THD - Orange mis en demeure par l’Arcep sur les zones Amii
Et de trois. C’est à quelques mois d’intervalle la troisième fois que l’Arcep met en demeure l’opérateur historique. Après le réseau cuivre et les offres professionnelles, c’est au tour de la gestion des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) de susciter l’ire du régulateur. Une réponse au déluge de plaintes qu'il reçoit.
Il y a là sans doute un "effet gilets jaune". La grogne des élus sur la dégradation des services ADSL et les retards dans le fibrage des zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), qui impactent plus particulièrement la "France périphérique", prend de l’ampleur. Dans une interview publiée le 31 janvier dans les Echos, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, avoue "qu’il ne s'agit pas de quelques difficultés avec des clients. Le problème est systémique. J'ai été saisi par deux préfets, ce qui n'arrive jamais, je reçois des élus locaux un déluge de courriers accablants, l'un d'eux s'apprête même à porter plainte. Une dizaine de fois, on m'a parlé de nonagénaires coupés du téléphone pendant des mois avec des conséquences parfois très graves".
Plainte contre Orange d’un député du Gard
L’élu cité par le président de l’Arcep est Olivier Gaillard, député LREM du Gard. Dans un communiqué daté du 15 janvier, l’élu dénonce un défaut "criant" d'entretien des lignes de téléphonie fixe, "tout particulièrement en zones rurales et de montagne" ainsi que "la récurrence des dysfonctionnements". Accusant l’opérateur de "cynisme et d’hypocrisie", Olivier Gaillard a décidé de "porter plainte contre la société Orange, pour atteinte grave et manquements répétés et discriminatoires à l'obligation de garantir l'égal accès au service universel, la continuité, et l'adaptabilité de ce service" auprès des parquets d'Alès et de Paris. Une initiative "personnelle" souligne-t-on du côté de l’Avicca qui estime disposer "d’autres moyens" pour agir avec ses membres sur des préoccupations qu’elle partage.
Mise en demeure de l'Arcep sur les zones Amii
Face à ces élus qui voient rouge, le régulateur sort le sifflet avec une troisième mise en demeure en moins de six mois. La première concernait les obligations de service universel de l’opérateur qui n’intègre cependant que le téléphone. La seconde porte sur les offres professionnelles (ADSL, VDSL, fibre…). Le régulateur reproche à Orange une dégradation de la qualité de services des offres cuivre et son manque de diligence dans la livraison des offres de gros qu’il a l’obligation de fournir à ses concurrents… dans un marché ultra dominé par Orange. La dernière en date, confirmée le 31 janvier par Sébastien Soriano, porte sur les déploiements de la fibre dans les villes moyennes, les zones dites Amii. Dans ces zones, "Orange n'a pas tenu le délai de deux à cinq ans pour fibrer certaines des zones les plus anciennes". On peut du reste le constater en consultant cartefibre, où l’on note des taux de raccordement ne dépassant parfois pas 10%, voire inexistants dans des zones censées être couvertes fin 2020.
Le Conseil de la concurrence incompétent sur ce sujet
Face à cette situation, d’autres voix s’élèvent pour exiger des solutions plus radicales. L'Association des opérateurs télécoms alternatifs (Aota), qui réunit 45 entreprises, a ainsi saisi l’automne 2018 l’autorité de la concurrence pour obtenir la séparation la partie infrastructure des activités commerciales d’Orange. L’autorité vient de se déclarer incompétente sur le sujet. On soulignera que l’idée de la séparation est loin d’être nouvelle. Le président de l’Arcep estime qu’il ne s’agit pas solution miracle en citant l’exemple du Royaume-Uni où la scission de British Telecom n’a pas contribué à accélérer la couverture fibre de la Grande-Bretagne. Quant à Orange, au milieu de cette avalanche de critiques, l’opérateur a publié le 15 janvier 2019 d’un communiqué où il se déclare "pleinement mobilisé sur l’ensemble du territoire" et fait valoir 12 millions de locaux fibrés commercialisables, 9,3 millions des prises investies en fonds propres et une croissance de plus de 40% en 2018 par rapport à 2017 dans les zones moins denses…
Des chiffres qui vont certes dans le bon sens mais ne suffiront sans doute pas à calmer des territoires qui subissent depuis des années la double peine d’une fibre qui n’arrive pas et d’un service ADSL en fin de vie.