Fonction publique - Protocole "PPCR" : la garantie de carrière sur deux grades peine à se concrétiser
"Le principe selon lequel chaque fonctionnaire doit pouvoir dérouler une carrière complète sur au moins deux grades, dans toutes les catégories, sera mis en œuvre et servira à la fixation des taux d'avancement. Ces taux garantiront des déroulements de carrière correspondant à la durée effective de l'activité professionnelle et permettront d'atteindre les indices de traitement les plus élevés. Ils donneront obligatoirement lieu à consultation des instances représentatives des personnels compétentes", stipule le texte du protocole "PPCR" finalisé en juillet 2015 (voir notre article du 10 juillet 2015).
Pour les principales organisations syndicales de fonctionnaires "signataires" du protocole*, à savoir la CFDT, l'Unsa et la FSU, ce principe, obtenu en contrepartie de la mise en place d'une cadence unique d'avancement d'échelon dans les trois versants de la fonction publique et l'allongement des durées de carrière, est l'une des raisons qui les a incités à apposer leur signature au bas du document. "Il n'est pas sûr que l'Unsa aurait signé si cet engagement n'avait pas figuré dans le protocole", insiste Luc Farré, le secrétaire général de l'Unsa Fonction publique.
44% des adjoints techniques territoriaux concernés
L'absence de présentation de propositions concrètes s'appliquant à tous les agents lors des deux réunions du groupe de travail de suivi du protocole PPCR consacrée à l'avancement de grade et à la valeur professionnelle, aux agents de l'Etat puis à ceux des versants territorial et hospitalier, qui se sont respectivement tenues le 26 mai et le 3 novembre n'est donc pour elles pas acceptable.
Les documents présentés par la DGAFP à ces occasions consistent en effet en un état des lieux sur la situation des agents des trois versants au moment de prendre leur retraite. Il s'agit notamment d'une enquête, diligentée auprès des services de la CNRACL, sur la situation dans les corps et cadres d'emplois des fonctions publiques territoriale (FPT) et hospitalière (FPH). L'objectif est de voir quel est le déroulement de carrière des agents qui font valoir leurs droits à la retraite dans ces deux versants.
Cette enquête "porte sur la situation des agents ayant fait valoir leurs droits à la retraite en cours d'année 2011, relevant de sept cadres d'emplois de la FPT (rassemblant 44% des fonctionnaires titulaires de la FPT) et quatre corps de la FPH. Toutefois, le document relève qu'"il n'a pas été possible d'identifier, à partir des données communiquées par la CNRACL, les agents ayant bénéficié au cours de leur carrière d'une promotion dans un corps ou un cadre d'emplois de niveau supérieur". Pour autant, la synthèse de ces données "laisse entrevoir une difficulté principale dans les parcours de carrière, qui est celle de l'avancement de grade des agents recrutés sans concours dans la fonction publique territoriale", note la DGAFP précisant que, "s'agissant du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, 44% des agents partis en retraite en 2011 ont liquidé leur pension au premier grade, dont 61,5% de femmes".
Une clause d'avancement automatique serait "inopérante"
Dans ce cadre, précise le document, "l'engagement est pris de créer un grade d'avancement dans les corps ou cadre d'emplois actuellement dotés d'un grade unique dès lors que ce corps ou cadre d'emplois n'est pas très majoritairement dédié à la promotion d'agents issus d'un corps ou cadre d'emplois de niveau inférieur". A ce stade, "ont été identifiés plusieurs corps et cadres d'emplois dans le domaine des politiques culturelles, notamment, pour la FPT, le cadre d'emplois des attachés territoriaux de conservation du patrimoine (1.685 agents) et le cadre d'emplois des bibliothécaires territoriaux (2.240 agents)".
La DGAFP note toutefois un facteur de blocage des déroulements de carrière, relevé par les organisations syndicales. Actuellement, lorsqu'au titre d'une année, aucun agent ne réussit à un examen professionnel d'avancement de grade, aucune promotion "au choix" au même grade d'avancement ne peut être prononcée par l'employeur. "Ce dispositif peut s'avérer réellement bloquant lorsqu'aucun agent ne se présente aux examens professionnels ou, lorsque ceux-ci ne sont pas régulièrement organisés", relève la DGAFP. Dès lors, elle envisage de s"'interroger sur les raisons possibles de la désaffection des examens professionnels", et "sur le maintien du lien entre choix et examen professionnel pour l'accès au deuxième grade de la catégorie C."
Au final, l'administration, qui constate que "parmi les agents ayant fait valoir leurs droits à pension sans avoir préalablement bénéficié d'un avancement, 81% ont moins de 25 ans de services effectifs dans la fonction publique", estime que "l'introduction éventuelle d'une clause automatisant l'avancement des agents justifiant d'une certaine ancienneté dans le dernier échelon du premier grade de leur corps/cadre d'emplois serait de fait inopérante dans la grande majorité des situations".
Les syndicats attendent la création d'un dispositif pour tous les agents
De quoi laisser les organisations syndicales signataires sur leur faim. "L'administration ne propose quasiment rien et ces pistes de proposition ne correspondent pas au contenu du protocole PPCR", regrette Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. "Sans demander une clause de sauvegarde proprement dite, nous souhaitons discuter de la mise en œuvre de ce principe et travailler sur les critères à même de garantir à tous les agents un accès au deuxième grade", insiste-t-elle. "Il faudrait adapter les ratios promus-promouvables et étudier toutes des démarches de concours et de mobilité effectuées par les agents", propose de son côté Luc Farré qui plaide pour un mécanisme qui permette d'étudier systématiquement le cas de chaque agent qui resterait un certain temps dans un même grade.
En fin de réunion, les organisations syndicales ont toutefois obtenu que la DGAFP organise une nouvelle réunion du groupe de travail et complète d'ici là ses propositions, si tant est qu'elle obtienne les arbitrages nécessaires.
Laurent Terrade, avec AEF
*La CFDT, l'Unsa, la FSU, la CFTC, la CFE-CGC, la FA-FP ont signé en septembre 2015 le protocole PPCR mais elles ne représentent que 46,7% des voix sur l'ensemble de la fonction publique aux dernières élections professionnelles de décembre 2014, contre 48,44% pour les opposants (CGT, FO et Solidaires). Par conséquent l'accord est non majoritaire et considéré comme non signé officiellement même si le gouvernement a décidé unilatéralement de passer outre la règle des 50% et de l'appliquer (voir ci-contre notre article du 1er octobre 2015).