Raismes : la cité minière laboratoire de participation citoyenne (59)

Raismes est une ancienne commune minière de 12 600 habitants, proche de Valenciennes. La désindustrialisation des années quatre-vingt a laissé des traces amères dans les mémoires, un taux de chômage qui frôle les 30 %, et un tiers de la population sous le seuil de pauvreté. La fin de l’activité minière a aussi créé des paysages exceptionnels, faits de terrils colonisés par la nature, de vastes étangs en lieu et place des galeries de mine effondrées. Enfin, le territoire présente aussi des cités minières d’une grande qualité architecturale, classées Patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Le tout est bordé par l’immense forêt domaniale de Raismes-Saint-Amand-Wallers. C’est donc sur ces atouts que la ville a décidé de s’appuyer pour imaginer le futur. Le projet Raismes 2032 vise à « préparer la ville de demain, en s’appuyant sur l’intelligence collective, explique le maire, Aymeric Robin. Depuis 2017, la municipalité mène une stratégie au long cours, qui va bien au-delà d’une simple concertation avec les habitants, puisqu’elle consiste à mobiliser ces derniers sur le temps long vers un projet d’avenir. L’essentiel est de redonner de la voix aux citoyens pour faire ensemble, pour passer d’une ville industrielle et minière du XXe siècle à une ville en transition du XXIe siècle. »

Crieurs de rue et questionnaires

Des centaines de questionnaires ont été distribués, des dizaines de réunions publiques organisées, le tout valorisé par des micros-trottoirs et des crieurs de rue, mais aussi par l’ensemble des services (petite enfance, jeunesse, Centre communal d’action sociale, établissements scolaires, etc.) pour entraîner la population dans cet élan. Celle-ci est étroitement associée aux décisions, à la fois sur des projets d’aménagement urbain, mais aussi sur le programme d’alimentation communale, qui cultive le double objectif de mieux nourrir les Raismois et de créer des emplois. Pragmatique, et afin que des résultats soient rapidement visibles, la municipalité mène de front projets de long terme et de court terme, « faisant ainsi alterner participation et concrétisation », comme l’explique le maire. Une méthode saluée par les institutions, puisque la ville de Raismes a été deux fois lauréate des Trophées nationaux de la concertation.

Réorganiser les modes de faire… et évaluer l’action publique

Et parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, la mairie a totalement réorganisé et modernisé ses services depuis 2017, pour entraîner tout le personnel municipal dans le même élan participatif et fonctionner désormais en mode projet. « Parallèlement au projet de ville Raismes 2032, est né un projet d’administration en 4 axes, détaille Corinne Créquit, directrice générale des services (DGS). Nous avons élaboré un organigramme systémique, afin de mieux faire comprendre aux collaborateurs que chacun d’entre eux a un rôle déterminant pour l’ensemble, et pour décider quels seront les services qui porteront tel ou tel projet pilier. Nous avons également mis en place des feuilles de routes écrites avec les techniciens et les élus. Les méthodes de travail sont maintenant axées sur la transversalité et une action en mode projet. Et enfin, nous procédons à une évaluation régulière de l’action publique au cours de séminaires de gouvernance, où les feuilles de route sont analysées à partir de questions évaluatives. »

Appels à projets

Dès 2018, la commune confie à un bureau d’études, Seura, la mission d’analyser la commune. Celle-ci remarque qu’elle a la forme d’un rhizome, et préconise de créer un « chemin des écoliers » pour mieux relier les équipements publics à la forêt et à la base de loisirs, et densifier le centre-ville, une demande ardemment formulée par les habitants. « À partir de là, nous avons répondu à des appels à projets, poursuit la directrice générale des services. Raismes a été lauréate en 2019 de l’appel à projets national Plan de paysage, porté par la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports. La Dreal a salué notre réflexion intégrée, issue de la démarche Raismes 2032, notre organisation en mode systémique, et la démarche d’intelligence collective… Idem pour l’appel à projet centre-ville/centre bourg lancé par la région Hauts-de-France, et remporté grâce à la stratégie globale et cohérente mise en place par la commune. »

Actions immédiates et collectives

En attendant la réalisation de ces projets à long terme, la commune en concrétise d’autres en centre-ville : sur une friche mitoyenne de l’église, le square de Vicoigne (photo) a été équipé de jeux pour petits enfants, d’un terrain de basket, d’un skate parc, ainsi que d’un potager et un jardin d’agrément. Des groupes de jeunes et des collectifs de riverains ont construit ensemble le mobilier et les bacs plantés à partir de matériaux de réemploi. Le tout pour un investissement de 100 000 €, financé pour moitié par la ville, pour moitié par la Région.

L’éco ferme pédagogique du Pinson, adossée à une entreprise d’insertion, a été aménagée sur une friche de la cité minière Sabatier (1 100 logements, dont 1 000 logements sociaux). On y trouve quatre serres, des rangées de légumes, des parcelles d’arbres fruitiers, quelques volailles et des chèvres. Des fêtes et des déambulations y sont régulièrement organisées « pour remettre le jardin au cœur de la ville et créer un pôle culturel autour du jardin ». Une vaste opération de réhabilitation énergétique a également été lancée, avec les bailleurs dans la cité Sabatier.

Le R-Lab, « un totem de la participation »

Enfin, la ville a entièrement rénové le château Mabille, désormais transformé en un « laboratoire de participation citoyenne » de 120 m2 avec coworking, ateliers, cuisine… Inauguré le 25 mars 2022, le R-Lab se veut « un lieu expérimental de démocratie participative qui donne la parole aux usagers pour réfléchir ensemble aux projets et à leur faisabilité. » Le jour de l’inauguration, une dizaine de jeunes étaient invités à présenter leurs actions au micro devant l’assemblée. Leur assurance devant l’auditoire prouvait qu’ils avaient l’habitude de prendre la parole en public. Car à Raismes, on mise sur la jeunesse pour prendre la relève.