Prévention des inondations : le Papi de la Seine et de la Marne franciliennes résiste à l'épreuve du feu
Lors d'une conférence de presse précédant une conférence en ligne des parties prenantes, Frédéric Molossi, président de l’établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, a dressé ce 16 mars le bilan du programme d'actions de prévention contre les inondations (Papi) de la Seine et de la Marne franciliennes 2013-2020 et dévoilé les orientations du "Papi 2" prévu pour 2022-2028, dont le périmètre devrait être élargi.
Comme Paris ne s'est pas fait en jour, mettre en place un dispositif visant à ce que la capitale – et l'ensemble du territoire amont/aval – flotte mais ne sombre pas en cas de crue demande du temps. "La politique de l'eau nécessite de rapprocher des mondes fracturés – urbain/rural, amont/aval, etc. –, une dynamique collective réunissant l'ensemble des parties prenantes, de la concertation, de la co-construction, et donc du temps" insiste Frédéric Molossi, président de l’établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, en présentant à la presse ce 16 mars le bilan du programme d'actions de prévention contre les inondations (Papi) de la Seine et de la Marne franciliennes 2013-2020 (puisqu'il a été prolongé d'un an) et les grandes orientations du futur Papi 2022-2028. Du temps mais aussi, on l'aura compris, de savoir mettre de l'eau dans son vin.
Le défi est, il est vrai, d'envergure, puisque ce Papi concerne pas moins de "508 communes franciliennes exposées au risque inondation, dont 141 figurent dans un territoire à risque important", soit "le territoire le plus exposé au plan national au risque d'inondation", souligne celui qui est également vice-président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. L'enjeu ne l'est pas moins puisque d'après une étude de l'OCDE de 2014, une crue semblable à celle de 1901 pourrait, dans le scénario le plus noir, se traduire par 30 milliards d'euros de dommages directs, une réduction du PIB de près de 60 milliards sur 5 ans, impactant jusqu'à 400.000 emplois (voir notre article du 27 janvier 2014).
140 actions engagées sur 167
Si Frédéric Molossi déplore ne pas avoir trouvé de "baguette [de sourcier ?] magique", il met en avant les 167 actions mises en œuvre dans le cadre de ce premier Papi pour circonvenir le risque inondation. Très exactement, 140 actions auront été engagées sur les 167 que comportait ce "plus important Papi hexagonal", "seulement 2% ayant été annulées", et les autres reportées. Elles représentent au total un budget de 182 millions d'euros HT. Près des deux tiers ont concerné l'amélioration de la connaissance du risque, la sensibilisation et la réduction de la vulnérabilité, et 12% ont été dédiées au ralentissement des écoulements et à la protection contre les inondations, précise le dossier de presse. Ces actions se sont naturellement articulées autour des sept axes "obligatoires et constitutifs d'un Papi", le président de l'EPTB évoquant des actions emblématiques pour chacun d'eux. Revue de détails :
- pour l'axe 1, visant l'amélioration de la connaissance et de la conscience du risque, 55 actions engagées sur 62, par 18 maîtres d'ouvrage, pour plus de 8 millions d'euros, avec notamment de nouvelles modélisations des inondations (surface et nappe), le dispositif de sensibilisation Episeine.fr (au-delà du site internet, pose de repères de crues, balades urbaines, escape game, etc.) ou des travaux sur l'influence, ou non, des réseaux sur les crues ;
- pour l'axe 2, surveillance et prévision des crues et des inondations, 5 actions, toutes engagées, par 3 maîtres d'ouvrage, pour un total de près de 800.000 euros, dont la modernisation du réseau de piézomètres par la ville de Paris pour suivre le comportement des nappes pendant les crues (180 systèmes de télésurveillance installés) ;
- pour l'axe 3, alerte et gestion de crise, 17 actions engagées sur 23, par 14 maîtres d'ouvrage, pour plus de 3 millions d'euros, dont la mise en œuvre d’un plan départemental de continuité d’activités par le conseil départemental du Val-de-Marne ;
- pour l'axe 4, prise en compte du risque inondation dans l'urbanisme, 10 actions, toutes engagées, par 7 maîtres d'ouvrages, pour 665.000 euros, avec le développement par l'EPTB d'une méthodologie pour déterminer la localisation des zones naturelles d'expansion de crue, ou l'élaboration par la Driee d'une charte pour les opérateurs construisant en zone inondable. Un axe dont Frédéric Molossi a reconnu qu'il était "le moins satisfaisant" et qui constituera l'un des principaux enjeux du prochain Papi ;
- pour l'axe 5, réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens, pour lequel le président de l'EPTB a évoqué un "foisonnement d'actions" – 36 engagées sur 46 par 17 maîtres d'ouvrages, pour 33 millions d'euros –, dont des travaux de diagnostics de bâtiments et sites particulièrement exposés, conduits notamment par la communauté de communes de Meaux ou le département de Seine-et-Marne ;
- pour l'axe 6, ralentissement des écoulements, 6 actions par 5 maîtres d'ouvrage pour 13,5 millions d'euros, dont l'essentiel a été consacré aux études du site pilote de La Bassée (communes de Châtenay-sur-Seine, Egligny, Balloy et Gravon), consistant à aménager un espace endigué de 360 hectares capable de contenir près de 10 millions de m3 en cas de crue majeure de la Seine, comprenant une station de pompage et une digue de près de 8 km de long (qui se traduirait par un abaissement de la ligne d'eau de 3 à 6 cm selon les villes). Un "chantier de longue haleine", souligne Frédéric Molossi, qui prendra place dans le "Papi 2", et dont les travaux devraient se terminer "fin 2023, début 2024", pour un budget d'environ 100 millions d'euros (financé à 50% par l'État, 30% par la métropole du Grand-Paris et 20% par l'EPTB). "L'objectif est d'éviter la concomitance du pic de crue de l'Yonne et de celui de la Seine". Neuf autres "casiers" de ce type étaient initialement prévus, représentant au total 2.300 ha d'aire de stockage pour un volume maximum de 55 millions de m3 ;
- pour l'axe 7, gestion des ouvrages de protection hydrauliques, 11 actions engagées sur 13 par 7 maîtres d'ouvrages, pour 25,8 millions d'euros, avec notamment le prolongement de la digue de Sartrouville sur la commune de Montesson, en fonction depuis la fin 2020, associée à la création d'une zone humide, le tout porté par le syndicat mixte d'aménagement, de gestion et d'entretien des berges de la Seine et de l'Oise. Au cours de la conférence de presse, l'attention a d'ailleurs été attirée sur "l'hémorragie de zones humides", entendre leur quasi-disparition. Sur les 67.000 km2 du bassin de la Seine, il ne subsisterait ainsi que 214 km2 de zones humides. Huit projets de restauration de telles zones devraient ainsi être prochainement conduits pour enrayer leur déclin.
Papi 2 : "amplifier la dynamique"
Ce "bilan très encourageant conduit l'EPTB Seine Grands Lacs à poursuivre le travail". Depuis la mi-2020, l'EPTB a ainsi engagé l'élaboration d'un nouveau Papi, qui s'étendra sur la période 2022-2028. "L'objectif est une labellisation en mars 2022", annonce Frédéric Molossi, qui espère "gagner un peu de temps" avec la procédure des Papi de troisième génération jugée "plus fluide et moins complexe".
Le périmètre devrait être étendu pour "concerner les axes de la Seine et de la Marne sur l'ensemble de la région Île-de-France", avec une extension importante sur la partie aval des Yvelines. Outre la pérennisation des actions du Papi I et la poursuite des travaux engagés – singulièrement le chantier de La Bassée –, il entend intégrer de nouveaux acteurs, notamment dans le cadre de la nouvelle gouvernance de la compétence Gemapi, qu'il entend accompagner pour faciliter l'obtention des subventions. En reprenant les différents axes, le nouveau Papi entend renforcer encore la sensibilisation aux risques, en se fixant des objectifs chiffrés : 100 collectivités, 50 associations partenaires, 2.500 personnes formées, 500.000 visiteurs du site episeine.fr et 5 millions de Franciliens sensibilités par les vidéos pédagogiques.
En matière de prévention, est visé le gain "d’un jour sur la durée de prévision actuelle, en passant de 2 à 3 jours pour l'annonce des débordements". Dans le domaine de l'alerte et de la gestion de crise, l’EPTB entend organiser un exercice d'ampleur régionale, des ateliers réguliers dédiés aux entraînements du plan communal de sauvegarde et du plan de continuité d'activité ou encore mettre en place des actions pilotes relatives aux plans intercommunaux de sauvegarde, qui vont devenir obligatoires.
En matière d'urbanisme, l'objectif est d'inverser la courbe de disparition des zones naturelles d'expansion des crues, en dotant le territoire de méthodologies, d’outils techniques et de solutions financières facilitant le déploiement de cette stratégie, en proposant des formations aux publics concernés ou encore en "incitant l'État à harmoniser les règlements des plans de prévention du risque inondation". Enfin, pour réduire les vulnérabilités, la moitié des intercommunalités franciliennes situées en zone inondable devraient réaliser un diagnostic de territoire.