Parenthèse estivale

La rédaction de Localtis prend le large et suspend ses éditions quotidiennes jusqu'au 28 août. Au fil des articles de ce "hors-série" estival, retour sur quelques-uns des grands sujets qui ont fait l'actualité des derniers mois pour les collectivités locales – dans un climat particulier marqué par les remous liés à la réforme des retraites... puis par les violences urbaines – et qui reviendront sur les devants de la scène dès la rentrée.

Passer en revue l'actualité du semestre écoulé. Jamais évident, et moins encore lorsque celui-ci a été marqué par des turbulences inédites. On songe évidemment surtout à celles suscitées par la réforme des retraites qui, depuis sa présentation en conseil des ministres en janvier dernier jusqu'à la publication de la loi en avril, a agité et accaparé le Parlement, le débat public… et la rue, entre manifestations et grèves, dont la plus visible, celle des éboueurs. Presque de quoi faire oublier qu'en dehors de cette réforme, pas moins d'une vingtaine de lois ont été promulguées depuis le début de l'année : Lopmi, loi permettant aux associations d'élus de se constituer partie civile, énergies renouvelables, tiers-financement pour les travaux de rénovation énergétique, restauration universitaire, Jeux olympiques, nucléaire… et qu'une trentaine de projets de loi sont sur le feu : immigration, numérique, industrie verte, plein emploi

C'est à l'issue de ce long épisode de la réforme des retraites qu'Emmanuel Macron a lancé à la mi-avril son image des "100 jours". Suite à cela, la Première ministre a présenté fin avril sa feuille de route pour les trois mois à venir, tout en se projetant jusqu'en 2024, compilant l'ensemble des chantiers que le gouvernement entendait privilégier : emploi, formation, industrie, énergie et environnement, transports, logement, ruralité, éducation, services publics, sécurité... En sachant que certains de ces chantiers font écho aux discussions devant être engagées avec les collectivités dans le cadre de l'Agenda territorial, ce programme de travail commun gouvernement-collectivités qui englobera trois pans :  institutions, finances, cohésion territoriale.

Cet Agenda territorial avait donné lieu deux semaines plus tôt à une rencontre entre la cheffe du gouvernement et neuf associations d'élus locaux (voir notre article du 12 avril). Matignon précisant que "la réunion de la conférence des exécutifs locaux sera le cadre commun pour suivre le déploiement de l’ensemble de l’Agenda territorial formalisé avec les collectivités", sous la forme de "rencontres trimestrielles avec les ministres concernés et les associations d’élus". Les choses ne font donc que commencer et devraient se poursuivre à la rentrée.

Relance de la décentralisation

Sur les institutions – ou plus précisément sur le volet territorial d'une future réforme des institutions –, Emmanuel Macron avait lui-même invité ces associations d'élus à l'Élysée en mars (voir notre article). Au menu naturellement, la relance de la décentralisation. Le chef de l'État aurait à cette occasion insisté sur trois points : une meilleure contractualisation entre l'État et les collectivités (ou "territoires") ; des blocs de compétences à décentraliser de façon plus complète ; des financements assis sur une "autonomie financière" garantie par la Constitution et sur une pluriannualité. En matière de compétences à décentraliser, le logement reste bien le premier champ visé, ce dont les élus se réjouissent. Ceux des mobilités, de l'éducation et de la formation auraient aussi été évoqués.

Sauf que depuis, ce chantier de la décentralisation n'a guère refait parler de lui, du moins du côté de l'exécutif, alors qu'un "calendrier resserré" avait été envisagé. En revanche, le Sénat a continué d'y travailler. Un groupe de travail transpartisan que le président Gérard Larcher avait installé en octobre a présenté sa copie début juillet (voir notre article). Il y est là aussi question de transferts de compétences à l'intercommunalité dans le domaine du logement. Mais également du renforcement du pouvoir réglementaire local, de l'assouplissement de la répartition des compétences entre les communes et leur intercommunalité… Autant de dispositions que les sénateurs veulent "opérationnelles". Et qui doivent faire prochainement l'objet d'une proposition de loi. Ce texte sera aussi, ont fait valoir les sénateurs, le moyen de "tirer les leçons des crises"… et notamment des violences urbaines de fin juin.

Traînée de poudre

Ces violences qui se sont répandues comme une traînée de poudre furent l'autre grande secousse de ce semestre, prenant tous les pouvoirs publics de court. En quelques jours, plus de 750 bâtiments publics ont été atteints, selon le gouvernement, de manière plus ou moins importante. "Les chiffres sont trois fois supérieurs à celui des trois semaines de 2005", indiquait à la mi-juillet le ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu : 274 commissariats, brigades de gendarmerie et postes de police municipale, 105 mairies, 243 établissements scolaires dont une dizaine complètement détruits, 47 établissements de la justice, 3 centres hospitaliers, de l’équipement urbain, des bus, des trams, des médiathèques, des maisons de quartiers, crèches, gymnases, maisons de la culture, locaux associatifs…

Très vite, un texte relatif à "l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet" a été présenté, adopté et publié. Cette loi n'est pas "une réponse globale", avait d'emblée posé Christophe Béchu. "Nous sommes maintenant dans le temps du traitement des conséquences et viendra bien sûr à la rentrée le temps de l'action résolue sur les causes, sur les politiques à conduire", avait-il déclaré.

Emmanuel Macron l'a lui aussi évoqué le 21 juillet lors du premier conseil des ministres post-remaniement : il faudra "tirer les leçons de ce qui s'est passé", apporter "une réponse complète et profonde". "Cela structurera nos travaux de rentrée", a-t-il indiqué. Trois jours plus tard, lors d'une interview télévisée, le chef de l'État a jugé que la première des réponses doit être "l'ordre, l'ordre, l'ordre". Mais aussi la nécessité de "revoir notre politique de répartition des difficultés" : "Pendant des décennies, on a concentré les difficultés dans les mêmes quartiers, aux mêmes endroits. Ça, c'est un chantier que nous devons ouvrir avec les maires."

L'attente de "décisions concrètes" pour les quartiers

Les associations de maires, elles, ne demandent pas uniquement de l'ordre, mais aussi "une ambition forte pour les habitants des quartiers populaires". "S’il importe de réparer à court terme les dommages", "il est aussi essentiel que la politique de la ville se fixe une feuille de route et un cap, dans le cadre d’un dialogue renouvelé entre l’État et les collectivités", ont-elles écrit de concert à la mi-juillet.

Plusieurs fois reportées, les annonces présidentielles relatives aux "Quartiers 2030" auraient précisément dû avoir lieu la semaine des émeutes. La veille et le jour même, à Marseille, Emmanuel Macron avait certes disséminé quelques annonces à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), notamment sur l’éducation et la rénovation de l’habitat insalubre. Le 30 juin, le comité interministériel des villes (CIV) s'était bien tenu, mais avait été entièrement consacré aux événements en cours (voir notre article). Un "vrai" CIV est annoncé "pour la rentrée". Les élus demandent à y être "étroitement associés afin que des décisions concrètes puissent être prises".

Des élus découragés

Cet épisode des émeutes a aussi, avec l'attaque à la voiture-bélier contre la maison du maire de L’Haÿ-les-Roses le 1er juillet, remis sur le devant de la scène l'enjeu de la sécurité des élus. Au lendemain de cette attaque, des rassemblements étaient organisés devant nombre de mairies un peu partout en France. Dix-sept élus ont été agressés physiquement, eux-mêmes ou leur famille, durant cette période. De quoi amener le gouvernement à muscler son plan de prévention et de lutte contre les violences aux élus. Un plan qui avait initialement été présenté en mai suite à la démission d'un maire, celui de Saint-Brevin, Yannick Morez, dont le domicile avait été incendié. En plus de ce plan, la ministre en charge des collectivités, Dominique Faure, a fait savoir qu’elle présentera au prochain congrès des maires un projet de statut de l’élu.

Au-delà des cas d'agressions physiques, les associations d'élus n'ont eu de cesse de se faire l'écho d'une vague de découragement parmi les maires, d'un "malaise démocratique" pouvant lui aussi pousser à la démission. Une mission d'information du Sénat s'est penchée sur le sujet (voir notre article du 12 juillet). Dominique Faure et le président de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard, ont pour leur part récemment annoncé une consultation des maires pour éviter une "crise des vocations". Pour David Lisnard, les causes ne sont pas uniquement liées aux violences ou incivilités, ni même plus largement à l'attitude des administrés : "Quand on regarde le motif de découragement, des démissions, des maires, il y a un motif qui monte, c'est celui de la violence ou du dénigrement, toutes les violences, qu'elles soient physiques ou morales ; mais il y a un motif premier (...), c'est celui de la difficulté majeure qu'il y a à agir à cause de la bureaucratie, des lenteurs, des injonctions contradictoires, de la capacité financière à agir."

Mise en "ordre" des finances publiques

En conseil des ministres le 21 juillet, Emmanuel Macron a plaidé en faveur d'un "cap clair" autour de quatre chantiers : l'ordre républicain donc, la réindustrialisation et le "plein emploi" (le projet de loi plein emploi sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 18 septembre), les services publics et, naturellement, la planification écologique (voir notre article dans cette édition). Il a aussi annoncé la relance de plusieurs "conseils nationaux de la refondation" (CNR) à la rentrée "sur beaucoup de chantiers ministériels", notamment la santé et l'éducation.

Parmi les autres grands chantiers de la rentrée, le chef de l'Etat a énuméré la phase finale de la préparation des Jeux olympiques... et la mise en "ordre" des finances publiques : "À la rentrée, nous aurons à préparer le pays pour un cadre exigeant" avec une "stratégie" comprenant notamment "une gestion raisonnable de nos déficits". Plus qu'à voir ce qu'il en sera dans les textes financiers de l'automne (projet de loi de finances et projet de loi de programmation des finances publiques - voir notre article dans cette édition), sachant que les arbitrages budgétaires du gouvernement devraient être alimentés par la "revue des dépenses" dont un premier bilan a été dévoilé le 24 juillet, qui prévoit une dizaine de milliards d'euros d'économies (voir notre article).

 

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