Premier anniversaire du code de justice pénale des mineurs : la Chancellerie assure le SAV
Tirant un premier bilan de la réforme de la justice pénale des mineurs un an après l’entrée en vigueur du nouveau code, le ministère de la Justice se félicite notamment de la réduction des délais de jugement et de l’importance des mesures de réparation prononcées.
Il y a tout juste un an, le 30 septembre 2021, entrait en vigueur le code de justice pénale des mineurs (v. notre article du 28 septembre 2021). Une réforme "historique", souligne le cabinet du garde des Sceaux, qui entend bien que ce premier anniversaire soit célébré comme il se doit. Si la loi du 26 février 2021 (v. notre article du 17 février 2021) dispose que deux ans après son entrée en vigueur, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application de cette réforme, la Chancellerie a pour une fois devancé en quelque sorte la demande. "Un premier bilan mérite déjà d’être établi", estime la porte-parole du ministère, Anne Givaudand. Ce qui laisse entendre qu’il est plutôt favorable.
Des délais fortement réduits
"La procédure était devenue totalement inadaptée", juge la porte-parole, en soulignant que la fameuse ordonnance de 1945 "avait été modifiée une quarantaine de fois", pour donner corps à un "mille-feuilles de dispositions" particulièrement indigeste, entrainant notamment des "délais de jugement longs – 18 mois en moyenne". "45% des affaires jugées aboutissaient après les 18 ans du mineur délinquant", est-il rappelé. Avec le nouveau dispositif, qui dissocie l’établissement de la culpabilité du prononcé de la peine, "le délai est désormais de 2 mois en moyenne entre la saisine de la juridiction et l’audience d’examen de la culpabilité (délai qui ne doit pas dépasser trois mois) et de 6,3 mois entre cette audience et celle du prononcé de la sanction (délai qui ne peut dépasser 9 mois)", indique la magistrate. "Cette réduction des délais permet une prise en charge éducative plus précoce, mais aussi une prise en charge de la victime plus rapide", vante-t-elle.
Un fort recours à l’audience unique
Les délais peuvent même être encore plus brefs, puisque le recours à l’audience unique, au cours de laquelle le juge pour enfants se prononce à la fois sur la culpabilité et sur la sanction, semble connaître un certain succès. Cette audience unique est possible dans deux cas. D’une part, à la demande du procureur de la République, sous deux conditions cumulatives : si la peine encourue est supérieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement pour le mineur de moins de 16 ans (ou de 3 ans d’emprisonnement pour le mineur d’au moins 16 ans) et si le mineur est déjà connu de la juridiction. Le ministère relève que "8% des décisions prises par le parquet renvoient dès le début des poursuites vers cette audience unique".
D’autre part, par la juridiction elle-même, "si elle se considère suffisamment informée sur la personnalité [du mineur] et n'estime pas nécessaire d'ouvrir une période de mise à l'épreuve éducative au vu des faits commis par le mineur et de sa personnalité", dispose le code. Le ministère relève que depuis l’entrée en vigueur de la procédure, cela représente "un tiers des cas". On relèvera que dans cette situation, la juridiction ne peut prononcer une peine que si le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine prononcée dans le cadre d'une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d'un an versé au dossier. Le ministère n’était toutefois pas en mesure de nous indiquer le taux de peine prononcé dans ce cas.
L’affirmation de la réparation de l’infraction
Le ministère se félicite également du succès de la nouvelle mesure éducative judiciaire, qui consiste "en un accompagnement individualisé du mineur construit à partir d’une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale". Une mesure "unique, modulable, évolutive, qui remplace le millefeuille de mesures qui s’étaient sédimentées au gré des refontes de l’ordonnance" – "très largement prononcée, tant au stade provisoire qu’au stade de la sanction", note Anne Givaudand. "Plus de 18.800 étaient déjà confiées au 30 juin dernier à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)", constate-t-elle. Elle ajoute que parmi les modules que la juridiction peut également prononcer, "le module de réparation est le plus prononcé (34,6%). Suivent les modules d’insertion (accueil de jour, placement en internat scolaire, etc. 32,7%), de prise en charge sanitaire du mineur (21,7%) et enfin de placement (11%)".
Les centres éducatifs fermés, arbre qui cache la forêt ?
Le ministère indique par ailleurs que sur une année, les mesures suivies par la PJJ, au pénal et au civil, se répartissent ainsi : 51% sont des mesures de milieu ouvert ; 44% des mesures d’investigation ; 4% des mesures de placement, tous établissements confondus (42% en foyers, 24% en famille d’accueil ou foyers pour jeunes travailleurs, 21% en centre éducatif fermé, 12% en centre éducatif renforcé...) et 1% correspondant aux jeunes en détention". Et d’ajouter "qu’en moyenne annuelle, 1.750 jeunes sont placés en centres éducatifs fermés, la durée moyenne de prise en charge étant inférieure à 6 mois". Des centres éducatifs fermés qui continuent de concentrer l’attention, comme en témoigne un récent rapport du Sénat (v. notre article du 27 septembre 2022), dont le ministère indique avoir pris connaissance avec intérêt, même s’il "est encore trop tôt pour savoir ce qu’il en fera".
Les mineurs, 1% des détenus
La Chancellerie se félicite encore de "la réduction significative de la détention provisoire des mineurs" – qu’il faut entendre par rapport à la totalité des mineurs détenus. "Sur l’ensemble des mineurs incarcérés au 1er octobre 2021, 77% l’étaient en détention provisoire. Ce taux est aujourd’hui de 62%", relève-t-on. D’après l’Observatoire des prisons, "le nombre de mineurs incarcérés reste relativement stable depuis dix ans – autour de 3.000 par an". Selon la direction de l’administration pénitentiaire, au 1er août dernier, le nombre de mineurs détenus s’élevait à 629, soit moins de 1% de la population carcérale (71.819 détenus au total). Pour 2020, le ministère de la Justice faisait état de 187.727 mineurs dans les affaires traitées, dont 144.292 mineurs dans les affaires poursuivables.