Infrastructures - Ouvrages d'art de rétablissement des voies : le Sénat vote une nouvelle répartition des charges d'entretien
Le Sénat a adopté le 17 janvier en première lecture une proposition de loi d'Evelyne Didier et de plusieurs de ses collègues du groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) "tendant à répartir les charges d'entretien relatives aux ouvrages d'art de rétablissement de voies". Soutenu par l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF), ce texte, au préalable adopté à l'unanimité en commission des lois, entend remédier aux difficultés rencontrées par de nombreuses communes pour assumer leurs responsabilités en la matière. En effet, lorsqu'une nouvelle infrastructure est construite, qu'il s'agisse d'une voie ferrée, d'une voie navigable ou d'une autoroute, des ouvrages d'art sont construits par leur gestionnaire pour rétablir la continuité des voies communales, voire départementales, lorsque celles-ci ont été interrompues. Se pose alors la question de la répartition des coûts d'entretien, de réfection, voire de renouvellement de ces ouvrages et, par là-même, de la responsabilité juridique concernant ces ouvrages. "Or, aujourd'hui, en l'absence de dispositions législatives et réglementaires, c'est la jurisprudence qui s'applique : les ouvrages d'art sont des éléments constitutifs des voies dont ils assurent la continuité ; la collectivité propriétaire de la voie portée est donc entièrement responsable de l'ouvrage, c'est-à-dire qu'elle doit en assurer l'entretien, la réfection et le renouvellement, et garantir la sécurité à l'égard des tiers, a expliqué Evelyne Didier lors de la discussion générale du texte. Ainsi, ceux qui décident de la création d'une ligne nouvelle, laquelle viendrait à couper des voies existantes, laisseraient ensuite les ouvrages de rétablissement à la charge des collectivités, qui, elles, n'ont rien demandé." En outre, a souligné la sénatrice de Meurthe-et-Moselle, les concessions parfois signées entre la collectivité et le gestionnaire de la nouvelle infrastructure sur les frais d'entretien sont dans la plupart des cas "insatisfaisantes pour les communes, car elles ne prévoient qu'un pourcentage libératoire de 8%, c'est-à-dire insignifiant au regard des dépenses qu'un tel ouvrage entraîne dans le temps". A titre d'exemple, Christian Favier (CRC, Val-de-Marne), a cité en séance le cas d'une commune de 312 habitants du Calvados qui s'est vu réclamer par Réseau ferré de France (RFF) 61.000 euros pour la réfection d'un pont, soit 66% de ses dépenses annuelles d'équipement.
"Qui décide paie"
La proposition de loi entend donc "revenir sur une jurisprudence constante et défavorable" et "définir un principe clair de répartition des charges concernant ces ouvrages". L'idée est celle du "qui décide paie". Selon le texte, c'est au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport de prendre en charge la surveillance, l'entretien et la reconstruction de la structure de l'ouvrage, y compris l'étanchéité de l'ensemble. La collectivité propriétaire de la voie rétablie prend quant à elle en charge l'entretien et la gestion des trottoirs ainsi que du revêtement routier et des joints assurant la continuité. Par ailleurs, le texte prévoit d'instaurer l'obligation pour les parties de signer une convention, "ce qui règle, d'une part, les questions posées en sus par chaque cas particulier et, d'autre part, le problème d'information des collectivités sur leurs propres obligations", a souligné Evelyne Didier. Enfin, pour les ouvrages de rétablissement existants, le texte prévoit la possibilité pour l'une ou l'autre des parties de dénoncer les conventions existantes, "même si ce n'est pas une obligation", et d'en conclure de nouvelles sur les bases prévues par le texte. De même, pour les ouvrages ne bénéficiant d'aucune convention et en cas de litige, les parties auront trois ans pour signer un tel document.
Lors de l'examen par la commission des lois, certaines dispositions ont été précisées. Tout d'abord, si aucun délai de signature de la convention n'a été fixé pour les futurs ouvrages d'art, un délai de trois ans, à compter de la saisine du juge, a été institué pour signer une convention, dans le cadre des ouvrages d'art existants. Ensuite, pour protéger les collectivités du risque de voir les gestionnaires des nouvelles infrastructures de transport réaliser des ouvrages d'art a minima ou au rabais du fait de l'application du principe général de répartition des charges et des responsabilités, les sénateurs ont souhaité que les règles de construction des ouvrages d'art soient définies dès les dossiers préalables aux déclarations d'utilité publique. Ces règles tiendraient compte de l'usage ultérieur de ces ouvrages ainsi que des règles de construction en vigueur.
Après son adoption par le Sénat, la proposition de loi doit maintenant être débattue à l'Assemblée nationale.