PLF 2025 : en commission, les députés font obstacle au très critiqué "fonds de précaution" de 3 milliards

Dans le cadre de la discussion du projet de budget pour 2025, les députés ont examiné en commission, ce 30 octobre, les dispositions de la mission Relations avec les collectivités territoriales. A la clé : le vote de plusieurs amendements notoires. La commission des finances a notamment supprimé la création du fonds de précaution de 3 milliards d'euros financé par les grandes collectivités. Saisie pour avis, la commission des Lois a voté pour un relèvement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de près de 500 millions d'euros. Le même jour, les associations d'élus du bloc communal ont décidé de travailler à des propositions financières communes.

Lors d'un débat, ce 30 octobre, qui n'a duré qu'une douzaine de minutes, les députés de la commission des finances ont égrené les multiples défauts qu'ils attribuent au fonds de précaution, le dispositif du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 qui doit permettre de prélever l'an prochain 3 milliards d'euros sur les recettes de 450 grandes collectivités et intercommunalités dont la situation est favorable. Examinant les dispositions de la mission "Relations avec les collectivités territoriales" – dans le cadre de la discussion en première lecture du volet du PLF sur les dépenses -, ils ont voté la suppression de l'article 64 du projet de texte, qui porte la mesure tant décriée.

"C'est une peine collective qui ne tient absolument pas compte de la bonne ou de la mauvaise gestion. C'est rétroactif en plus : ce sera sur les comptes 2024. Donc on ne peut pas s'adapter", a dénoncé le rapporteur général du budget. Charles de Courson (Liot) a aussi émis des doutes sur la constitutionnalité du dispositif. L'article 64 du PLF 2025 n'est "ni fait, ni à faire", a protesté Tristan Lahais (Ecologiste et social), tandis que Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine) a pointé "l'iniquité du prélèvement" prévu. Les grandes collectivités ciblées par le gouvernement "ont beaucoup de charges de centralité" et avec les dépenses liées aux dernières crises (Covid, énergie), elles ont vu leurs marges de manœuvre diminuer", a soutenu la socialiste Estelle Mercier. "Sous prétexte qu'elles sont riches, ce qui n'est pas le cas", on va "ponctionner les marges de manœuvre" que certaines ont obtenu en utilisant "le levier fiscal", a-t-elle regretté. Les risques de réduction des services publics du quotidien et de l'investissement local ont aussi été pointés par les députés.

"Ce n'est pas idéal", admet la Droite républicaine

"L'effort auquel les collectivités peuvent contribuer" est "en deçà de ce qui est demandé pour le moment", a estimé pour sa part Jean-Pierre Bataille (Liot).

"Le dispositif, imparfait, pourra être significativement retravaillé par le Parlement", mais il "ne constitue pas un coup de rabot similaire à la réduction de la DGF" [dotation globale de fonctionnement] entre 2014 et 2017, a rétorqué Emmanuel Mandon (Les Démocrates), rapporteur spécial de la mission Relations avec les collectivités territoriales, qui s'est opposé aux amendements de suppression de l'article 64. Ce "n'est pas idéal", mais "on ne peut pas reprocher au gouvernement de chercher des solutions", a de même soutenu Véronique Louwagie, au nom de la Droite républicaine.

Les 3 milliards d'euros prélevés sur les recettes fiscales de 450 grandes collectivités et intercommunalités seront reversés à certaines collectivités dans une logique de solidarité, assure le gouvernement. Cette somme sera "restituée par tiers les trois années suivantes", abonde le rapporteur général du budget. Mais nombreux sont les élus locaux qui ne croient pas à la parole du gouvernement, pointant les engagements pris dans le passé et remis en cause (avec par exemple, récemment, la décision de geler la TVA, alors que cette ressource est attribuée aux collectivités en compensation de la disparition de certains impôts locaux).

5 milliards d'euros d'économies espérées sur les collectivités

La suppression du "fonds de résilience" serait un rude coup pour le gouvernement, qui attend des collectivités un effort de 5 milliards d'euros d'économies au total en 2025. Outre "la mise en réserve" de 3 milliards d'euros, il a prévu un gel de la TVA affectée aux collectivités (1,2 milliard) et une limitation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (800 millions).

Mais, pour l'heure, rien ne garantit que les amendements approuvés en commission ce 30 octobre auront un quelconque avenir. Car si l'ensemble de la deuxième partie du PLF (volet dépenses) est rejeté en commission - comme l'a été la première partie (volet recettes) - les députés travailleront en séance à partir du texte initial (celui que le gouvernement a présenté). En outre, face à un texte trop éloigné de ses objectifs, ou pour mettre fin à une discussion qu'il estimerait enlisée, le gouvernement pourrait recourir au "49.3".

Recentrage de la DETR

Notons encore qu'au cours de la même réunion, la commission des finances a adopté plusieurs autres amendements, visant notamment à :

-Recentrer l'attribution de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), en excluant de son bénéfice "les communes urbaines membres des métropoles" et plus de 190 intercommunalités (dont 149 communautés de communes). A noter : ces amendements ont été déposés par la députée socialiste Christine Pires Beaune, auteure d'un rapport parlementaire en 2020 sur "la refonte des critères d'attribution de la DETR".

-Améliorer les procédures de gestion de la DETR et de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), notamment en confortant la place des élus locaux.

-Augmenter les dotations de soutien à l'investissement local (DETR, DSIL, DSID) à hauteur de l'inflation prévisionnelle (+1,8%) en 2025. 

-Accroître de 60 millions d'euros (pour les porter à 100 millions d'euros en 2025) les crédits en faveur des subventions exceptionnelles aux collectivités victimes de calamités naturelles.

-Faire en sorte que les délibérations pour une répartition dérogatoire aux règles communes concernant le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) soient valables plusieurs années (et non une seule).

Le même jour, en commission des Lois…

Ce 30 octobre, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a elle aussi examiné (mais "pour avis") les dispositions de la mission "Relations avec les collectivités territoriales", aboutissant parfois à des choix différents de ceux de la commission des finances. Elle a en effet rejeté un amendement LFI proposant de supprimer le fonds de précaution de 3 milliards d'euros. Mais elle a par ailleurs approuvé des amendements ayant pour but de :

-Revaloriser la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 491 millions d'euros en 2025, pour prendre en compte intégralement l'inflation prévue à +1,8%.

-Abonder de 163 millions d'euros en 2025 le "fonds de sauvegarde" qui vient en aide aux départements les moins favorisés.

- Créer un fonds de soutien de 50 millions d'euros pour les dépenses du bloc communal dédiées aux installations de lutte contre le risque de submersion marine (digues ou écluses).

-Instaurer un fonds exceptionnel d’aide aux collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie, doté de 850 millions d'euros en 2025.

-Réduire l'écart de dotation forfaitaire par habitant (qui est aujourd'hui de 1 à 2) entre les communes les plus petites et les plus grandes, en le faisant passer de 1,5 à 2, comme le souhaite l'Association des maires ruraux de France.

› Les associations du bloc communal "unies" contre le projet de budget

Les représentants des associations concernées se sont rencontrés, ce 30 octobre dans les locaux de l'AMF, pour faire un point et bâtir une réponse commune, ont-elles fait savoir dans un communiqué.

Les associations de maires et présidents d'intercommunalités - Association des maires de France (AMF), Association des maires ruraux de France (AMRF), Association des petites villes de France (APVF), France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France - s'organisent face au gouvernement et aux "ponctions supplémentaires" inscrites dans le PLF 2025. Et ce en tentant de faire bloc.

Après la présentation du PLF, les élus des grandes villes et intercommunalités avaient déploré que les mesures du gouvernement mettent principalement à contribution les plus grandes collectivités (notamment au travers du fonds de précaution). Ils avaient dénoncé une "iniquité". 

Certains s'étonnaient même que les maires ruraux restent muets sur les annonces faites par le gouvernement. Ils semblent donc avoir mis de côté leurs critiques pour rendre possible la réunion.

Dans le communiqué, les associations du bloc communal déclarent qu'elles "s’opposent à ces prélèvements qui ne sont pas des économies" et "rappellent leur attachement au principe d’équité qui les lie".

Elles "proposeront prochainement des pistes d’économie au gouvernement dans une contribution commune qui est en préparation". Elles en donnent un avant-goût : "L’État doit se réformer pour être plus efficace", affirment-elles. En complétant : "Seule la véritable décentralisation permettra de retrouver de la performance publique pour assainir les comptes publics et au service des habitants".

Des représentants de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) étaient également présents à la réunion.

TB

 

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