Reconnaissance faciale dans les lycées : le tribunal de Marseille annule la délibération de la région Sud

Le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération de la région Sud souhaitant implanter un système de reconnaissance faciale à l'entrée de deux lycées. Outre l'incompétence de la région, le TA pointe un dispositif disproportionné pour lequel le consentement des élèves est biaisé.

La Quadrature du Net, La Ligue des Droits de l’Homme, la FCPE et la CGT Educ’Action des Alpes-Maritimes avaient saisi le tribunal administratif de Marseille sur le projet de la région Sud de tester un système de contrôle d'accès utilisant la reconnaissance faciale dans deux lycées. Le 27 février celui-ci a donné raison (le jugement) aux associations en annulant la délibération du conseil régional du 14 décembre 2018 visant à mettre en place "un dispositif de contrôle d’accès par comparaison faciale et de suivi de trajectoire".

La région incompétente sur le choix du contrôle d'accès

Le juge administratif estime tout d'abord que la région a préjugé de sa compétence en matière de sécurisation des lycées. L’article L. 214-6 du code de l’éducation stipule que la région est compétente pour "l’accueil, la restauration, l’hébergement ainsi que l’entretien général et technique, à l’exception des missions d’encadrement et de surveillance des élèves, dans les établissements dont elle a la charge". Et même si les deux lycées avaient donné leur accord à cette expérimentation, les juges estiment que la région a excédé ses pouvoirs. Le tribunal note également l'absence d'étude d'impact, "nuisant à la bonne information de la population et du conseil régional". 

Des données biométriques inadéquates et non pertinentes

Le dispositif enfreint ensuite le RGPD et plus particulièrement le principe de proportionnalité. "Les finalités avancées pour justifier le traitement en cause ne sont ni explicites, ni légitimes", "les données collectées ne sont ni adéquates, ni pertinentes" et "en tout état de cause, manifestement excessives au regard des finalités" pointent les juges. En outre, les finalités poursuivies, à savoir la fluidification et la sécurisation des contrôles à l’entrée des lycées, auraient pu être atteintes "de manière suffisamment efficace par des contrôles par badge, assortis, le cas échéant, de l’usage de la vidéosurveillance".

Un consentement des élèves biaisé

Le consentement des élèves serait enfin biaisé. La région Paca a justifié la légalité du traitement de données biométriques par le consentement préalable des lycéens concernés ou, pour les mineurs, par celui de leurs représentants légaux.  Or, en se bornant à prévoir un consentement recueilli par la seule signature d’un formulaire, "alors que le public visé se trouve dans une relation d’autorité", le tribunal estime que la région n'a pas prévu "des garanties suffisantes" pour que les lycéens ou leurs représentants légaux fournissent un consentement "libre et éclairé".

Les arguments du tribunal administratif, le premier à se prononcer sur la reconnaissance faciale, reprennent largement ceux développés par la Cnil (notre article). En octobre 2019, la commission s'était en effet prononcée contre ces expérimentations en déplorant le non-respect des principes de proportionnalité et de minimisation des collectes de données personnelles.

Alicem déployé en 2020 ?

Auditionné mi-février par l'Assemblée nationale Jérôme Létier, directeur général de l'ANTS s'est déclaré confiant sur le déploiement d'Alicem "en 2020" tout en précisant qu'il n'était pas "une fin en soi". Ce système d'authentification sur mobile utilisant la reconnaissance faciale (notre article) est présenté comme un moyen de simplifier la réalisation de formalités administratives exigeant un niveau élevé d'authentification. Ce dispositif est également attaqué par la Quadrature du Net qui a déposé l'été dernier un recours devant le Conseil d'Etat visant le décret autorisant Alicem. Elle accuse ce dispositif d'ouvrir la porte à la généralisation d'une technologie "liberticide" et de ne pas offrir d'alternative (guichet, visioconférence…) aux personnes n'ayant pas de smartphone. 

 

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