Quelles voies pour les nouvelles mobilités ?
La délégation à la prospective du Sénat a organisé ce 10 octobre un colloque sur la place du vélo et des nouveaux engins de déplacement personnel (EDP) dans les mobilités urbaines. Alors que les trottinettes électriques, gyropodes et autres monoroues sont de plus en plus présents dans les déplacements urbains, plusieurs intervenants ont plaidé pour que la future loi d'orientation des mobilités comble le vide juridique actuel concernant leur usage dans l'espace public.
En prélude à un rapport de la délégation sénatoriale à la prospective sur les mobilités du futur, qui doit être présenté le 8 novembre, un colloque s'est tenu ce 10 octobre au palais du Luxembourg sur la place du vélo et des nouveaux engins de déplacement personnel (EDP) dans les mobilités urbaines.
Si le premier commence à être bien ancré dans les pratiques et de plus en plus pris en compte dans les politiques de mobilité des collectivités territoriales, les EDP ou nouveaux véhicules électriques individuels (NVEI) selon les appellations - trottinettes électriques, hoverboards, gyropodes, gyroroues… - qui se multiplient en ville posent des conflits d'usage et des problèmes de sécurité alors même qu'aucune réglementation adaptée n'existe pour le moment, ont rappelé les intervenants.
Engouement croissant
"Il va falloir que la LOM [loi d'orientation des mobilités, ndlr] dise comment partager la voirie, a introduit Michèle Vullien, sénatrice du Rhône et co-rapporteure. La question est de savoir comment faire cohabiter l'ensemble des modes pour que l'un ne prenne pas le pas sur l'autre." Cela est d'autant plus urgent que les EDP dépassent aujourd'hui le simple effet de mode et sont en pleine démocratisation, comme l'a souligné Anne Lavaud, déléguée générale de la Prévention routière, en commentant les résultats d'une étude récente menée par son association.
"Un tiers des Français ont déjà testé ces véhicules, 10% les utilisent de façon régulière ou occasionnelle et 57% envisagent de s'en servir à l'avenir, a-t-elle souligné. On n'est pas juste sur un phénomène un peu bobo du centre de Paris ou des grandes agglomérations mais sur quelque chose qui fait fantasmer les Français car ils les jugent innovants, rapides, ludiques, écologiques. Autant de qualités qu'ils recherchent aujourd'hui dans leurs modes de déplacement." Mais pour la responsable de la Prévention routière, cela appelle aussi "un point de vigilance" en termes de prévention et de sécurité car les EDP risquent très vite de dépasser le milieu urbain et de "devenir des alternatives de mobilité en milieu rural et périurbain". "On verra peut-être un jour des gens faire 10-15 kilomètres en trottinette électrique sur une départementale ou sur des routes absolument pas équipées pour les accueillir, prévient-elle. Le partage de l'espace est donc une question essentielle et notre association demande que les EDP soient assimilés aux cycles pour l'usage des voies de circulation."
"Ovni juridiques"
Côté collectivités, les EDP posent aujourd'hui "des problèmes juridiques énormes", a souligné Charles-Eric Lemaignen, premier vice-président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et conseiller communautaire d'Orléans Métropole. "Les trottinettes traditionnelles, à condition de ne pas dépasser 6 km/h sont considérées comme les piétons, a-t-il rappelé. Mais les trottinettes électriques sont des Ovni juridiques : ce ne sont pas des véhicules à moteur et ne peuvent donc pas circuler sur la voie publique, pas plus qu'elles ne peuvent circuler sur les trottoirs. La LOM devra trancher ce problème juridique et assurer une continuité de l'usage de la trottinette électrique sur la voirie."
"Les EDP posent aussi des problèmes de conflits d'usage et il est normal que les collectivités locales puissent réglementer. Bordeaux et Nantes, par exemple, ont mis en place des codes de la rue, a relevé Charles-Eric Lemaignen. La LOM devra aussi répondre à la question de la régulation de l'espace public par le maire, en liant si possible pouvoir de police et exercice de la compétence transport."
Une réglementation appelée à évoluer
Dans une
réponse à une question écrite de Jean-Pierre Decool (Nord- Les Indépendants) publiée dans le JO Sénat le 13 septembre dernier, le ministère de l'Intérieur a confirmé que le statut des EDP électriques devrait être établi dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM). "Le statut de ces engins, leurs équipements et leurs règles de circulation ainsi que les éventuelles obligations d'équipements de leurs utilisateurs seront précisées dans le code de la route, a-t-il indiqué. Les choix opérés devront tenir compte des enjeux de sécurité routière des utilisateurs d'EDP qui sont des usagers vulnérables, des enjeux de sécurité pour les autres usagers vulnérables (cyclistes, piétons, piétons à mobilité réduite) et des enjeux de cohabitation et de partage de l'espace public entre les différents usagers." Il rappelle qu'en France, les utilisateurs d'EDP non motorisés (trottinettes, skate-board, rollers) sont actuellement assimilés à des piétons par l'article R. 412-34 du code de la route et peuvent donc circuler sur les trottoirs et sur les autres espaces autorisés aux piétons. "En revanche, les EDP électriques n'appartiennent à aucune des catégories de véhicules actuellement définies dans le code de la route et leur circulation dans l'espace public n'est actuellement pas réglementée ni autorisée, de sorte que leur usage est en principe limité aux espaces privés ou fermés à la circulation", souligne-t-il. Les EDP électriques qui sont commercialisés en France doivent uniquement répondre aux exigences de la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines et aux exigences des réglementations qui encadrent la commercialisation des jouets lorsqu'ils sont commercialisés en tant que jouets. Là encore, des évolutions sont attendues puisqu'un projet de norme européenne pour les EDP électriques est en cours d'élaboration. Ces travaux sont suivis en France par la commission Afnor "Petits véhicules motorisés". "La publication de cette norme européenne, prévue pour fin 2018 - début 2019, permettra d'améliorer la qualité et la sécurité de ces engins, notamment en terme de freinage et d'éclairage, ajoute le ministère de l'Intérieur, précisant qu'il s'agit d'une norme d'application volontaire, "qui devrait permettre d'améliorer progressivement la sécurité des engins mis sur le marché."
A.L.