Plan de relance : la filière viticole attend de nouvelles mesures pour surmonter la crise
Le plan gouvernemental de relance de la filière viticole présenté le 11 mai dernier a déçu les organisations du secteur. L'Association nationale des élus de la vigne et du vin (Anev) défend pour sa part un bouquet de propositions plus large que les dispositions en faveur de la distillation pour surmonter la crise profonde que traverse la filière.
Insuffisant. C'est ainsi que le plan de relance de la filière viticole, présenté le 11 mai dernier par le gouvernement, a été qualifié par sept organisations viticoles - Cniv (Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique), UMVIN (Union des maisons & marques de vin), CNAOC (Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vins à appellations d'origine contrôlées), Coop de France, VinIGP (Confédération des vins à indication géographique protégée), Jeunes agriculteurs, Vignerons indépendants.
Ce plan de soutien prévoit une enveloppe de 100 millions d'euros d'exonérations de charges sociales patronales et de cotisations sociales pour les exploitants et une enveloppe de 140 millions d'euros pour l'accompagnement à un plan de distillation de deux millions d'hectolitres de vin. Face à la crise d'ampleur que doit affronter la filière - marchés et salons annulés, restaurants fermés, difficultés pour trouver de la main d’œuvre saisonnière, problèmes de trésorerie, conflit commercial avec les Etats-Unis, incertitudes autour du Brexit, instabilités des différents marchés internationaux -, les co-présidents de l'Anev (Association nationale des élus de la vigne et du vin) proposaient le 4 mai dernier leur propre version de ce plan. Composé de 14 mesures, il élargit le périmètre des annonces gouvernementales en proposant notamment la défiscalisation de la réintégration de 50% des sommes épargnées au titre de la DEP (dotation pour épargne de précaution), afin de couvrir les salaires des employés des exploitations, l'annulation des coûts des crédits bancaires en cours ou encore l'autorisation de l'entrée en France des travailleurs saisonniers européens.
Obligation et opportunité
Nathalie Delattre, sénatrice de Gironde et co-présidente de l'Anev, se dit aujourd'hui "un peu étonnée que le ministre de l'Agriculture ne nous parle que de la distillation de crise, qu'il ne veut d'ailleurs pas forcément financer tout seul alors que c'est une mesure que l'État français doit financer puisque l'Europe ne le veut pas". En effet, fin avril, la Commission européenne a autorisé l'intervention des Etats sur le marché des vins sans pour autant débloquer de nouveaux fonds spécifiques pour financer la distillation et l'aide au stockage privé autre que son plan de 80 millions d'euros pour "soutenir les secteurs agricoles les plus affectés".
Pour la sénatrice, pas question de tout miser sur la distillation. "C'est de toute façon une mesure qui se mettra en place avec des demandes très inégales d'une région à l'autre. C'est une opportunité, par une obligation. Ce que nous défendons, c'est qu'il puisse y avoir un bouquet de propositions. La distillation de crise, qui peut permettre de maintenir une trésorerie dans certaines exploitations, mais aussi des mesures d'aide au stockage et aux vendanges en vert pour pouvoir maîtriser la prochaine rentrée. Aujourd'hui, beaucoup d'exploitations vendent au négoce, l'exonération devrait être plus généralisée sur tous les types d'exploitations et pas seulement selon certaines typologies de vente".
Dommages collatéraux
"La crise viticole ne pourra se résoudre que par une approche globale", estime le sénateur socialiste de la Gironde Hervé Gillé, pour qui "il y a deux niveaux d'intervention possibles. Le premier, c'est de négocier un fonds de compensation avec l'Europe qui serait de l'ordre de 250 millions d'euros. Le second serait la relance de la dynamique commerciale pour reconquérir des parts de marchés, cela va nécessiter également un appui financier".
Par ailleurs, un fonds d'aide européen pour faire face à la taxe Trump sur les vins français est toujours espéré par certains élus. Pour Nathalie Delattre, en revanche, la messe est dite : "On sait très bien que l'Europe ne le fera pas et que l'État doit le créer sur ses fonds propres. Je ne peux que me féliciter de l'investissement qui est fait dans l'aéronautique, mais la viticulture en a été un dommage collatéral". Que feront les autres pays à forte production viticole ? "Ils vont essayer de se relever au même moment", prédit-elle. Mais "s'ils n'ont pas les mêmes freins en termes de charges ou qu'ils ont des facilités que nous n'avons pas, nous ne pourrons pas être sur un pied d'égalité. Concernant la distillation, il ne faudrait pas destructurer un marché qui n'aurait pas de débouchés. Une mesure de ce type est nécessaire mais si elle reste isolée, elle ne suffira pas", poursuit-elle.
Pour l'Union nationale des distilleries vinicoles (UNDV), "le délai imposé d'avoir distillé et commercialisé au 15 septembre 2020 est beaucoup trop court". Dans un courrier envoyé à Didier Guillaume, elle demande une rallonge jusqu'à fin 2020 et fait état de débouchés commerciaux incertains (notamment pour le bioéthanol compte-tenu de la baisse des cours du pétrole) et de coûts importants de stockage pour cette mesure, à laquelle elle pose une condition : "qu'il y ait une aide aux distilleries, ce qui n'est pas encore budgétisé".
La sénatrice Nathalie Delattre espère de nouvelles mesures. "Pour l'instant, on est en dessous de ce que la profession mérite et attend pour se relever. On sait que le marché français n'explosera pas et que notre marge de manœuvre est essentiellement à l'export mais pour cela, il faut que nous soyons prêts". Un pari pas encore gagné : selon la fédération des exportateurs de vins et spiritueux, les exportations de vin ont baissé de 12% (1,84 milliard d'euros) au premier trimestre 2020 et chuté de près de 20% en mars.