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RE2020 : satisfaite des grandes lignes, Amorce reste vigilante sur leur mise en musique

Si les principales orientations de la future réglementation environnementale (dite RE2020) vont dans le bon sens, Amorce, l'association d'élus et d'entreprises chargées de la gestion des déchets, de l'eau et de l'énergie, reste attentive à leur traduction concrète, qui pourrait favoriser la construction de bâtiments neufs chauffés par des équipements électriques moins performants. Localtis a recueilli les explications de son délégué général, Nicolas Garnier. 

Globalement satisfaite des derniers arbitrages ministériels dans le dossier de la future réglementation environnementale (dite RE2020) des constructions neuves, dont l’entrée en vigueur est repoussée à l’été 2021, l’association d'élus et d'entreprises chargées de la gestion des déchets, de l'eau et de l’énergie, Amorce, continue d'exercer sa vigilance sur le niveau des indicateurs réglementaires qui pourrait contribuer à favoriser les solutions électriques peu performantes - à l’exemple, des pompes à chaleur (PAC) - au détriment notamment des réseaux de chaleur basés sur les énergies renouvelables et de récupération.
Le contenu de la nouvelle réglementation se précise. Les textes réglementaires seront soumis à consultation dans les prochains jours, permettant les derniers ajustements techniques. Un cap a déjà été franchi avec la présentation, en début de semaine, par le ministère de la Transition écologique, de la méthode de calcul des différents indicateurs de performance énergétique et environnementale. 

 

Synthèse des enjeux

 

Sur le papier, "toutes les cases sont cochées", autrement dit "tous les bons paramètres sont au rendez-vous" pour engager cette réforme "absolument essentielle", reconnaît Nicolas Garnier, le délégué général d’Amorce. L’enjeu majeur auquel elle doit répondre porte tout autant sur la diminution de l’impact carbone des bâtiments que la réduction de leur consommation d’énergie, et donc sur son volet social, à travers la limitation de la facture énergétique des Français. "L’une des difficultés qui a conduit à un certain nombre de prises de position, c’est la forte tentation du gouvernement de vouloir tout basculer en énergie finale alors que la RT [2012] était en énergie primaire", explique-t-il. "Or, les deux sont importants", insiste-t-il.
Pour faire bref, l'énergie finale est l’énergie consommée et facturée. C'est celle qui va générer le coût pour l'usager. L’énergie primaire, c’est la réalité de l’empreinte environnementale d’une consommation d’énergie que ce soit en CO2 ou en prélèvement de ressources énergétiques sur la planète. Du point de vue d’Amorce, il est essentiel que la RE2020 sache faire la synthèse entre les deux approches. Sujet de discorde récurrent, le fameux coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire qui a tendance à sous-estimer le poids carbone de l'énergie électrique. 

 

Un coefficient d’énergie primaire non renouvelable en balance

 

Parmi les arbitrages rendus, figurent des paramètres structurants. Amorce salue en particulier la prise en compte des impacts environnementaux, et notamment la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le cycle de vie du bâtiment, c’est-à-dire celles générées par la phase de construction. Sur le volet efficacité énergétique du bâti, avec le coefficient "Bbio", qui caractérise la performance de l’enveloppe du bâtiment, indépendamment du système de chauffage ou de refroidissement, "le gouvernement a fait un choix relativement exigeant en tous cas sur le principe", estime Amorce. L’association se félicite qu'une partie des mesures annoncées reprenne ses propres propositions, notamment à travers la formulation d’un coefficient d’énergie primaire non renouvelable (CEP nr). "(…) on était en train d’effacer la notion de renouvelable et de non renouvelable de la RE2020. La seule chose qui comptait c’était le CO2, et dès qu’on parle uniquement de CO2, bizarrement l’électricité devient très très intéressante", analyse Nicolas Garnier. Ce CEP nr est donc "une très bonne chose", tout comme le coefficient climatique "sur lequel on avait effectivement un certain nombre de craintes".  

 

Le débat devrait se poursuivre

 

Amorce considère cependant qu’il reste encore du travail avant de stabiliser complètement cette réglementation. "On rentre dans une phase de dialogue plus technique, plus fine et en même temps plus risquée potentiellement par rapport aux conséquences qu’elle pourrait avoir sur l’équilibre des énergies", souligne Nicolas Garnier. C’est le cas pour les solutions d’énergie renouvelable, "qui doivent être testées pour s’assurer que l’on n'est pas en train de faire une réglementation qui signerait par exemple l’arrêt de mort d’un réseau de chaleur  à 70% ou 60% d’énergie renouvelable et à 40% d’énergie fossile pour le remplacer par une pompe à chaleur de faible efficacité, code 3 ou 4". Le seuil maximal d’émissions de GES des consommations d’énergie - fixé à 4 kg CO2/m2/an - est "tellement bas", remarque-t-il, qu’il exclura de fait des systèmes utilisant exclusivement du gaz en maison individuelle et dans le collectif.
Amorce reste donc en alerte sur le niveau des valeurs dont va dépendre "ce qui va passer et qui ne va pas passer". A ses yeux, le décret tertiaire en constitue une illustration. "Dans l’écriture actuelle, on aura intérêt lorsqu’on est une collectivité à débrancher le réseau de chaleur pour mettre une pompe à chaleur ce qui est complètement absurde", déplore Nicolas Garnier.  "Attention à ne pas dérouler le tapis rouge à une solution énergétique", prévient-il. Avec des critères d’énergie non renouvelable trop bas, "toutes les pompes à chaleur passeront et seront conformes à la RE2020, y compris les PAC de très faible efficacité". "Il faut absolument simuler un certain nombre de cas pour s’assurer qu’il n’y a pas des solutions vertueuses qui vont être victimes de cette réglementation", insiste Amorce.  "C’est tellement complexe que si à la fin on n’a pas un certain nombre de garde-fous, il se pourrait que cette réglementation provoque l’inverse de ce qui est voulu", alerte l’association. 

 

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