A Quimper, les territoires connectés lauréats s'échangent les bons tuyaux

Les 17 lauréats des appels à projets Démonstrateurs d’IA frugale au service de la transition écologique dans les territoires (DIAT) et Territoires intelligents et durables (TID) se sont retrouvés à Quimper les 29 et 30 novembre 2023. Un premier rendez-vous destiné à permettre à la communauté des lauréats de mieux se connaître et de partager les bonnes pratiques pour réussir leur territoire intelligent au service de la transition écologique.

"La Smart City à la française, cela fait dix ans qu'on en parle mais du fait de démarches trop solitaires, elle n'a pas décollé. L'enjeu des pionniers que nous réunissons est de réussir le passage à l'échelle", a rappelé Antoine Darodes, directeur du département investissements transition numérique à la Banque des Territoires en introduisant ces journées où étaient conviés les 17 territoires lauréats des appels à projets "territoires intelligents durables" et "démonstrateurs d'intelligence artificielle territoriaux". Thomas Cottinet, responsable de l’Ecolab du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a ajouté que l'enjeu était pour les territoires pilotes de "montrer que le risque inhérent à l'innovation peut être récompensé".

Mutualisation préexistante

Si les axes d’actions retenus par les territoires orientés en faveur de l’adaptation au changement climatique, semblent se recouper largement – maitrise des consommations énergétiques, gestion de l'eau et des risques, mobilité et stationnement…. – la diversité se situe plutôt du côté des modalités de mise en œuvre et du mode de dissémination. Sur ce dernier registre, les structures de mutualisation – SIEA (01), SDEF (29), Loire s’appuyant sur le Siel (42), SYADEN (11), Vendée numérique  (85) et GIP Arnia (BFC) – partent avec un coup d'avance car l'accompagnement des petites communes est au cœur de leurs missions, avec souvent des compétences clairement déléguées qu'elles n'ont plus qu'à instrumenter. C'est ainsi que le syndicat d'électrification du Finistère, qui accueillait la manifestation, a pu lancer très vite un premier projet sur l'éclairage intelligent, l'ambition étant désormais de le généraliser et d’embrayer sur de nouveaux cas d’usages. Il lui faudra cependant tenir le rythme avec pas moins de 214 passerelles Lora à installer d'ici 3 ans dans 16 EPCI.

Dans le Grand Est, le conseil régional a pu s'appuyer sur l'une de ses délégations de service public existantes sur le déploiement de la fibre. "Il y avait une clause dans le contrat de DSP nous permettant de proposer de nouveaux services", a expliqué Alain Sommerlatt directeur général du réseau Losange. C'est dans ce cadre, et grâce à l'infrastructure fibre déployée, que va pouvoir être lancé un nouveau bouquet de services, centré sur l’hypervision, accessible à toutes les communes du territoire.

Maîtrise des données

À Rennes Métropole, Marion Glatron, directrice de la donnée, insiste surtout sur la nécessité de "garder la maîtrise des données", véritable sésame du pilotage de la transition écologique. Le projet rennais City Orchestra entend rationaliser et rendre interopérables les plateformes et autres silos de données liés à la transition écologique. Pour ce faire, la collectivité mise sur un partenariat comptant pas moins de 18 entités publiques et privées. Avec une règle : ne pas mélanger les commanditaires avec les prestataires. Les sociétés ont ainsi été invitées à choisir en se positionnant soit comme partenaire, soit comme fournisseur de solution. Elle n'a pas retenu en revanche le partenariat d'innovation, jugé "trop long" – avec au moins 6 mois de délai – et n'offrant pas suffisamment de garanties sur la souveraineté des données.

D'autres territoires ont opté pour un dialogue compétitif, l'un des montages juridiques présentés lors de la réunion, qui aide à coconstruire la solution avec le secteur privé. Ce mode de contractualisation a par exemple été retenu par la ville de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). La collectivité a apprécié de pouvoir choisir un groupement d'entreprises connaissant parfaitement les métiers des collectivités pour mettre en œuvre le pilotage énergétique des bâtiments.

Trouver les bons capteurs

Autre défi partagé, trouver les "bons" capteurs, au cœur de la plupart des projets TID/DIAT. Plusieurs territoires ont fait état d’écarts importants entre les promesses des fabricants et leurs performances effectives sur le terrain. "Il y a une vraie nécessité à échanger sur ce sujet", confie Emmanuel Quéré directeur adjoint du Sdef dont le syndicat a dû par exemple faire avec des capteurs exigeant de maitriser l'espagnol. Parfois, la solution technologique recherchée n’existe pas sur le marché. "Nous avons constaté qu’il n'existait pas de capteur suffisamment résistant au sel et aux embruns pour mesurer l'ensablement ou les submersions marines", explique Jérémie Gachelin en charge de l'innovation à Lorient agglomération. Pour concevoir cet outil nécessaire au pilotage de l'évolution du trait de côte, la collectivité s'est appuyée sur un partenariat académique et une société locale. Mais pour ne pas être en défaut avec les obligations de mise en concurrence, la collectivité consacre du "temps agent" mais n'achètera la solution que si celle-ci se révèle performante, dans le cadre d'un marché futur. Quant à la diffusion des nouveaux services qu'elle va initier (éclairage, eau, déchets…) auprès des communes, l'agglomération privilégie la création d'une centrale d'achats intercommunale proposant les solutions qu'elle aura préalablement "sourcées".

Associer et évaluer

La diffusion effective de l'innovation dépend cependant également de la bonne association des élus, agents et citoyens en amont et en aval des projets. "Car mettre des capteurs c'est une chose, faire en sorte qu'ils soient effectivement utilisés en est une autre", a mis en garde Pierre Colle de l'ANCT citant le cas d'une collectivité où les éboueurs avaient fait fi du nouveau système d'optimisation de la collecte des déchets. A Bordeaux Métropole et dans la Loire, les bailleurs sociaux, en tant que membres des consortiums, ont été associés dès le départ à deux projets qui portent sur la maîtrise des consommations énergétiques des bâtiments. La ville de Metz mettra son outil de mesure de la pollution en déchets plastiques de l’espace public grâce à l'IA à disposition de citoyens et d'associations. Porto-Vecchio bénéficiera du regard de chercheurs pour penser concrètement la résilience instrumentée de son territoire. La métropole de Lyon a quant à elle promis de partager les bonnes pratiques en matière de tableaux de bord citoyens issues de son projet de "self data" appliqué à la transition écologique. Le conseil régional de Bourgogne Franche Comté a de son côté invité les territoires à utiliser sa méthode SEROI+. Initiée dans le cadre d'un projet européen et testée dans de petites communes, celle-ci permet de mesurer effectivement les externalités sociales, économiques et environnementales des solutions numériques mises en œuvre. Une intervention particulièrement suivie, l'évaluation exigée par le secrétariat général pour l'investissement faisant partie des sujets sur lesquels les TID/DIAT sont également friands de partages d'expériences.
 

  • De la difficulté d'évaluer

Si l'évaluation est une obligation qui va de pair avec l'obtention d'un financement de l'Etat, elle se révèle particulièrement complexe dans le cas des projets numériques. L'ANCT, en train de finaliser une étude portant sur l'évaluation de 8 cas d'usages dans 7 villes, relève trois grandes difficultés :

- Il faut tout d'abord être capable d'isoler l'impact généré par la solution technique, d'autres éléments externes pouvant également expliquer un changement.

- Il faut ensuite des données d'entrée pour construire une base d'évaluation avant même le déploiement de la solution technique.

- Il faut enfin réussir à traduire en euros les gains ou pertes générés par la solution, ce qui peut s'avérer complexe.