Post-Lubrizol : une série de textes réglementaires publiés un an après l'accident
Un an jour pour jour après l’incendie de l’usine Lubrizol et des entrepôts voisins de Normandie Logistique à Rouen, le volet réglementaire, traduction du plan d’actions présenté en février dernier par le gouvernement et de plusieurs missions parlementaires et inter-inspections pour tirer les enseignements de l’accident, est enfin publié.
A l’heure de la commémoration de l’incendie de l’usine Lubrizol classée Seveso seuil haut à Rouen, riverains et élus locaux sont toujours dans l’attente de réponses. A l'occasion du premier anniversaire de la catastrophe, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, ont donc fait le déplacement pour détailler en particulier les actions entreprises pour améliorer l’alerte des populations en cas d’accident (lire notre article du 24 septembre). Depuis la présentation, en février dernier, des premières mesures, par Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique, une commission d’enquête du Sénat et une seconde mission d’inspection interministérielle ont permis d’enrichir le plan d’actions post-Lubrizol destiné à renforcer la sécurité des sites industriels.
Deux décrets et cinq arrêtés, publiés ce 26 septembre, en constituent la traduction réglementaire. Plus précisément, ces textes concernent le volet Seveso du plan gouvernemental (un décret et un arrêté), les prescriptions applicables aux stockages de liquides inflammables et combustibles (deux arrêtés : 1 et 2) et aux entrepôts (un décret et un arrêté) et toutes ces installations de façon transversale ainsi que les sites de tri-transit-regroupement de déchets pour ce qui concerne la tenue à jour de l’inventaire des stocks (un arrêté).
Eviter les effets domino
Les prescriptions relatives à la prévention des incendies y sont renforcées pour les installations nouvelles, à compter du 1er janvier 2021, mais aussi pour les installations existantes, avec des délais de conformité qui s’échelonnent pour l’essentiel jusqu’en 2026, "compte tenu des travaux de gros-oeuvre que cela implique pour certaines prescriptions", indique le ministère de la Transition écologique. Ces obligations concernent, par exemple, l’amélioration des conditions de stockage des produits dangereux et l’augmentation de la disponibilité des moyens d’extinction et de compartimentage. Certains types de récipients mobiles seront par ailleurs interdits à partir de 2026, voire 2023, s’ils contiennent des liquides particulièrement inflammables. Un plan de défense incendie sera en outre obligatoire pour tous les entrepôts.
Les contrôles des installations bordant les sites Seveso sont également renforcés afin d’éviter "l’effet domino", c’est-à-dire la propagation des incendies au-delà de l’établissement sur des sites voisins. Pour mieux anticiper la gestion des accidents, les industriels seront tenus de tenir un inventaire des produits stockés et d’identifier à l’avance les produits susceptibles d’être émis pendant un incendie. La nécessité de considérer l'entrepôt dans son ensemble fait là encore partie du retour d'expérience de l'accident de Lubrizol, afin d’éviter "le saucissonnage administratif" au sein d’un bâtiment.
Extension du régime d’enregistrement
Et pourtant le gouvernement n’a pas renoncé à poursuivre un autre chantier mené en parallèle pour simplifier l’implantation des sites industriels, notamment par le relèvement des seuils déclenchant l'entrée dans le régime de l’autorisation. En particulier, pour un certain nombre d’entrepôts logistiques de la rubrique 1510 de la nomenclature des installations classées (ICPE), qui basculent purement et simplement dans le régime de l’enregistrement moins contraignant, au risque de brouiller les pistes...D'autant que le décret (n°2020-1169) modifie aussi les règles de soumission à évaluation environnementale systématique des projets en raison des surfaces construites, "sans modifier le seuil du 'cas par cas' et donc dans le respect du principe de non régression", se défend toutefois le ministère dans la notice du texte. Il la recentre "sur les projets de plus de 40.000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40.000 m² de surface de plancher quelle que soit la nature du lieu d’implantation".
Renforcement des plans d'opération interne
Sur le volet Seveso, le décret (n°2020-1168) assure une transposition plus précise de la directive Seveso 3. Entre autres, il clarifie les obligations d'échange d'informations et de coopération entre établissements Seveso voisins et avec les activités à proximité, les catégories d'information tenues à la disposition du public, ou encore la manière avec laquelle doivent être conçus les programmes d'inspection des établissements Seveso, les objectifs et le contenu des plans d'opération interne (POI). Suite à l’examen du texte par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), il a été décidé que ces derniers seraient obligatoires pour les sites Seveso seuil bas, à compter de 2023. Le texte complète également le contenu du rapport post-accident et modifie certaines rubriques de la série 4.000 de la nomenclature des ICPE afin de clarifier leur applicabilité dans des cas particuliers.
D’autres dispositions sont davantage tournées vers les problématiques de l’accident de Lubrizol. Ainsi, le réexamen quinquennal des études de dangers devra s’accompagner "d’un recensement des technologies éprouvées et adaptées à un coût économiquement acceptable permettant une amélioration significative de la maîtrise des risques". Les fréquences minimales d’exercices de mise en situation sont renforcées (un exercice tous les ans pour les sites Seveso seuil haut et trois ans pour les autres établissements soumis à POI) et de même que les pouvoirs du préfet dans le cas d’une installation faisant une déclaration d’antériorité. Les moyens relevant de l’exploitant pour la remise en état et le nettoyage de l’environnement en cas d’accident, et les dispositions permettant de mener les premiers prélèvements et analyses environnementaux seront là aussi précisés dans le POI.
Autre ajout du CSPRT, la liste des produits de décomposition susceptibles d'être émis en cas d'incendie, est adressée au préfet lors de l'élaboration, de la révision ou de la mise à jour d'une étude de dangers, et lorsque cette étude est soumise au réexamen, "au plus tard le 30 juin 2025". Et le POI est mis à jour "dans le même délai".