Réforme de la fonction publique : vote favorable des députés sur les contractuels et le dialogue social
Entamé lundi 13 mai, l'examen dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale du projet de loi de transformation de la fonction publique a franchi une étape importante avec l'adoption, jeudi 16 mai, des mesures controversées élargissant les possibilités de recours aux contractuels et la création d'une prime de précarité pour les contrats courts. Précédemment, les députés avaient voté la réforme des instances de dialogue social.
Trois jours après avoir entamé la discussion sur le projet de loi de transformation de la fonction publique, l'Assemblée nationale a adopté, jeudi 16 mai au soir, les mesures controversées qui assouplissent le recours aux contractuels pour les emplois publics. Mais la majorité, qui défend une opportunité pour "diversifier les profils" des agents publics et répondre aux difficultés qu'éprouvent parfois les employeurs publics pour trouver certaines compétences, a dû batailler face à l'opposition, notamment de gauche (PS, PCF et LFI), celle-ci dénonçant une attaque de "biais" contre le statut garant "de l'intérêt général".
Les socialistes ont lancé la charge. "La brèche est ouverte et je vous souhaite bonne chance pour gérer une fonction publique à deux vitesses" entre ceux ayant passé un concours et les autres, qui noueraient "des liens privilégiés avec des élus influents", a ainsi lancé Hervé Saulignac (PS). La rapporteure (LREM) Emilie Chalas a dénoncé des propos "insupportables" et Cendra Motin (LREM) jugé "déplacé" de "stigmatiser" les contractuels. Olivier Dussopt a, pour sa part, réaffirmé que le "principe" de l'occupation des emplois permanents par des titulaires n'est pas remis en cause.
"République des copains"
Ugo Bernalicis (LFI) a accusé la majorité de vouloir la "Benalla-isation de la société", avec comme logique de mettre "sur des missions régaliennes un type qui passait par là", sous statut contractuel. Et le député d'ajouter : "C'est les copains que vous voulez mettre aux manettes !", c'est la "République des copains". Stéphane Peu (PCF) a fait de son côté l'éloge du statut, lequel est une protection notamment contre le "clientélisme". Quant à Olivier Marleix (LR), il a estimé que le gouvernement n'avait pas réfléchi aux missions "où le recours aux contrats pourrait être utile", utilisant une "technique de mitage du statut". Pascal Brindeau (UDI-Agir) a affirmé qu'il aurait trouvé "plus clair" de dire quelles sont les missions qui doivent "rester sous statut".
L'article élargissant les possibilités de recruter des contractuels sur des postes de direction a été adopté sans modifications en séance. Mais rappelons que lors de la réunion de la commission, le 2 mai, un amendement de la rapporteure a stipulé qu'un décret précisera les compétences et les fonctions du directeur général des services (DGS) des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre, une clarification très attendue par le syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales.
Prime de précarité : pas avant 2021
Toujours jeudi, les députés ont approuvé la création du "contrat de projet", d'un à six ans, au sein de la fonction publique. Dédié à des "missions spécifiques", ce contrat ouvre droit ni à un CDI ni à une titularisation. Le gouvernement souhaitait qu'il concerne toutes les catégories d'agents des trois versants publics. Mais des élus de la majorité et des oppositions de droite ont obtenu de le restreindre aux catégories A et B, estimant qu'il ne pouvait être dédié "qu'à des missions d'encadrement" ou de "pilotage". L'ensemble de la gauche a pour sa part réclamé l'abandon de la création de ce contrat de projet, l'assimilant à de la "précarité" pour la fonction publique. En vain.
Pour la majorité, la précarité ne touche que les agents employés via des contrats n'excédant pas un an (70 % des CDD). La "prime de précarité" dont la création a été annoncée récemment par le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics vise d'ailleurs uniquement ces personnels. L'Assemblée nationale a adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, le principe de l'instauration de cette prime. Approuvée par 50 voix et une abstention (donc à la quasi-unanimité), cette mesure bénéficiera aux agents contractuels jusqu'à un niveau de rémunération qui sera fixé ultérieurement, "mais pourrait être de deux Smic". Les contrats conclus pour faire face à un besoin saisonnier d'activité et les "contrats de projet" sont exclus du dispositif.
L'objectif de cette prime est double : il s'agit "à la fois de valoriser ces revenus très faibles (...) en donnant un bonus de pouvoir d'achat" et "d'inciter les employeurs publics", soumis à un "surcoût" avec cette prime de précarité, "à repenser les offres à temps partiel dans leur durée (...) et proposer des postes d'une durée supérieure à un an", a expliqué Emilie Chalas. La prime, qui ne s'appliquera qu'à partir de 2021, concernera "entre 180.000 et 220.000 agents" et coûtera 410 millions d'euros par an.
Le comité social territorial retouché
Toujours jeudi, les députés se sont penchés sur les commissions administratives paritaires. Les dispositions du texte réorganisent ces commissions en généralisant leur structuration par catégories de fonctionnaires (A, B et C) et en recentrant leurs attributions en matière d’examen des décisions individuelles. Dans un communiqué, le secrétaire d'Etat en charge de la fonction publique s'est voulu rassurant : "Les CAP resteront bien compétentes s’agissant des décisions individuelles défavorables, de manière à offrir toutes les garanties nécessaires aux agents".
Dans la nuit de mardi à mercredi, l'Assemblée nationale avait acté la fusion, dans les trois fonctions publiques, des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en une nouvelle instance de dialogue unique, dénommée "comité social territorial" (CST) dans la fonction publique territoriale. Le texte a été complété dans l'hémicycle avec des amendements LaREM pour préciser que la nouvelle instance sera compétente sur les questions relatives à "l'accessibilité des services et à la qualité du service rendu à l'usager" et sur les "enjeux liés à la déconnexion". Les députés ont également abaissé le seuil à partir duquel une formation spécialisée en santé et sécurité devra être créée au sein de la nouvelle instance unique dans la fonction publique territoriale, de 300 à 200 agents.
L’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique (qui fait l’objet d’une procédure accélérée) en séance publique par les députés s’achèvera le jeudi 23 mai, le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte étant prévu le mardi 28 mai… une date à marquer d'une pierre noire pour les syndicats. Dans un communiqué, sept d'entre eux (CGT, UnsaA, FSU, Solidaires, CFE-CGC, CFTC, FAFP) ont appelé les agents à se mobiliser particulièrement ce jour-là, mais aussi les 27 et 29 mai, pour "dire non" à un projet de loi qui aura selon eux "des répercussions graves sur la qualité du service public, sur l’exercice des missions publiques et sur les conditions de travail des agents".