Archives

Habitat - Reloger ou héberger un étranger en situation irrégulière n'est pas un délit

Dans un arrêt du 12 septembre, la 3e chambre civile de la Cour de cassation apporte des précisions importantes sur la légalité de l'accueil d'étrangers en situation irrégulière en structure d'hébergement ou de leur intégration à une opération de relogement.
En l'espèce, la partie perdante est la ville de Paris, déboutée de ses demandes. Celle-ci avait acquis par voie de préemption un hôtel meublé, en vue de réaliser une opération d'aménagement supposant la destruction de ce bâtiment. Elle avait alors saisi le juge de l'expropriation pour statuer sur le droit au relogement de M. X. - locataire-gérant occupant d'une des chambres de l'établissement - et sur l'indemnité d'éviction susceptible de lui revenir. La ville faisait valoir que cette indemnité devait être réduite à néant, M. X étant un étranger en situation irrégulière. Dans ces conditions, elle estimait que le fait de proposer un relogement et de verser une indemnité à un étranger en situation irrégulière est constitutif de l'infraction d'aide au séjour irrégulier (articles L.622-1 à L.622-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
La justice ayant, au contraire, reconnu à l'intéressé un droit au relogement et ayant fixé une indemnité d'éviction de 1.450 euros, la ville contestait ces décisions, jusqu'à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 décembre 2010, objet du recours en cassation.
Mais, dans son arrêt du 12 septembre, la Cour de cassation rejette les arguments de la ville de Paris et valide la décision de la cour d'appel de Paris. L'arrêt considère en effet que "M. X., occupant de bonne foi, devait bénéficier d'un droit au relogement et au versement d'une indemnité d'éviction et que l'obligation de reloger, qui relève de l'ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi, sans distinguer selon que l'occupant étranger est ou non en situation irrégulière". Dans ces conditions, la cour d'appel de Paris "a exactement déduit, de ces seuls motifs, que le fait de le reloger dans le cadre et les conditions déterminées par l'article L.314-2 du Code de l'urbanisme ne pouvait caractériser une infraction pénale".
L'arrêt de la Cour de cassation s'en tient ainsi à une interprétation stricte de l'article L.521-1 du Code de la construction et de l'habitation CCH). Celui-ci prévoit en effet que, pour l'application du chapitre du CCH relatif au relogement, l'occupant s'entend comme "le titulaire d'un droit réel conférant l'usage, le locataire, le sous-locataire ou l'occupant de bonne foi des locaux à usage d'habitation et de locaux d'hébergement constituant son habitation principale", l'article ne faisant aucune allusion à la régularité ou non du séjour dans le cas des étrangers.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Cour de cassation, 3e chambre civile, arrêt n°11-18073 du 12 septembre 2012.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis