Archives

Aménagement numérique - Plan Très Haut Débit : de fortes inquiétudes liées à la réforme territoriale

Le colloque sur les perspectives pour l'e-administration et l'aménagement numérique organisé le 11 juin à Paris par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a donné lieu à des échanges à la fois sur les infrastructures et sur les services et usages (1). Toutefois les débats ont beaucoup porté sur la réforme territoriale et les risques de blocage du plan France Très Haut Débit.

L'ampleur de la réforme territoriale annoncée par le président de la République et l'accélération de sa mise en œuvre semblent de plus en plus semer le doute sur l'avenir du plan national Très Haut Débit. Alors que 20 dossiers territoriaux ont fait l'objet d'une décision de financement du Premier ministre, bientôt suivis par une quinzaine d'autres, l'annonce de la suppression des départements constitue un sérieux grain de sable. Gilles Quinquenel, président de la commission Communications électroniques de la FNCCR et président de Manche Numérique, s'en est inquiété : "En tant que président d'une structure départementale, je vais devoir signer dans les prochaines semaines des marchés publics pour une centaine de millions d'euros de travaux. Je ne signerai pas ces marchés si je n'ai pas de visibilité financière. Personnellement, je reste optimiste, mais je crains que certains départements ne mettent un coup de frein au moment où il faudrait au contraire accélérer."

Lourdeurs administratives

Alors que les départements sont le plus souvent chefs de file dans les projets, la réforme territoriale n'arrive pas au meilleur moment pour le déploiement du très haut débit. D'où les interrogations des présidents d'exécutifs départementaux sur l'opportunité de lancer les chantiers, du moins immédiatement. Certains disent vouloir attendre un peu et être rassurés sur leur avenir.
Mais ce n'est pas le seul obstacle du parcours. Henri Emmanuelli, président du conseil général des Landes, qui préside également la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts, a dénoncé aussi les lenteurs et les tracasseries de l'administration. Il stigmatise notamment "la dispersion des structures en charge des projets du numérique au niveau de l'Etat", avec des administrations qui ne veulent "lâcher aucune de leurs prérogatives ou privilèges". Déplorant une France "encalminée", il a rappelé combien les démarches pour obtenir les aides prévues par le FSN étaient complexes "avant que le président de la République ne donne des ordres pour simplifier le maquis des procédures". Aussi appelle-t-il les collectivités à "pousser très fort" et à trouver des méthodologies "rapides et efficaces au regard des enjeux de développement et de croissance".

Agence du numérique : la présence des collectivités toujours en question

La future Agence du numérique provoque également un certain mécontentement. Son statut est toujours en discussion, avec comme double hypothèse, soit une installation à Bercy sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN), soit la création d'un établissement public. Christian Paul, député de la Nièvre, Akim Oural, élu de Lille Métropole chargé d'une mission sur la gouvernance numérique, et Gilles Quinquenel ont confirmé, dans leurs déclarations, l'existence d'un consensus général des élus locaux sur le rôle de partenaire "à part entière" qui devrait revenir aux collectivités territoriales dans la gouvernance de la nouvelle structure. La proposition ne semble pas entendue ou, du moins, les signes positifs ne sont pas encore visibles : "Nous attendons toujours le moment ou Etat et collectivités territoriales se mettront autour d'une table pour co-construire le projet", a ironisé Gilles Quinquenel. Certains élus s'impatientent et appellent à la mise en place d'une structure de coordination portée directement par les collectivités territoriales. La menace n'est pas crédible étant donné les modalités de constitution d'un établissement public, mais elle traduit la volonté d'avancer collectivement, "toutes associations d'élus confondues", dans le sens d'un renforcement de la "solidarité".

Des assurances surtout financières

Antoine Darodes, le directeur de la mission Très Haut Débit qui représentait la ministre en charge du numérique, a tenté d'apporter quelques réponses financières à défaut de pouvoir répondre sur le fond. Ainsi, le seuil initial des 900 millions d'euros de subventions du FSN est en principe déjà dépassé avec une prévision d'engagement de 1,2 milliard "d'ici l'automne". Quant au financement des 3,3 milliards, le gouvernement semble avoir tranché : il sera alimenté par les fonds résiduels du programme d'investissement d'avenir - comme Localtis l'avait annoncé -et par les redevances provenant des opérateurs sur les bandes de fréquence 1.800 Mhz.
Deux autres nouvelles positives complètent le tableau : la menace sur l'éligibilité des fonds Feder et Feader semble maintenant écartée, "des assurances ont été données la semaine dernière pour une décision qui interviendra au mois de juillet", a-t-il confirmé ; même tonalité sur l'approbation du régime cadre, puisque la Commission devrait valider, au début de l'automne, le système de subventions d'Etat retenu par le gouvernement, "ce qui sécurisera un peu plus les projets portés par les collectivités locales".
Mais le directeur de la mission n'a pas occulté les problèmes. "Il y a bien un peu de houle, un peu de vent et quelques nuages sombres à l'horizon mais ce n'est pas pour autant qu'il faut faire demi-tour", a-t-il assuré, tout en réaffirmant que le gouvernement tiendrait ses engagements. La réforme territoriale est certes un élément perturbateur, mais qui ne remet pas en question le plan : "Des modalités de transition ou de transfert seront à envisager dans certains cas", mais aujourd'hui, tous les projets sont portés par l'ensemble des collectivités - communes, EPCI, conseils généraux voire région -, notamment au sein de syndicats mixtes, et "c'est la meilleure garantie de pérennité du plan", a-t-il affirmé en guise de conclusion.

Philippe Parmantier / EVS

(1) Nous reviendrons sur le volet usages et services dans une prochaine édition
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis