du variant britannique" et fait valoir que l'appropriation et le respect des gestes barrières pourraient être moindres en raison de la "grande lassitude". Il met aussi en avant qu'un autre report des élections, par exemple en septembre 2021, permettrait une meilleure couverture vaccinale de la population : "Fin septembre 2021, entre 40 et 45 millions de personnes pourraient être vaccinées. Ce niveau de vaccination permettra de diminuer significativement la circulation du virus dans la population."
Mais il souligne aussi que quelques arguments plaident pour un maintien des élections en juin. "Le niveau observé de circulation du virus pourrait être accru par une moindre vigilance" au cours de l'été, comme lors de l'été 2020, et de nouveaux variants pourraient apparaître.
Face aux risques, le Conseil liste plusieurs préconisations. La campagne devra suivre "un protocole adapté" et "l'usage de moyens dématérialisés", comme internet ou des "numéros verts", sera "encouragé au maximum". Les candidats devront si possible être vaccinés et testés régulièrement. Concernant le jour du vote, "il est désormais recommandé de solliciter des personnes vaccinées", "c'est-à-dire des personnes plus âgées", pour tenir les bureaux. Le vote pourrait se dérouler "en extérieur" et la tenue du scrutin "obligera à un nettoyage strict" des écoles mobilisées. Le Conseil recommande également d'étaler au maximum le vote, quitte à déroger provisoirement au couvre-feu éventuel, et de réserver "une plage horaire privilégiée pour les personnes vulnérables, par exemple de 9h00 à 12h00". Enfin, le Conseil demande de recourir au maximum au vote par procuration et "regrette" que le vote par internet ou par correspondance n'ait pu être rendu possible.
"Votons dehors !"
Après la remise du rapport, Matignon a fait savoir à l'AFP que "comme prévu par la loi, le gouvernement remettra au Parlement d'ici ce jeudi 1er avril un rapport sur la base de cet avis, qui donnera lieu également à une consultation des formations politiques". Et Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, doit être auditionnée sur ce rapport au Parlement jeudi après-midi par la commission des lois du Sénat.
Un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour France Info et Le Figaro publié la semaine dernière indiquait que sept Français sur dix seraient d'accord avec un report de ces élections, alors qu'une majorité d'élus y est défavorable. Les associations d'élus, dont l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France par la voix de Territoires unis, ont déjà eu l'occasion de le dire (voir notre article du 22 mars 2021).
Le président de l'ADF, Dominique Bussereau, a déclaré lundi soir à l'AFP que la position de son association "est inchangée" : "Nous sommes favorables au vote en juin et en tenant compte de l'avis du Conseil scientifique sur les mesures à prendre."
"Dehors en citoyen ? Votons dehors !", lance pour sa part un autre président de département, Olivier Richefou, en écho au mot d'ordre gouvernemental "Dehors en citoyen, dedans avec les miens" et en reprenant l'une des suggestions du Conseil. Regrettant que "depuis un an, le gouvernement considère le calendrier électoral comme une variable d’ajustement à la gestion de crise sanitaire" et ait "fermé la porte" à l'idée du vote par correspondance, le président de la Mayenne considère aujourd'hui que "nous devons prendre exemple des dispositifs mis en place par les autres pays" où "la mise en place de bureaux de vote en extérieurs a été plébiscitée". Rappelant que "la majorité des bureaux de vote en France sont dans des écoles, des collèges ou des salles des fêtes qui disposent, par ailleurs, d’espaces extérieurs couverts, type préau", Olivier Richefou considère que "tout peut être fait dans des conditions de plein air".