Rapprochement entre la Caisse des Dépôts et La Poste : un pôle public financier au service des territoires
En quête d'un nouveau souffle sur fond de déclin du courrier, La Poste devrait bientôt pouvoir compter sur le soutien d'un grand pôle financier public constitué par CNP Assurances et La Banque Postale, que l'Etat a décidé d'unir. "La création de ce pôle public financier marque désormais une étape historique dans l'histoire de La Poste, qui a au moins six siècles d'existence", a estimé ce jeudi 30 août le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse à Bercy.
"Avant la fin de l'année 2019, cette opération conduira la Caisse des Dépôts à apporter sa participation dans la CNP à La Poste. La Caisse des Dépôts deviendra ainsi l'actionnaire majoritaire de La Poste aux côtés de l'Etat", a détaillé le ministre. "La Poste restera un grand service public national et une entreprise 100% publique", a insisté Bruno Le Maire, précisant que le président de La Poste continuerait d'être nommé par le président de la République.
L'objectif est notamment de permettre à La Poste de trouver de nouvelles sources de revenus. Fragilisée entre autres par l'explosion des messageries en ligne, son activité courrier accuse une baisse de l'ordre de 7% par an, lui faisant perdre 560 millions d'euros de chiffre d'affaires chaque année "en moyenne".
Le groupe va aussi renforcer son assise financière en récupérant près de 6 milliards d'euros de fonds propres via l'apport des 42% du capital de CNP Assurances détenus par la Caisse des Dépôts.
Fort d'un bilan de plus de 1.000 milliards d'euros, ce nouvel ensemble financier sera "l'un des pôles financiers publics les plus importants au monde", s'est félicité Bruno Le Maire.
Il aura "pour vocation première le développement des territoires. Il devra aider notamment au financement des collectivités locales, des maisons de services publics, du développement du très haut débit partout en France et de l'accompagnement des personnes âgées", a-t-il ajouté.
La Banque Postale entend se développer "sur le modèle des autres bancassureurs français qui sont détenus eux-mêmes par des grands réseaux bancaires, ce qui permettra d'améliorer les synergies opérationnelles entre les deux réseaux", a souligné Eric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts.
Le lancement de cette opération débutera par le dépôt ce lundi 3 septembre d'un amendement du gouvernement à la loi "Pacte" sur la croissance des entreprises, dont l'examen reprendra au Parlement en septembre.
ERIC LOMBARD : LA CAISSE DES DEPOTS "AURA UNE CAPACITE D'ACTION PLUS LARGE, AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES"
La création d'un grand pôle financier public s'inscrit dans une stratégie plus vaste de développement des territoires, a expliqué à l'AFP Eric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts.
L'AFP - Le gouvernement a lancé ce jeudi le rapprochement de La Banque Postale et de l'assureur CNP Assurances, détenu par la Caisse des Dépôts qui deviendra le premier actionnaire du groupe La Poste à l'issue de l'opération. Que représente cette opération pour la Caisse des Dépôts ?
Eric Lombard
- C'est une opération historique pour la Caisse des Dépôts. Je souhaite que la Caisse soit orientée plus fortement dans ce qui représente le coeur de son mandat, c'est-à-dire le financement et l'investissement dans les territoires en difficulté, la ruralité, les quartiers, les villes moyennes, le logement social. La Poste elle-même est un grand acteur des territoires. Les clients de la Caisse des Dépôts sont surtout les institutions, ceux de La Poste les personnes, donc en donnant des moyens accrus à La Poste pour sa transformation, nous pensons que nous sommes bien dans notre mandat. Ces moyens accrus vont lui permettre de remplir ses missions au service des Français.
La Caisse aura une capacité d'action plus large, au service du développement des territoires. Dans cette optique, on a un partage des rôles, qu'il va falloir finir de clarifier. Il y a dans cet ensemble trois grands établissements financiers. La Caisse des Dépôts proprement dite, la Banque Postale et Bpifrance, dont nous avons 50% et dont je suis président. Ces trois grands acteurs financiers ont chacun des missions particulières et nous pourrons, dans le cadre de l'opération, mieux préciser et urbaniser les terrains d'action de ces trois formations.
Pourquoi mettez-vous autant l'accent sur l'aide au développement des territoires ?
Il y a une urgence sociale. On voit un décalage entre cette France dynamique qui va bien, qui est beaucoup dans les métropoles et certaines villes. Et puis il y a cette France plus en difficulté, la France des quartiers, de certains segments du logement social, de certaines villes petites et moyennes qui ne sont pas irriguées par les financements du secteur privé. C'est le rôle de La Poste, de la Banque Postale et de la Caisse des Dépôts d'être en soutien de ces territoires. L'urgence sociale est aussi une urgence démocratique. Les territoires qui se sentent abandonnés de la République en tirent parfois les conclusions électorales.
Le rapprochement entre La Poste et CNP Assurances a longtemps été évoqué, mais jamais réalisé. Comment expliquer que ce projet soit aujourd'hui rendu possible ?
Les opérations envisagées auparavant étaient purement entre CNP Assurances et La Banque Postale. J'ai proposé que cette opération se passe au niveau du groupe La Poste, car cela garantit aussi l'intérêt de la Caisse des Dépôts, ce qui est un élément important dans le dispositif. Il y a aussi une relation de confiance entre le ministre, l'équipe de direction de La Poste et celle de la Caisse des Dépôts. La structuration présentée ce matin me paraît très solide. On a aussi une Poste qui a bien engagé sa transformation. Elle est très bien avancée dans sa stratégie de diversification. Je n'ai pas d'inquiétudes à ce niveau-là.
Une fois que le Parlement aura permis cette opération, beaucoup d'autorités vont être saisies. La Banque de France, la Banque centrale européenne, les autorités de concurrence et l'AMF (l'Autorité française des marchés financiers NDLR). Nous adapterons le projet aux décisions qui seront prises de manière souveraine par ces autorités indépendantes. Mais je ne doute pas qu'on puisse mettre cette opération en œuvre.
Propos recueillis par l'AFP