Passe vaccinal : échec de la commission mixte paritaire
Le projet de loi "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire" va devoir faire l'objet d'une nouvelle navette parlementaire : la commission mixte paritaire réunie ce jeudi 13 janvier a finalement été "non-conclusive", alors même qu'un accord semblait proche malgré les versions sensiblement différentes votées par les deux chambres. Le Sénat avait adopté le texte la nuit précédente, avec plusieurs modifications visant notamment à encadrer davantage le recours au passe vaccinal.
Le suspens est resté entier jusqu'à 18h30. La commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver un compromis entre députés et sénateurs sur le projet de loi "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire" s'est réunie ce jeudi 13 janvier après-midi, pour finalement échouer. Ceci au terme de plus de quatre heures de réunion ponctuées par une suspension de séance, de négociations serrées et d'un début d'accord qui semblait pourtant se dessiner.
Le texte devait donc repartir pour une navette entre Assemblée et Sénat en vue de son adoption définitive. Les députés devaient remettre l'ouvrage sur le métier dès ce jeudi soir en commission, puis vendredi après-midi dans l'hémicycle. Après un nouveau passage au Sénat, c'est l'Assemblée qui aura le dernier mot, possiblement durant le weekend ou en début de semaine. Le gouvernement espère une entrée en vigueur du pass vaccinal autour du 20 janvier, sous réserve d'éventuels recours au Conseil constitutionnel.
"Nous avions obtenu un accord de principe" sur un texte commun, mais un tweet avant la fin de la réunion du patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, évoquant une "victoire du bon sens" des siens, a porté "une atteinte intolérable" au fonctionnement du Parlement, a dénoncé la présidente de la commission des Lois de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet. Bruno Retailleau avait tweeté que la CMP, à laquelle il ne participait pas, avait "donné raison au Sénat" et que "le passe est destiné à protéger les Français et à rien d'autre... n'en déplaise à Emmanuel Macron". Yaël Braun-Pivet a rétorqué travailler "non pas pour gagner ou perdre, mais pour protéger les Français".
L'accord semblait pourtant proche, malgré les versions sensiblement différentes votées par les deux chambres. Et malgré deux points durs : la question des contrôles d'identité par les cafés et restaurants et celle des sanctions vis-à-vis des employeurs n'appliquant pas les règles sur le télétravail. "On ne peut suspendre des travaux qui étaient aussi proches d'un accord sur la base d'un événement extérieur", a déploré Philippe Bas, rapporteur du texte au Sénat.
Lier recours au passe et nombre d'hospitalisations
C'est moins de 12 heures avant le début de la réunion de la CMP, dans la nuit de mercredi à jeudi, que le Sénat avait voté le texte après l'avoir sensiblement modifié. Un vote acquis par 249 voix pour et 63 contre : une majorité de sénateurs des groupes LR, centriste, PS, RDPI à majorité En Marche, RDSE à majorité radicale et l'ensemble du groupe Indépendants avaient voté pour ; une vingtaine de sénateurs LR avait voté contre et une autre vingtaine s'était abstenue ; les groupes CRCE à majorité communiste et écologiste avaient voté contre. Ceci au bout de deux longues journées de débats plutôt apaisés, contrastant avec le climat agité qui avait entouré son adoption la semaine dernière à l'Assemblée nationale (voir notre article).
Principale mesure : une fois la loi définitivement adoptée puis promulguée, il faudra pouvoir justifier d'un statut vaccinal pour accéder aux activités de loisirs, restaurants et bars, foires, mais aussi transports publics interrégionaux. Un test négatif ne suffira plus, sauf pour accéder aux établissements et services de santé.
Considérant qu'il s'agit d'une mesure "fortement restrictive de libertés", le Sénat avait encadré le recours au passe vaccinal : il ne pourrait être imposé ou maintenu que lorsque le nombre d'hospitalisations liées au Covid-19 serait supérieur à 10.000 patients au niveau national (il est aujourd'hui de près de 24.000). Lorsque le nombre de patients hospitalisés serait inférieur à ce seuil de 10.000 patients au niveau national, le passe vaccinal ne pourrait être maintenu que dans les départements où au moins l'un des deux critères suivants serait rempli : un taux de vaccination (schéma complet) inférieur à 80% de la population totale ou une circulation active du virus. Le gouvernement avait assuré de son côté que le passe vaccinal n'a pas vocation à être utilisé au-delà de ce qui est nécessaire.
Dans un souci de clarté, les sénateurs avaient par ailleurs limité la possibilité d'imposer la présentation d'un passe vaccinal aux seules personnes de plus de 18 ans. Les mineurs de 12 à 17 ans restant quant à eux soumis à l'obligation de présenter l'actuel passe sanitaire (autrement dit, ils pourraient participer aux activités de loisirs en produisant le résultat négatif d'un simple test de dépistage). Les députés avaient eux prévu de maintenir le passe sanitaire pour les mineurs dans le cadre de sorties scolaires. L'accès aux activités de loisirs hors sorties scolaires étant subordonné également à la présentation d'un passe sanitaire pour les 12-15 ans, puis à un passe vaccinal à partir de 16 ans. Le Sénat avait en outre voté en faveur d'une autorisation parentale unique pour la vaccination des 5-11 ans, comme c'est déjà le cas pour les 12-15 ans.
Le Sénat avait purement et simplement supprimé la possibilité pour les patrons de bars, cafés et restaurants de procéder à des vérifications d'identité pour s'assurer de la concordance avec le passe vaccinal. Il s'agissait initialement, selon le texte voté par les députés, de leur permettre de demander un "document officiel d'identité", "lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté n'est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente".
Enfin, les sénateurs avaient supprimé les dispositions permettant de sanctionner d'une amende administrative allant jusqu'à 1.000 euros par salarié, dans la limite de 50.000 euros, les entreprises ne jouant pas le jeu du télétravail. La commission des Affaires sociales du Sénat avait considéré que "ces dispositions s'inscrivaient dans une logique coercitive qui n'était ni utile ni souhaitable".
Vantant "un texte significativement amélioré", le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau avait affirmé que "balayer d'un revers de main" en CMP les apports du Sénat "serait un mauvais choix". "Nous tendons la main, mais nous ne le ferons pas à n'importe quel prix", avait-il prévenu: "Nous voulons la responsabilité, mais nous voulons aussi la proportionnalité".