Projet de loi d'orientation agricole : Annie Genevard prend date au Sénat
Lors d'un débat au Sénat sur la "crise agricole", la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a indiqué, mardi 8 octobre, qu'elle souhaitait voir le projet de loi d'orientation agricole examiné "très rapidement" par la chambre haute. Elle s'est dite ouverte à des aménagements, notamment une dérogation au ZAN pour les bâtiments agricoles ou une meilleure valorisation des "externalités positives" de l'agriculture. La ministre a aussi indiqué qu'elle rencontrerait "très prochainement" les dirigeants de Lactalis, après leur décision de réduire de 8% leur collecte de lait en France d'ici 2030.
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a indiqué mardi qu'elle souhaitait voir le projet de loi d'orientation agricole "examiné très rapidement par le Sénat". "Sans résoudre tous les problèmes", le texte "comporte des avancées essentielles", a-t-elle souligné, lors d'un débat au Sénat sur le thème de la "crise agricole".
Voté fin mai à l'Assemblée nationale (voir notre article du 29 mai), ce projet de loi, censé s'attaquer à l'épineuse question du renouvellement des générations en agriculture, avait vu son parcours suspendu par la dissolution. Il place l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur" et instaure un guichet unique pour l'installation de nouveaux agriculteurs - France services agriculture - sous l'égide des chambres d'agriculture. Il avait également été enrichi avant son examen de nombreuses revendications exprimées par les syndicats en début d'année lors du mouvement de colère agricole, notamment pour faciliter la construction de bâtiments d'élevage ou de réserves d'eau. Lors de son passage au salon de l'élevage de Cournon-d'Auvergne, la semaine dernière, le Premier ministre, Michel Barnier, avait déclaré qu'après le budget, le texte serait une priorité de son gouvernement et qu'il souhaitait qu'il soit mis à l'ordre du jour du Sénat "en janvier".
Externalités positives
Devant les sénateurs, la ministre s'est dite "ouverte" à travailler à une dérogation au zéro artificialisation nette pour les bâtiments agricoles. "Nous avons un peu de temps pour traiter de cette question complexe mais légitime", a-t-elle dit. La ministre s'est aussi montrée "très favorable à ce qu'on valorise mieux les externalités positives de l'agriculture" (stockage du carbone dans les sols, préservation de la biodiversité, aménagement du territoire…), prévues à l'article 1er du projet de loi. Soucieuse de préserver cet article, elle a précisé qu'il n'y avait "pas forcément besoin de la loi" pour valoriser ces externalités. "Des paiements pour services environnementaux peuvent être déployés par des collectivités ou les agences de l'eau. Il faut faciliter ce déploiement. Mon ministère pourra y travailler, y compris avec le sénateur Montaugé", a-t-elle ajouté. Le sénateur socialiste du Gers Franck Montaugé avait fait adopter un amendement à la loi Climat et Résilience, en 2021, visant à instaurer des "paiement pour services environnementaux" (PSE).
Lors de ce débat qui ressemblait à un inventaire de toutes les difficultés que rencontre le monde agricole en ce moment (aléas climatiques, chutes de récoltes, épizooties…), la ministre est revenue sur la décision du groupe Lactalis qui a mis en émoi les producteurs de lait (voir notre article du 4 octobre). Fin septembre, la multinationale a annoncé réduire ses volumes de collecte de 450 millions de litres d'ici à 2030, soit 8% de sa collecte. "Je recevrai le dirigeant de Lactalis très prochainement", a assuré la ministre, évoquant "une terrible nouvelle pour plus de 700 éleveurs". Au même moment à l'Assemblée, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a indiqué que la ministre demanderait "un plan chiffré, détaillé, personnalisé pour l’ensemble des producteurs de lait touchés par les mesures de réduction de collecte". "Ce plan vous sera communiqué dans les jours à venir", a-t-elle indiqué aux députés, lors des questions au gouvernement.
Mercosur
Le débat au Sénat a aussi été l'occasion d'évoquer les accords de libre échange avec l'Ukraine et avec le Mercosur, alors qu'un nouveau round de négociation vient de démarrer au Brésil et que la Commission espère finaliser l'accord avec les pays d'Amérique du Sud avant le G20 qui se tiendra à Rio de Janeiro les 17 et 18 novembre. "La Commission a annoncé le report du règlement visant à lutter contre la déforestation importée, qui était l'un des principaux points de blocage. L'Allemagne a redit sa détermination à conclure l'accord, quelle que soit la position de la France", a fait savoir la sénatrice centriste de Côte-d'Or Anne-Catherine Loisier, se demandant si la France - qui dispose "en théorie" d'un droit de veto - serait en capacité de faire adopter "les fameuses clauses miroirs".
"Nous travaillons avec l'Union européenne sur l'approbation des clauses miroirs, pour protéger consommateurs et producteurs. Nous avons recueilli l'accord de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche et de l'Irlande. La France n'est pas isolée. Nous avons fait adopter un protocole annexe à l'accord qui, de fait, le bloque", a affirmé la ministre. "Impossible de laisser entrer 90.000 tonnes de boeuf, 100.000 tonnes de volaille, 180.000 tonnes de sucre, qui ne respecteraient pas nos exigences", a-t-elle poursuivi. Alors, "clauses miroirs" ou miroir aux alouettes ?